#carnets | Parking des heures

…h

| …

Les personnages ou agents principaux de ce carnet étant à ce jour :

le repos (à la porte) ;
l’abribus et son auréole ;
• les chansons (sont mes sirènes) ;
le ciel sur le parking (le parking lui-même) ;
• la question du visage ;
• les noms propres et leurs faits divers ;
• la suspension (occurrences de) ;
• la question des images ;
• la vue aérienne (Forêt de Compiègne) ;
le livre ;
• le run ;
• les phrases ;
le carnet lui-même ;

8h

| ciels | personne | attente | dénombrement | …

8

8/8

7

4/6

5/4

5/4

9

3/6/1

7

8

9

6

11

6

6

14

8

Le ciel avance sur le parking.

Qu’on fixe un mât sur le parking et le ciel se voit qui avance

Le ciel en entier avance

d’un seul tenant au-dessus du parking

D’un seul mouvement la couverture

nuageuse avance qui se morcelle

et le ciel déjà n’est plus le même

qui avance, n’est plus ce qu’il était quand

j’ai la première fois dit que

le ciel sur le parking avance,

qu’il n’est qu’à se fixer sur un mât

pour le voir avancer

un mât des lampadaires éteints du parking

quand le ciel s’éclaircit

au-dessus du parking

pendant que d’une minute à l’autre le parking se remplit

à l’heure de l’ouverture du ccial.

22h

| image | flou/net | routines | …

Une PERTURBATION a un CORPS et une TRAÎNE. La PERTURBATION —

L’AVANT de la PERTURBATION est calme. Le CORPS d’une PERTURBATION cause des PRÉCIPITATIONS. Est de PRÉCIPITATIONS. Le CORPS fait un FRONT. La PERTURBATION a un PASSAGE. Le PASSAGE d’une PERTURBATION s’accompagne de RAFALES de vent. La TRAÎNE comme son nom l’indique se situe à l’arrière. Vient APRÈS.

Un ciel de TRAÎNE s’observe à l’arrière du PASSAGE d’un FRONT. Un FRONT lié à une PERTURBATION. Dit de TRAÎNE est un ciel d’aspect changeant. (Ciel associé à un aspect changeant.) Un ciel de TRAÎNE est un ciel d’alternance d’ÉCLAIRCIES et de PASSAGES nuageux. Les ÉCLAIRCIES sont passagères. Une TRAÎNE active veut dire que les NUAGES sont de type CUMULUS et porteurs d’AVERSES.

Une PERTURBATION s’accompagne de PLUIES et de VENT. PLUIES et VENTS sont caractéristiques d’une PERTURBATION. Une PERTURBATION n’est que PLUIE et VENT. Et beaucoup de DOUCEUR. Le CORPS d’une PERTURBATION —

La PERTURBATION est une MASSE d’air. Elle est massivement douce. Elle est frontalement douce. Un front de DOUCEUR envahit le TERRITOIRE. Ou PAYS. Une INVASION de DOUCEUR pluvieuse et venteuse.

— D’une DOUCEUR invasive.

On dit une VAGUE de DOUCEUR exceptionnelle. On dit CORRIDOR de DOUCEUR et d’HUMIDITÉ. Ce CORRIDOR est le CORPS de la PERTURBATION qui est un FRONT. (Doux et humide. Le TEMPS est humide et doux.) Qui fait un FRONT de PASSAGE. À sa DOUCEUR on dit qu’elle est d’origine océanique tropicale. On le dit venu des Caraïbes. On dit RIVIÈRE atmosphérique. Qu’elle vient de l’OCÉAN. De nombreux records de DOUCEUR nocturne ont été battus.

… ou roues tournant dentées sur d'autres (d'une horlogerie)
Je repense à l’idée de remix à la main gauche que Vincent Tholomé nous a partagée dans #routines, et la prends pour moi.

10h

| ciels | routines | grisaille | personne | …

Le ciel ne cesse de s’allumer, de s’éteindre. Le ciel est blanc. Le ciel est d’une blancheur d’écran. Dehors le frigo est ouvert. Le freezer est ouvert. Le freezer est resté ouvert. Dehors le jour s’éteint lentement. (Un frigo qui s’éteint en l’ouvrant.) Le ciel est d’huître ouverte. Le ciel est d’un blanc nacre d’huître. Le ciel est blanc froid d’écran. (D’un blanc éteint. Blanc qui s’éteint.) Uniformément.

Ouvrir le carnet et voir. 

Le jour insiste tant sur cette nuance allumé / éteint qu’à force je ne la sens plus, à la longue, je ne la vois plus. — J’ai dit le ciel, je peux aussi bien dire le jour… Tellement la nuance est sollicitée ; est aiguisée ; est effilée ; est affinée ; est affûtée ; est aiguillonnée ; titillée ; stimulée (est guettée) ; elle oscille (vacille) tant qu’elle ne se sent plus. Sensiblement : insensiblement. (Sans transition de sensiblement à insensiblement.) Devient transparente à elle-même. (Fine comme papier.)  Elle est une zone anesthésiée. La (dissolution de la) frontière entre allumé et éteint dans le jour. Zone blanche. Elle ne fait plus la différence. S’allume, s’éteint dans le même jour. Clarté qui est une opacité et inversement. S’éclaircissant dans l’extinction : s’effaçant. 

Freezer ouvert. Hiver. 

Un blanc. 

Ouvrir le carnet pour voir. 

Me tenir en bout de table, vide ou débarrassée, accoudé, prêt à quitter, me tenir prêt à sortir, écrire… Une heure plus tard y être encore : guetter, être aux fenêtres, guetter le jour — passer — par toutes les fenêtres du séjour-(bureau-)cuisine. Je guette la lueur du jour. Je guette une lueur. Une direction dans le jour. La suivre. Pour aller dans le jour. Me glisser. M’insinuer sous, m’assimiler le blanc du jour.

Le jour n’arrête plus de s’éteindre. De s’éteindre, le jour n’en finit plus. En plein jour il s’éteint. Le jour est sans vivacité. Le jour est éteint. Le jour est sans vie. Il est froid. Le jour est sans mouvement. D’un instant à l’autre il s’éteint.

(…) J’ai fini par sortir et c’est le jour qui m’a suivi. Le jour s’est trouvé remué de ma sortie. A bougé. Le jour s’est remué. Il y a eu un mouvement dans le jour. De la lumière. Le jour s’est ouvert. Il y a eu une ouverture dans le jour. Comme à ma suite. À ma traîne. Comme si j’emportais le jour. Il s’est réchauffé. A tiédi. Il s’est doré pâlement, une auréole du jour me suivait. D’être sorti dans le jour, j’ai causé un échauffement au jour. D’être sorti dans le milieu du jour, une auréole avait été causée. — J’avais il est vrai attendu jusqu’au milieu du jour…

Le moment où le jour se sépare de lui-même

Je me suis résolu à sortir, dans le jour… et il m’a suivi. Je l’ai alors pris avec moi. Alors je lui ai raconté l’histoire du jour qui se sépare de lui-même : le moment où le jour s’est rassemblé. Celui où il commence à se quitter. Ils sont si rapprochés. (Je lui ai dit pour la nuance. Je lui ai ouvert mon carnet.) Presqu’ils se tiennent : le jour d’hiver est si court. C’est un tel raccourci que ce jour. Nous allons sur, non : vers, non : dans les jours les plus courts. Nous allons sous les plus bas des jours…

Je lui ai raconté : quelque chose commençait à se défaire. Il y avait un jour dans le jour. Alors il y a eut une lueur de compréhension dans le jour. Je lui ai dit : comme une lumière. Quelque chose s’ouvrait. Se détachait du jour. Lueur de complicité. Une intimité. De reconnaissance entre le jour et moi. Dans le jour il y avait un jour. Nous nous sommes reconnus. Nous n’étions pas perdus. Nous étions tel jour. C’était un jour du calendrier, nous n’en étions pas exclus. N’avions pas été mis dehors. N’étions pas largués hors des jours : loin, loin derrière. C’était tel jour et son histoire touchait à sa fin.

Il n’avait pas tout compris finalement, quelque chose lui échappait. Je le lui ai redit : il y avait un jour dans le jour. Comme si le jour fuyait dans le jour. Comme si le jour était la fuite par où le jour s’écoulait en lui : pour le remplir. Comme pour se vider. C’était égal. Dans un autre jour. Pour se résorber.

— Et là encore il m’a suivi…

une suite de notes (ou séquences) comme il y a des suites de danses ou pour violoncelle seul (avec le jour)
Chaque jour est un nuage, chaque nuage un jour (Anne Bertrand, Art Press janvier 2023)

| thèses

10h

Notes pour rien
1. Ce carnet ouvre le règne de la gratuité : les phrases y figurant seront notées pour rien. 
Corollaires — Il ne s’agit que de rendre au temps ce qui est au temps. Tout aussi bien, donc, de l’y perdre. Notes du temps perdu
Il n’y a pas de note pour plus tard.

Un ciel des phrases
2.1. Il est de la première importance de noter en phrases. (Fussent-elles nominales.) Les phrases sont des nuages. Nous ne pouvons vivre sous aucun ciel. Un ciel sans nuage est sans vie. 
Faire des phrases. Rien d’écrit sans phrase. Et il s’agira d’écrire…
Il est dorénavant hors de question de se passer du ciel des phrases

2.2. Même nominales… Il est rare qu’une phrase vienne seule. Une phrase ne vient pas seule. Cheval de Troie. La phrase ouvre la voie aux phrases. Elle est l’arbre qui cache la forêt : la contient.

3.1. Car les phrases disent.
Qu’on, qu’il n’y ait rien à dire, les phrases cependant disent. Laisser dire les phrases. Laisser pour soi les phrases dire. Il est vital, urgent quel que soit le cas, de (faire les phrases) dire.

3.2. Une phrase ne s’exprime pas. La phrase n’exprime rien : elle émet. Laisser les phrases émettre. 
Prémisses — Les phrases resteront en l’air. 
Les phrases vivent en l’air : sont des formes de vie en l’air. Les phrases se lancent, émettent en l’air.
Ce carnet, de notes, sera la station d’émission de phrases.

3.3. Les phrases, muettes — écrites —, disent.
— Que les écrits demeurent en l’air, voilà ce qu’un carnet, seul, permet.

Plafond de phrases
4. Subsidiaire — Le carnet est cette buanderie dans laquelle les phrases sont à pendre ; à s’étendre ; sont étendues.
Inclus, exposé l’invisibilisé travail préalable : trempage ; brassage ; blanchissage ; rinçage ; essorage. Lavoir où elles sont à dire — lavandières.

5. Noter est inventer. 
Noter ne relate pas un vécu : noter fait à un vécu rencontrer son effet. Quelque chose dans la prise de note — dynamique de la phrase — fonce dans le temps. Se lance en avant du temps. Avec la phrase, grâce à elle — par sa grâce —, une moindre impression se fait programme.
La note enregistre considérablement moins le moment qu’elle ne l’invente. Du rien à raconter, noter fait surgir un moment. 
La notation invente son moment. 
Au quotidien — Le noter sera l’inventer.

Un train cache une forêt
6. Il y a un livre dans une phrase.
Corollaires — Un carnet est un livre qui ne veut pas se refermer.
— Une fois ouvert ce carnet, considérez-vous hanté·e.

| du rêve

5h

Une colonie de vacances. Les préparatifs de départ d’une colonie de vacances. D’un club de vacances. D’un village vacances. Je ne sais pas, dans ma vie diurne, je n’ai jamais pratiqué ni l’une, ni les autres. Des membres de ma famille s’y trouvent, épars. Jamais les mêmes. En ma compagnie ? Probable. Disons que nous partageons les mêmes espaces. Non, ma famille n’y est pas réunie. Ce n’est jamais une réunion de famille. Plutôt comme une migration. Et moins un grand départ qu’un transit sans fin. Nous transitons, de transports en sites d’hébergement, collectifs. Les proches qui comme par coïncidence sont là, dans la même chambre ou le même couloir où je me trouve ou retrouve, sont compris dans un ensemble plus vaste, inconnu, supposé : une rumeur. Participant de la grisaille ou semi-obscurité générale. L’ambiance est administrative en plus d’être collective. Les relations ne sont ni intra-familiales ni filiales, pas intimes mais neutralisées. Désaffectées. Je n’y suis qu’un parmi les individus autour de moi s’efforçant de suivre le mouvement, de rester dans le groupe. Les conditions climatiques des plus variables et des changements de programme ou d’étape inopinés ou capricieux nous font enchaîner la révision de nos tenues et l’organisation de nos sacs. Nous sommes dans l’attente et pressés par le temps : sur le départ. Ou entre deux. Nous sommes chargés. Nous sommes encombrés, affairés. Je suis empêtré. Je suis tiraillé. Il y a de l’effervescence, il y a du remue-ménage, de la confusion. Mais jamais de question. Jamais ne se pose la question de notre destination. D’ailleurs nous n’allons nulle part. Nous nous préparons : à quitter les lieux — en attendant nous les occupons. Tout est incroyablement occupé. Incroyablement non. Tout est incroyablement normal. Fatal, indifféremment. Les lieux, ce sont une constellation de quelques pièces des demeures familiales intégrées à des complexes hôteliers ou scolaires, des paquebots, se ramifiant en ailes de musée ou étages de caserne. Tout, chaque fois, de toutes les manières, maison, lycée, y devenant dortoir ou vestiaire. — Tenir compte ici de la part certainement prépondérante que prend à ce nuage de souvenirs, à sa généralisation, la reconstitution, donc l’extrapolation, l’invention de cet “inventaire”. Rien de moins fiable que cette théorie de couloirs où se rencontrent tout autant de lectures que de parents : Négociation (F. Rosset), Dix heures et demie du soir en été, Le début de quelque chose (H. Jallon), Le procès, j’en oublie puisque c’est la règle, images absorbées, arrachées à combien de films ou composées avec des mots. Si bien que je me demande si mes rêves, ma relation de mes rêves, et pourquoi pas mon désir de ces rêves, je ne les tire pas de ces livres… Ou si je ne me les imagine pas un peu trop… Une colonie de vacances ? Pourquoi pas un camp de réfugiés…

| par cœur

16h

Il l’a sorti de sa poche et me l’a tendu. Je ne savais pas comment le prendre. C’est là. Je ne savais pas comment le tenir. Ça commence là. Je ne m’en rends pas compte d’abord. Je reprends. Il l’a sorti de sa poche et il me l’a tendu. Je ne savais pas comment le tenir. J’ai essayé de le tenir comme on tiendrait une fleur et un caillou en même temps. La phrase est tirée, traduite, de Richard Brautigan, Sucre de pastèque. Traduite : le trouble vient de là. Parce que moi je la lisais comme ça : J’avais l’air de celui qui tenterait de tenir en même temps une fleur et un caillou. Je l’ai toujours entendue comme ça. Je la connaissais sous ce jour, dans cette traduction-là. Alors de me la voir traduire en : J’ai essayé de le tenir comme on tiendrait une fleur et un caillou en même temps, j’y vois tout autre chose… Par exemple, qu’une phrase est un nuage. Qu’une phrase se rassemble et s’effiloche en même temps. Et qu’elle le fait en tournant, comme les nuages se font et défont : sur elle-même. Comme une ampoule d’une solution en suspension qu’on tournerait entre ses doigts, il y a du jeu dans la phrase. Il suffit qu’on penche le niveau pour que la bulle s’y déplace… — Cela, je le dis mal, parce que je le dis pour moi, vous comprenez, je ne l’écris pas pour être compris ou palpitant, ou même intéressant, je me comprends : j’essaie de faire à mon vécu rencontrer son effet, c’est un truc entre moi et moi. Je ne cesse pas de le dire mal parce que je le cherche. Je cherche ce truc qu’il y a entre moi et moi. — Ce qui le fait pencher, ce qui l’oriente, ce niveau, ce sont les phrases alentour. Une phrase ne vient pas seule. Elle est agie — agitée — par celle qui immédiatement précède. Voilà ce que je n’avais pas vu sinon pas lu d’abord : Je ne savais pas comment le tenir, au lieu de : Je ne savais pas comment le prendre. Ces infinitifs, différant, irradient à travers toute la longueur de mon ampoule. Ma traduction fétiche donc — celle de Michel Doury (1974) : le premier, non, le second, après Retombées de sombrero, de ma série des Brautigan — qui doit, elle, s’être étalée entre la série des Handke et celle des Ernaux, ou Duras (Bret Easton Ellis, à l’époque, ça ne faisait pas encore une série — plutôt l’événement) — lectures dont les conditions d’émergence ne furent autres que les piles et tables de ces livres de poche, le détail de tableaux d’Edward Hopper en couvertures autour desquelles je tournais dans la librairie du Virgin Megastore des Champs (Élysées — y en a-t-il eu un autre ?) en descendant de ma chambre de bonne au-dessus de la Galerie Lelong et où il était régulier que je passe un long, long moment quelque part entre 22h et minuit… Sauf que ma première (re)lecture mémorable de Sucre de pastèque eut lieu — je ne le sais pas, quelqu’un me l’a écrit sur la page de garde — sur le terrain du camping municipal de Bangor à Belle-Ile, l’été 2002 — disait prendre, quand l’autre dit tenir. Et d’une certaine manière, quand prendre en vient à dire tenir dans la phrase suivante — ma phrase nuage — je continue de lire prendre. J’ai toujours lu prendre. Je découvre alors cette seconde traduction, que j’appelle tenir, et ce n’est plus le même jour. Dans la traduction prendre, je sentais l’hésitation, la tergiversation. Dans la traduction qui dit deux fois tenir, je décèle plutôt l’invention, le bricolage, l’adaptation. — Mais c’est encore parce que l’une [avait] l’air, tandis que l’autre [a] essayé

| routines

8h

L’IMAGE DU JOUR — Earl accélère le vent. L’IMAGE DU JOUR — Danielle engendre un pic de chaleur. L’IMAGE DU JOUR — Fiona apporte des pluies diluviennes. L’IMAGE DU JOUR — Gaston retourne d’où elle est venue. L’IMAGE DU JOUR — Une dépression non nommée se forme. Sur sa route elle ne menace aucune terre. L’IMAGE DU JOUR — Bogdan à l’origine de cellules orageuses violentes. L’IMAGE DU JOUR — Ian s’apprête à toucher terre. Il présente un fort potentiel de destruction. L’IMAGE DU JOUR — Ian devrait se désagréger d’ici demain. L’IMAGE DU JOUR — L’œil d’Orlene est nettement visible. L’IMAGE DU JOUR — Ian modifie la turbidité de l’eau. L’IMAGE DU JOUR — Le cœur de Julia se déplace vers l’ouest à 33 km/h. L’IMAGE DU JOUR — Deux systèmes dépressionnaires tournent autour du même point. L’IMAGE DU JOUR — Un enroulement correspondant à la dépression Béatrice. LE PORTRAIT — Un sourire s’étire sur le visage d’Évelyne. L’IMAGE DU JOUR — Béatrice provoque une douceur remarquable. L’IMAGE DU JOUR — Yuki étire un front froid sur des milliers de kilomètres.

| l’embrouille

12h

Je confonds gauche et droite. C’est-à-dire que je montre la gauche avec le doigt tendu au bout de mon bras droit — même si c’est juste dans ma tête — et alors… Je sors de mes gonds lorsque mon père tourne à droite alors que j’ai bien répété que c’était à… euh… Je veux toujours dire stupéfait pour circonspect. Est-ce à cause de pantois ? Ou d’interloqué. De méduséBouche bée ? Dubitatif. Ou je confonds la retenue et l’interdiction : être interdit et réservé. Je ne sais jamais conjuguer le passé simple d’être : il y a un accent circonflexe ou pas, à la troisième personne du singulier ? Ou c’est dans le participe passé de devoir ? Ou le vouvoiement de dire, au présent de l’indicatif — ou de l’impératif… Je suis sans cesse fourré sur le site dédié de L’Obs. De plus en plus, je me dis de faire une chose et je fais le contraire. J’hésite entre deux alternatives, j’opte pour l’une, dans le même temps mon corps s’est lancé dans l’autre. Ou je ne fais tout simplement pas ce que je me dis que je dois faire. En même temps je le fais et ne le fais pas. — J’ai dû (?) le faire, vu que je me l’étais dit…

| une histoire pour …

16h

Ce serait une sculpture pour Carl Andre. Mon heure — passée — à longer — traverser — me poser au bord du parking — Parc de stationnements — Ma présence sur le parking. Comme, de la sculpture, Carl Andre ne garde que l’emplacement : au lieu — à l’endroit — de la sculpture, il y a l’idée — l’image — de la sculpture que se fait Carl Andre. (Comme une substitution. Comme le générique d’une sculpture.) Le sol est une sculpture comme une autre. Ma traversée ou ma station debout sont des sculptures comme les autres. Ce ne serait pas un texte. Mais la place d’un texte. À la place d’un texte : les phrases. La génération des phrases. Les formulations font les observations. Les phrases sont des images comme les autres. Notes pour un texte. Comme le contournement, la traversée de la sculpture fait la sculpture. Des phrases iraient et viendraient dans la forme d’un texte. Comme une sculpture de Carl Andre se tient ou résout toute entière dans le regard qui lui est porté, qui la visite. (Comme si son matériau — sa substance — était l’exposition même.) Ce serait — comme un parking en est un — le champ de vision d’un texte. Le jalonnant ; le ponctuant ; le parcourant ; qu’elles y soient apposées comme les dalles d’une sculpture de Carl Andre ou encore stationnées — arrêtées — moteurs qui tournent — qui entrent — sortant comme les autos du parking : mes observations. Elles ne me seraient pas propres. Elles seraient à tout le monde. Elles seraient communes ; elles seraient élémentaires. Basiques. Ce ne serait pas ma présence comme personne (en tant que). Juste ma personne comme présence. Je n’y serais que l’idée — image — de quelqu’un.

| faire le vide

10h

Le soleil tourne autour du parking. Les autos tournent sur le parking. La circulation contourne le parking. 

Les tables se remplissent. Les tables se vident. Le parking s’est rempli. 

La caisse enregistre. 

Le jour a gagné le parking. Le jour traverse le parking. 

La traversée du parking. 

Le ciel se vide. Le ciel bleuit. 

La vue sur le parking. Le froid sur le parking. 

Le parking des heures

La matinée avance sur le parking. Je suis face au parking. Je suis dans la vitrine. 

Un double expresso un croissant ? — C’est moi

Je me souviens de Carl Andre posant ses dalles de métal bord à bord ; au sol ; de manière à ce que sa sculpture soit « comme une route ». Un « emplacement ».
le soleil tourne autour du parkingle parking des heures
les autos tournent sur le parkingles tables se remplissentla vitre donne sur le parking
la circulation contourne le parkingles tables se videntla baie donne sur le parking
le parking s’est remplile jour a gagné le parkingle ciel se videla vue sur le parking
le jour traverse le parkingla traversée du parkingle ciel bleuitle froid sur le parkingla matinée avance sur le parking
la caisse enregistreje suis face au parkingun double expresso un croissant ?
je suis dans la vitrine— c’est moi
9h30 – 10h30 Ccial Grands Chemins

7h18
chutes d’auréole
Gare du Nord

| les morts sont avec nous

11h

(les gammes, les paso-dobles, les pas redoublés, les solos) (dans la cuisine, dans le garage, au sous-sol) (les passagers de la nuit que nous sommes) (la suspension de la CX) (les cahots des routes du Pays Fort) (les lignes droites de Sologne) (les sapins noirs) (les défilés, les tribunes des églises) (les répétitions, les sorties) (le turbo, les retards) (les samedis soir, les dimanches matin) (l’alto) (puis le ténor) (la trompette) (l’album, Stan Meets Chet, que je lui ai offert) (en cassette) (je l’écoute)

| état du monde

16h le rond-point est fluide

L’hypothèse de départ était que les moteurs des automobiles émettent des grondements, sont grognements, agacements individuels, des colères rentrées, des marmonnements, gorges qui se râclent, des voix, râclant, rayant l’atmosphère — et pourquoi pas, si je bricolais ça bien, des cris ? Ces accélérations pour s’insérer dans le trafic : un samedi après-midi sur la terre, aux abords des zones commerciales — moi piéton là, au bord des rond-points, à l’échangeur de la D1131 et de la N1031, puis dans la zone, le nez sur mon écran comme si je cherchais mon chemin, en fait le doigt sur le bouton Rec de l’enregistreur vocal. Je faisais l’hypothèse de la colère intégrée, du phénomène automobile contenant la conscience de son aberration, digérant le monstre en lui — et aussi le pari que le son serait éloquent, qu’il parlerait de lui-même — comment rendre ça avec un simple téléphone ? Il y a une rhétorique du son, de l’effet, de l’efficacité sonores, une technique que je ne maîtrise pas — moi je bricole. Je suis parti d’un enregistrement de 10 minutes, dont j’ai retranché pan par pan, séquence par séquence — à la fin, seconde par seconde —, les isolant, sélectionnant, supprimant à même le fichier audio d’origine, tout ce qui me semblait plus faible, les creux, les blancs dans l’intensité de la circulation. Je n’ai au final retenu que les moments d’accélération au plus fort du volume sonore, au plus près de moi, pics à leurs manières, modulations… 40 secondes d’un hachis de moteurs.

Et puis à 16h22, au bord de la circulation fluide sur le rond-point Robert Schuman de la zone de Mercières, j’ai compris que la “colère” ce pouvait être rapport à ça :  la non-occupation, le vide du rond-point, l’absence de barrage, de (manifestation de) colère un samedi après-midi d’hiver, d’un de ces hivers-là (tout de même, j’ai aussi croisé un piquet de grève des employé.es à l’entrée du Cultura

— et pourquoi je ne les ai pas, elleux, enregistré.es ?

| fait divers

20h

à JdT.

Saint-Vaast-Dieppedalle : Vol du projecteur d’un arrêt de car scolaire, les enfants dans le noir. Le maire Sylvain Monnier a eu la mauvaise surprise de découvrir la disparition du projecteur à led installé il y a un mois. (Photo) Le maire constate le vol de l’éclairage. L’édile s’indigne : « Les enfants qui prennent le car à l’arrêt d’Artemare remercient vivement la personne qui a volé le projecteur solaire. De nouveau, ils vont pouvoir attendre le car dans la nuit. »

17h

tant, tant d’années passées avant que je ne tombe aujourd’hui sur lui
impasse de la Défense

| aurais pas dû

16h

j’aurais pas dû accepter ces heures sup —  pour ce que ça rapporte — si j’avais pas quitté à cette heure ça aurait été fluide, pas de bouchon quand on passe de 4 à 2 voies, pas la file des camions à touche-touche, j’aurais été moins fatigué donc plus vigilant — en même temps cette histoire d’angle mort… c’est lui qui le conduit son camion, non ? non, ce que je me dis — et ça m’a sauvé la journéeet ça m’ouvre des perspectives — c’est : tout ça arrive sans rapport

tout ça n’a aucun rapport
tout ça n’a pas de rapport
et ça me devient une perspective
et ça ne finit pas de m’ouvrir des perspectives
pas de lien entre ces faits : ils sont divers : ils sont épars dans le jour
— et à ce moment-là : si je n’avais pas écouté de musique ?
— si je n’étais pas en train d’écouter Sade, Cherish the Day (1992, les chansons sont des sirènes)
les choses arrivent isolément (qu’il n’y a pas d’enchaînement)
les choses arrivent seules
(que les causes ne s’enchaînent pas pour produire des effets,
que de cause à effet il y a aussi beaucoup d’espace, il y a tout l’espace — il y a le temps)
(il y a du jeu, ça ne se touche pas)
— même si là, on a touché…
(qu’il y a des effets sans causes ?)
il ne faut pas y voir de rapport
on peut n’y voir pas le rapport
il faut n’y voir aucun rapport
(libération)
et ça m’a libéré
(les événements sont des îles ?)

| ruminer ressasser

21h

CAR IL N’A JAMAIS ÉTÉ QUESTION QUE DE ÇA ÊTRE CE QU’ON N’EST
PAS NE PAS ÊTRE CE QU’ON EST LA FORME INFINITIVE DU VERBE QUE
NOUS TAIRONS N’AURA JAMAIS ÉTÉ QUE L’OUTIL DE CETTE
MÉTAMORPHOSE SANS ABOUTISSEMENT TRANSITION SAS ENTRE
DEUX RÈGNES CAR IL N’AURA TOUJOURS ÉTÉ QUESTION QUE D’EN
CHANGER ET ENFIN NAÎTRE SANS FIN NAÎTRE L’INFINITIF QUE NOUS
PRÉFÉRONS TAIRE ICI AYANT DE TOUT TEMPS ÉTÉ ENGAGÉ COMME
L’AGENT OU LE PRINCIPE OU PROGRAMME OU LA PROMESSE DE
CETTE MIGRATION CET ENLÈVEMENT PAR LEQUEL NULLE PART
C’EST TOUT CE QU’EN DÉFINITIVE IL Y A À PARTAGER CE QUI EN
D’AUTRES TERMES S’APPELLE NE PAS SAVOIR CE QU’ON FAIT DANS
LA VIE

| mon double

9h

« 

mon homme en run dans la forêt glauque… notez, je ne dis pas : je cours par la forêt glauque, pas : sans quitter la forêt glauque ; là c’est moi en sueur en forêt, la forêt froide et glauque, pas : moi courant… par le milieu de la forêt qui n’en finit pas d’être glauque, de la forêt tout le jour glauque, je dis : mon homme : mon homme courant dans la forêt intégralement glauque ; en run dans la forêt massivement glauque mon homme en instarun, mon homme en runstagram, homme en hashtag, mon homme en selfies …

mon homme en run dans la forêt glauque… notez, je ne dis pas : je cours par la forêt glauque, pas : sans quitter la forêt glauque ; là c’est moi en sueur en forêt, la forêt froide et glauque, pas : moi courant… par le milieu de la forêt qui n’en finit pas d’être glauque, de la forêt tout le jour glauque, je dis : mon homme : mon homme courant dans la forêt intégralement glauque ; en run dans la forêt massivement glauque mon homme en instarun, en runstagram, homme en hashtag tout épris de son run mon homme en selfies …

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mon homme en run dans la forêt glauque… notez, je ne dis pas : je cours par la forêt glauque, pas : sans quitter la forêt glauque ; là c’est moi en sueur en forêt, la forêt froide et glauque, pas : moi courant… par le milieu de la forêt qui n’en finit pas d’être glauque, de la forêt tout le jour glauque, je dis : mon homme : mon homme courant dans la forêt intégralement glauque ; en run dans la forêt massivement glauque mon homme en instarun runstagram, en hashtag tout à sa forme à son image, mon homme en selfies …

Je me souviens de Gerry (Gus Van Sant, 2002).
Je me souviens de John Giorno — de ses poèmes trouvés présentés en miroir avec delay d’une ligne (dans The American Book of the Dead, 1967 ou ​​Balling Buddha, 1970).
Je me souviens des photomatons d’Andy Warhol : Merce (1963) ; Ten faces of Leo Castelli (1967) ; et des compositions en colonnes Liz #1 (1963), Red Elvis (1962), Black and White Disaster (1963).

| net, flou

20h

il suffirra de se connecter sur le site chequenergie.gouv.fr et de rentrer son numéro de télédéclarant et sa facture, pourront y accéder les Français qui gagnent jusqu’à 4 750 € pour un couple avec deux enfants, l’aide ira de 50 € à 200 € pour ceux qui se chauffent au bois forêt fagot bosquet futaie bûche branche frondaison brassée bille brindille massif billot rondin grume fendre piocher abattre resserre brasier scier foyer bûcher bosser plancher concentrer nos efforts sur la France qui se lève tous les matins en ayant le sentiment de travailler pour d’autres

| fragment du corps

15h

je vois le trait se former — blanc — s’effacer — par ailleurs je l’entends — rayer le ciel — qui trace une rayure — déposer sa condensation contre — la vitre du ciel — elle en tinte — l’atmosphère vitre qui tremble — ou c’est moi — qui vibre — suis seuil tremblant — la tête caisse de résonance — boîte crânienne — grelot — que le moindre fourragement dans un sac en plastique — photo du tympan humain — la fenêtre ovale la fenêtre ronde — la chaîne ossiculaire comprend le marteau — l’enclume — l’étrier — qu’un déballage plastique affole — grelot en laiton pour vos chèvres — votre chien — votre cheval — grelottière pour rythmer le trot de l’âne à l’attelage — grelot à pince servant à signaler la moindre touche

« Dans la machine, il y a un cor, un basson, une clarinette basse, une clarinette, un son nasal, quatre trompettes, quatre plaques de tôle, des oscillations, une scie musicale, trente-quatre cordes aiguës, deux guitares électriques, des feuilles de papier épais froissé, trois trombones, un bongo, un tam-tam, des trilles (…) »

« Voile, enceinte, membrane, palais, tube, robe, cape, nuage, haut-parleur, peau, élastique, sac, film, amiante, amitié, tuba, tulle, cruche, boulette, pochon, cornemuse, ectoplasme, bourrelet (…) »

« On peut faire tinter une voiture en frappant sur le capot ou sur les jantes avec un bâton ou avec une cuillère, on peut faire tinter une rampe d’escalier en frappant sur les barreaux, on peut faire tinter un panneau en frappant à son centre, on peut faire tinter une tête en frappant sur le crâne (…) »

« (…) tube à néon, transistor unijonction, l’amplificateur d’impulsion, relaxateur, transistor à jonction, transistor à effet de champs, diodes électroluminescentes, diode laser, photodiodes, connecteur, afficheurs électrolytiques, multivibrateur (…) »

Je me souviens d’Anachronisme, Christophe Tarkos, 2001 (extraits ci-dessus des paragraphes que pour moi-même j’ai baptisé : la machine p. 9, un bruit sourd p. 94, tinter/remplir p. 161, transistor p. 200).

« L’œil n’est plus qu’une bille qui tinte dans sa boîte. Quelqu’un a posé des vitres entre mes côtes. »

« À l’intérieur, la chute continue. »

Je me souviens d’Extraits du corps de Bernard Noël (1958).

| attente

20h

à deux voitures il y a quelqu’un, il y a une ombre comme moi, le temps que j’ai mis à la sentir, il y a quelqu’un dans l’auto, le coin de mon œil, la forme de quelqu’un, une jeune femme, profil contre-jour comme moi, il y a quelqu’un avant moi : elle était là, son profil que son écran dessine, liseré bleu, aucun regard pour le parking —

le Cayenne devant le Flunch, blanc comme il se doit, genre chevalier double-file, va-et-vient, qui tourne, ne s’est pas trouvé de place, pas cherché, pas là pour rester les stop allumés, feux de recul laisser sortir, fébrile, le manège du Cayenne devant le Flunch que les caddies contournent, elle lui tourne le dos —

rangés, sages, on s’est garé nous, dans la rangée Madame Pressée j’ai répondu, profil que mon écran dessine, liseré bleu moi-même, elle est à la place passager, je suis à la place conducteur, entre, une auto quoi d’autre ? vide : habitacle vitré verrouillé vide, condamnation centralisée, le vide d’une auto —

les enseignes à contre-ciel autour, l’enseigne Carrefour géante dans mon rétro, la Gemo, les enseignes éteintes signe des temps couleur de nuit, de nuit grise — grise orange quand même —

mes jambes qui ne savent plus comment se plier à la place, à la contrainte, à l’espace en dessous du volant, la réduction —

quand en, seulement, quelques minutes la moiteur due au confinement, le froid de l’extérieur, ambiant, gagnant, vous gagne, le froid sans l’air, l’atmosphère qui se raréfie, se poisse — refroidit et fige —, la condensation qui monte aux vitres, la moiteur froide se plaquant là partout contre, vous savez — il faudrait arrêter de respirer —

pas comme moi, regard latéral — en coin —, la face tournée vers la vitre qu’on ne baisse pas à cause du froid — elle toute à la luminosité de son écran 

— une face humaine ça frappe, ça se détecte même du coin de l’œil, même distraitement, même à travers quatre couches de vitres, dans une auto sur le parking dans le noir parmi les rangées entières d’autos vides ça intrigue non, mais ça attire l’œil, non ? 

— non : toute à son écran, ses touches, au fond de son siège dans le noir, dans sa vie moi dans la mienne, moi, elle — ça fait au moins deux plus deux —, attendant quelqu’un 

— et ça fait toute la différence : elle n’étant pas là —

ce sur quoi la lumière des lampadaires tombe de haut : la communauté inexistante, constellaire des encapsulés, disséminés vitrifiés à la surface du parking ou de la Terre, qui attendent quelqu’un : quelqu’un pour disparaître —

se fondre dans la nuit

attendre n'est pas un verbe intransitif

| dénombrement

6h

35 véhicules vers l’agglo, qui plusieurs (5 ? 6 ?) longues secondes avant que je ne les entende affluer au stop (quasiment sous notre toit) suspendent à travers la plaine — des derniers champs cultivés —, dans la nuit, leurs projecteurs, lueurs au pignon sud du voisin d’en face ;

ces mêmes phares qui se faisant subitement plus précis, dessinent dans le coffrage du velux leur losange blanc glissant de gauche à droite — comme s’ils scannaient l’intérieur de la chambre ;

le plus souvent deux s’enchaînant, que je distingue au ronflement différé du second moteur à l’instant de quitter le stop ;

2 encore de ces 35 n’ayant pas marqué le stop — et un seul ayant mis son clignotant (a donc pris notre rue ?) ; 35 donc, contre

8 véhicules s’enfonçant dans la vallée (de l’Automne), qui projettent fugitivement mais avec contraste les ombres des arbres sur le pan ouest du toit du voisin, ombres s’effondrant instantanément pour se dissoudre dans la nuit — d’un seul j’ai pu capter dans sa fuite le fantôme des feux arrière ;

soient 35 pour 8 (pas un d’électrique) entre 5h25 et 6h ce matin — rien les dix dernières minutes, sinon le premier camion (à la résonance : de betteraves) — le temps qu’avec un comprimé de paracétamol 1000 mg la mal de tête passe, et revienne le sommeil.

8h…

8h55. À l’arrêt Automne, celui de la rivière, on a raté le bus, la Pêche à la truite en Amérique et moi. Moi je ne prends jamais le bus, alors, le temps de chercher La Pêche à la truite en Amérique au fond de sa caisse, et le temps de trouver les horaires, il n’y en avait plus qu’un. Je n’aurais pas dû écouter la Pêche à la truite en Amérique quand elle m’a proposé de prendre par la rivière parce que c’était tout droit… Je ne savais pas hier en me mettant au lit que j’irais à la pêche à la truite en Amérique aujourd’hui. Alors j’ai traîné, c’est en y traînant, j’ai pensé : bon sang La Pêche à la truite en Amérique ! Il faut qu’on sorte ensemble…

9h10. On a été pris en stop en peu de temps, sans doute grâce à elle. Je la tenais à bout de bras. Le technicien d’Enedis se rendait pour un dépannage à l’hôpital. J’ai inventé que j’avais mon auto à récupérer au garage Renault sur la zone ; que j’avais pris de la lecture parce que la livraison ne se faisait qu’à 12h, je lui ai montré La Pêche à la truite en Amérique, il m’a demandé : vous êtes pêcheur ? Je n’ai pas relevé le fait que la couverture de La Pêche à la truite en Amérique et son utilitaire portaient les mêmes couleurs. La Pêche à la truite en Amérique n’a rien dit de tout le trajet. Elle devait se douter de quelque chose — est-ce que je l’avais déjà conduite quelque part ? Notre chauffeur nous a laissé au dépose-minute au niveau des Urgences.

9h30. À l’arrêt Hôpital il y avait un quart d’heure d’attente avant de pouvoir monter dans quelque chose. Je ne suis pas pêcheur, l’attente n’est pas mon fort. Dans le fond, je suis un automobiliste. La Pêche à la truite en Amérique, elle sait se faire larguer au milieu de nulle part, me l’a raconté bien des fois, sauf que là, où s’enfoncer ? Je l’ai mise sous mon bras à cause du froid dans mes doigts et La Pêche à la truite en Amérique et moi on a marché. — J’avais bien quelque chose derrière la tête… c’était de poser La Pêche à la truite en Amérique sur le banc à un arrêt, près de moi, ou, mieux, dans le bus sur le fauteuil d’à côté ou de l’autre côté du couloir. Et puis voir. Attendre de voir. Toutes les lignes de l’agglo sont gratuites alors je n’aurais qu’à me laisser conduire pour une fois, me perdre dans la vision latérale et voir du pays, et peut-être du monde. Et va savoir — le temps que le paysage me berce, la Pêche à la truite en Amérique sera descendue à un arrêt dont je ne devine pas l’existence ? J’avais trois heures jusqu’au bus qu’il fallait attraper dernier carat à 12h30 à Parc Tertiaire — si je voulais rentrer, et si j’avais bien compris la fiche horaire. Je me disais : trois heures, c’est large, pour faire le tour de La Pêche à la truite en Amérique… On marchait comme ça jusqu’au prochain abribus et puis, peut-être elle d’abord, on a senti l’eau du fleuve — parce que tout le long de la zone d’activités, c’est l’Oise. Au rond-point on a bifurqué…

9h50…

10h10. La Pêche à la truite en Amérique longe les clôtures de la zone d’activité depuis de longues minutes. Désœuvrée. Elle ne voit pas quoi pêcher. Je ne sais pas quoi lui dire. C’est devant Euromaster à l’arrière du concessionnaire Mercedes : un bus tourne, je veux dire, il est stationné sur le trottoir, nous obligeant à le contourner, mais son moteur tourne. Je dis à la Pêche à la truite en Amérique : celui-là il est pour nous… On rejoint l’avant du bus, pour se rendre compte que son chauffeur y dort : sur son siège. Au chaud dans son bus. Ne prend pas de voyageur.

10h30. Sur le parking de la patinoire il y a ces rubans de scotch toilé collés au milieu d’une place. Comme si un mendiant avait attendu là qu’on lui balance quelque chose, signalé la zone de parachutage. J’ai posé la Pêche à la truite en Amérique bien au milieu, c’était juste sa taille. Je me suis éloigné et j’ai regardé. J’ai essayé plusieurs angles, en changeant de place de parking (toute cette portion du parking était vide, devant le Ziquodrome), et à chaque fois j’ai bien regardé la Pêche à la truite en Amérique. Comment elle réagissait. Et s’il y avait moyen qu’elle pêche là, je ne sais pas, un peu de cette lumière du temps bas qui courait dans les nuages, jamais au même endroit. Je me suis assis sous l’abribus en face, arrêt Parc de Loisirs : personne, prochain bus dans 25 mn. Je ne voyais presque plus La Pêche à la truite en Amérique avec la bordure du trottoir, non, décidément, là non plus la Pêche à la truite en Amérique n’était pas à sa place. J’ai retraversé le parking, sa diagonale et je l’ai ramassée.

Il est 10h50, presque deux heures à tuer encore et je m’interroge : la Pêche à la truite en Amérique, c’est en no kill ?

— Pardonne-moi, dit la Pêche à la truite en Amérique. Essaye encore.
R. Brautigan
Dans l’espace public ; sur la voie publique ; dans les, dans un transport en commun — qu’est-ce qu’un livre vient faire là (-dedans) ? Le livre objet de circulation. Le livre véhicule lui-même… Alors… M’installer en vis-à-vis du livre, et en regard du livre, et (envoyé) me faire voir par le livre — m'exposer à la circulation du livre — à son transit — à sa digestion donc — ou comment le livre nous traverse… Lequel des deux perd l’autre ?
Il s’agissait moins de perdre, aller perdre (j’allais le perdre…) un livre, que de me perdre avec un livre. Un livre agent de perdition… (Et si je m’en tiens au temps, si j’oublie un temps l’espace, c’est bien ça — c’est exactement ce qui se passe.)

| apprendre à perdre

15h

Arrêté de courir — Alors que le parking est en vue, plus que quelques dizaines de mètres à parcourir. Temps des étirements. (Un avion… vous entendez ?) — Couru tout ça pour me retrouver là, au même endroit ? (à passer, à voler ; survoler) — Le moment de s’étirer est le meilleur moment… N’irai pas plus loin, allez, n’aller pas plus loin, pour cette fois… (à souligner le silence) Jamais… N’aller jamais plus loin que là. Ne pas dépasser ça. (à emplir le ciel de sa laisse sonore) Au-delà de ça, c’est l’atmosphère. (à suspendre des vies) C’est aérosols et compagnie — la lumière qui se diffuse aux travers —, les particules, pluie d’atomes, les suspensions en l’air. Démons, de l’air, aussi. (des centaines de vie d’un coup ; d’un vol) — Le moment de s’étirer est le meilleur moment… (en un avion au-dessus de nous : de la zone : de ma tête) Laisse… Laissez… Je ne veux plus y retourner. Ne plus vouloir. (à faire trembler la vitre du ciel) Pas reprendre l’auto… (le plafond de verre) Je ne vais pas pouvoir — Je vais pouvoir ne pas. (comme son sillage expire ; n’en finit plus de passer) Au-delà c’est : souffler. Laisser le souffle en l’air. (et le temps de s’étirer) — Le moment de s’étirer est le meilleur moment. Le moment venu de m’étirer. Étirer le moment. L’événement de m’étirer dans le temps. (ne passe presque plus) Le temps ne passe presque plus… (suspendu) Laissez-moi — je ne vous rattraperai pas —, j’ai un avion à faire tenir en l’air

| faire bouger

16h

Qui voit deux hommes debout de dos à l’arrière d’une Clio blanche hayon relevé sur la bande d’arrêt d’urgence, à cet endroit — une courbe — considérablement élargie, arrêtée deux mètres devant un semi-remorque ne portant nulle inscription aux warnings également clignotants, ne lit pas ce que chacun de son côté — route, rail de sécurité — penché sur la plage arrière un stylo à la main indique. S’en doute. Imagine. Qui, à la faveur du ralentissement, voit l’homme qui scrolle de l’annulaire sur l’écran de son mobile auprès de l’auto, ne voit pas forcément l’homme qui des deux mains interpose son mobile entre lui et l’aile avant-droite (marche-pied) de la cabine avancée du camion. Qui a vu la citadine et l’ensemble routier de concert se ranger sur le côté de la voie généralement rapide n’est, en dépit du bouchon persistant, pas qui les verra à une dizaine de secondes d’intervalle, vingt minutes environ plus tard, en repartir — qui aura pour sa part éventuellement noté l’éraflure courant sur le flanc gauche de la Clio.

| scène muette

12h

Lieux : un rond-point en forêt. Stationnements. En peu de temps la main de l’homme est à l’intérieur de la cuisse ; la jambe sur la pointe du pied s’écartant pour la main, et montrer, grimace s’esquisse ; interrogation. Le temps est doux, l’homme en tenue de ville, jean, a fait en s’avançant un geste d’embrassement, d’envolée en direction du couvert végétal, de l’air, à l’avenant d’un visage ouvert : descendu d’un utilitaire blanc qui vient de s’arrêter dans l’allée le long d’un véhicule, citadine polyvalente, blanc coffre ouvert — un homme s’en détachant à qui l’autre s’adresse, s’en écartant en tenue de running (cuissard), finissant d’enfiler le haut. Durée 1mn. Bientôt tourne le dos, le hayon rabattu, la voix élevée que les troncs réverbèrent, engouffré portière claquée ; démarrage dans les derniers mots répétés.

Je me souviens de la proposition d’écrire du dialogue sans dialogue.

| scène muette

17h

Peignoir chaussettes au milieu de ma rue, lui : « je n’ai fait qu’un autre client après vous hier, ils ne l’ont pas non plus. — Bleue ? — Oui, elle est pratique pour soulever les plaques…» D’égout va sans dire, rien qu’un, deux… quatre regards autour de nous — et à dix mètres les bus du ramassage scolaire qui s’enchaînent, arrêts au stop, l’heure du pic de bruit — et sa fin de journée. Tout coïncide… Ce qu’il entend par soulever c’est : gratter la terre cimentée autour, puis décoller, je l’ai vu faire hier avec sa petite pioche. Toque à ma porte, moi j’ouvre la fenêtre — passe la journée derrière et à faire quoi ? lui tourner le dos, la face écran : « Ah !? — J’étais chez vous hier…» Se ravise pour le serrage de mains, je me souviens : l’ARC (Agglo de la région de Compiègne) veut s’assurer qu’eaux usées et eaux de pluie ne se mélangent pas — colorant jaune dans l’évier, points de vue inédits sur nos écoulements… Je le fais entrer par le garage… On passe dans le jardin… Ne l’accompagne pas à la cave… « Alors ?? — Non… rien… Et euh, dans la rue ? — Jamais personne… et j’étais là ! » Moi et lui seulement, là, pour la deuxième et dernière fois de toutes nos deux vies… « J’imagine c’est pas donné cette connerie… Lui : je l’ai louée.»

| une transaction

8h

Afin d’instaurer le règne de la paix, il n’est nullement besoin de tout détruire et de donner naissance à un monde totalement nouveau ; il suffit de déplacer à peine cette tasse ou cet arbrisseau ou cette pierre, en faisant de même pour toute chose. Mais cet à peine est si difficile à réaliser et il est si difficile de trouver sa mesure qu’en ce qui concerne ce monde les hommes en sont incapables. (…) « Dans l’autre monde (…) tout demeurera comme à présent, à peine modifié. »


et clic la lampe du bureau sur la table et le fil en travers de la salle et la multiprise aux chargeurs et les retours de l’expo de So, cartons et sorti de la caisse des A, traces comme de doigts noircis de journal dans le vergé de la couverture et le ticket de métro de ce matin p. 56, les passages soulignés à la règle et une tranche de pain, pâté de campagne et les cornichons avec le café et le mobile tiré de la poche dans le rond de lumière et la tête lourde et le ciel bas, la pluie et besoin de fermer les yeux et

variante de mise en page (après visionnage de la compile) :

Afin d’instaurer le règne de la paix, il n’est nullement besoin de tout détruire et de donner naissance à un monde totalement nouveau ; il suffit de déplacer à peine cette tasse ou cet arbrisseau ou cette pierre, en faisant de même pour toute chose. Mais cet à peine est si difficile à réaliser et il est si difficile de trouver sa mesure qu’en ce qui concerne ce monde les hommes en sont incapables. (…) « Dans l’autre monde (…) tout demeurera comme à présent, à peine modifié. »

et clic la lampe du bureau sur la table et le fil en travers de la salle et la multiprise aux chargeurs et les retours de l’expo de So, cartons et sorti de la caisse des A, traces comme de doigts noircis de journal dans le vergé de la couverture et le ticket de métro de ce matin p. 56, les passages soulignés à la règle et une tranche de pain, pâté de campagne et les cornichons avec le café et le mobile tiré de la poche dans le rond de lumière et la tête lourde et le ciel bas, la pluie et besoin de fermer les yeux et

| recopier

9h

Arrêt Automne

« Le fond vitré de l’abribus à l’arrêt perdu Automne donne si l’on y veut bien regarder — s’y arrêter — sur un enclos grillagé (grillage support des assauts de la ronce et de la clématite) de forme à peu près triangulaire (pris dans la fourche que forme ici le réseau routier). Celui-ci a au cours de cette année accueilli : un campement des gens du voyage ; un site de vente de véhicules d’occasion ; demeuré vide ces dernières semaines, s’y tient depuis hier une vente de sapins de Noël… Par derrière l’enclos, d’autres — dans les limites desquels s’étendent des activités de démantèlement de bus et ambulances réformés ; de production de bandes convoyeuses en caoutchouc ; de débitage de bois de chauffage et autres, réservant à quiconque s’astreint à en longer les clôtures sa part inextricable de questionnements et de perplexité — soit la zone entière d’activité des Remises… Profondeur et diversité de vue auxquelles les usagers des transports en commun (ligne ARC Express) sont invités à tourner le dos, la paroi vitrée faisant dossier au banc qui est les deux pieds coulés dans le béton là : à l’arrêt, nous le disons perdu parce que : 1, il est quand même un tout petit peu au milieu de nulle part ; 2, on n’a jamais vu un piéton dans les parages, et sur le bord de cette route encore moins quelqu’un… Toutefois, l’organe produisant la fonction…

Le mouvement des clôtures propose une action pour cette fois non ambulatoire. En accord donc avec la vocation nouvelle d’arrêt (montée et descente) des lieux — considérons-la comme une inauguration, à notre manière… Elle aura lieu un de ces jours. Il s’agira en formation de trois de tenir là station debout. Là : (presque juste) derrière l’abribus et vis-à-vis de l’écran de verre, tantôt de dos, tantôt de face, à l’initiative de chacun et sans concertation préalable ou quelque rythme que ce soit. Cette action ou station nécessite la présence sur la journée de trois personnes, nous insistons : en permanence (avec relais). Le chiffre de trois vient en écho au nombre de spots dont le plafonnier de l’abribus est pourvu (trois auréoles s’y devinant). Points de suspension donc — et d’interrogation sans doute — postés non pas tout à fait en fond, mais dans la marge flottante entre la clôture des activités et le transport en commun — il est bien entendu que les participants ne monteront dans aucun des bus qui s’arrêteraient là — la nuit seule étant à même de les emporter (faire disparaître). À cet effet nous demandons à la dernière triade de prendre ses dispositions pour que notre permanence se prolonge à (dans) la nuit tombée et jusqu’à l’extinction de l’abribus (20h ? 21h ?).

— Notez : que l’accotement, suite aux travaux d’aménagement de l’abribus, n’y est plus stabilisé ; une légère déclivité (noue plutôt que fossé) que les pluies de ces derniers jours peuvent avoir détrempée, et la hauteur certaine des herbes.

D’aucuns d’entre nous souligneront le fait que, le placard lumineux dévolu aux affichages, publicitaires ou d’informations communautaires, demeurant pour l’heure inoccupé, il serait opportun d’y faire figurer sous une forme ou une autre une ou plusieurs (une par face ?) de nos… revendications ? interpellations ? interrogations ? Nous nous permettrons de répondre au nom de chacun qu’en l’état actuel de nos réflexions, la vacuité de cet emplacement nous semble la plus appropriée.

Nonobstant le caractère exceptionnellement stationnaire de notre manifestation, le renfort de tout.e membre du mouvement des chemins sera le bienvenu — tant il semble dorénavant et de plus en plus vivement souhaitable de ne pas manquer la moindre occasion de jonction de nos deux mouvements. »

Je me souviens des dispositifs présentiels (sculptures vivantes) de Vanessa Beecroft.

| embellissements bienvenus

23h

Je me souviens des instas
HOW TO DRESS
de Lili Reynaud Dewar
@furieuxboy

| couvrons-nous

18h

J’ai en tête la série des Sismo-paragraphes de Christine Jeanney sur remue.net.

| cut up moi

16h

Tout au zèle mis à l’accélération afin de s’insérer — ainsi refaire surface après le bouchon quotidien de la D1131 — dans le trafic de la N1031 vers le nord et Noyon, l’automobiliste familier de ces trajets de contournement d’agglomérations et de zones, là commerciales, a neuf chances sur dix d’échapper à la vue qui, s’il laissait traîner, par-dessus la place non occupée du mort, les glissières de sécurité et les enseignes à contre-jour des grandes surfaces, un instant seulement, les yeux, s’y déploierait avec une insistante bien que discrète, secrète presque, aérienne continuité tout le long des quelques centaines de mètres qui le séparent de son plongeon… Vue ne cessant d’être latérale donc autant que profonde — 12 km d’un vol d’oiseau environ —, et forestière, Forêt de Compiègne étendue là, horizontale, panoramique, et aérienne donc, comme flottante — c’est juste avant que notre usager donc ne plonge où la N1031 verse dans une D1032 à 2×2 voies d’ouverture récente à haute potentialité de passer à côté de tout, sa vie incluse…

à suivre

| arrêter le monde

23h

Note pour plus tard —

Lance une recherche chute des corps ; clique sur chute avec résistance de l’air ; je lis : pour une chute sous atmosphère terrestre supérieure à 500 mètres, je lis : 180 km/h pour un adulte de constitution moyenne stable à plat — compter 3 600 secondes en une heure ; un kilomètre = 1 000 mètres ; divise 180 par 3 600 … 0,05 multiplié par 1 000 … 50. À la dernière seconde ou ligne j’aboutis à 50 mètres de chute en une seconde. Me le répète…

À l'intérieur, la chute continue
B. Noël
Je me souviens des derniers paragraphes de Christophe Fiat, Lady Diana Spencer (dans Ladies in the dark, Al Dante, 2001).

| rien qu’une seconde

16h

Laisser derrière soi en haut de la zone commerciale le bouchon du rond-point — ce point noir — de la D1131 pour s’insérer dans le flux de la N1031 en direction du nord du département ouvre bientôt et sans fanfare, comme en contrebande à la droite de l’usager du réseau routier de transit une de ces vues qu’on dit imprenables, d’ensemble sur la Forêt de Compiègne, vue lointaine et à la fois certaine et qui, pour qui le veut bien, devient, jour après jour et année après année, une intime — c’est qu’est atteinte là l’altitude peu remarquable mais sensible de 78 mètres au-dessus du niveau de la mer et la cuesta qui, des Beaux-Monts (133 m) aux Grands-Monts (130 m) du nord au sud court et, sans non plus faire de vague, se soulève en face — façon de parler : en vérité dans la vitre latérale côté passager —, intégralement boisée, dans les sombres donc et comme cernée, forme ceinture ou bien une barre : soit une ligne d’horizon…

à suivre

Où je me souviens d’une proposition d’écriture à partir des Marines (Lettrines 2, 1974) de Julien Gracq.

| arrêter le monde

16h

Décoller de la D1131 en haut de la zone commerciale pour rejoindre le flux de la N1031 en direction du nord ouvre bientôt à la droite de l’automobiliste — par-dessus la glissière de sécurité et l’écran raccourci des haies — à travers les grillages de clôture du réseau 2×2 voies — par-delà l’étagement de toits plats des surfaces de vente, loin derrière les enseignes Intersport et Carrefour lues à l’envers la vue étonnamment aérienne du massif en amphithéâtre de la Forêt de Compiègne : sans l’imposer ; plutôt comme un soulignement aux encres sympathiques de ce qui ne saurait être saisi par quiconque ne se laisse pas distraire, ne fait pas preuve au volant d’un certain lâcher-prise ou d’une inertie qui n’est au demeurant pas étrangère à la conduite automobile…

à suivre

Arrêter le monde ? Essayer pour voir…

14h

Je n’ai pas évolué dans le milieu des images.
Je n’en ai respiré aucune.
Je n’ai toujours pas fréquenté le milieu aérien.
Je n’ai pas beaucoup respiré ces jours-ci.
Ce jour je ne suis pas sorti dans les images.
Je ne vous ai pas rencontré.e non plus.
Une image ne peut se trouver que dehors et je ne suis pas sorti de moi.
Les images vivent dehors.
Les images sont des dehors.
Je ne suis pas dehors.
(parce que le texte me retient dedans)
Il faut en être une pour rencontrer une image.
Il faut qu’elle me regarde pour que je rencontre une image. Qu’elle me reconnaisse image moi-même. Qu’elle me tienne pour son semblable.
On ne prend pas une image comme ça. Qu’est-ce que je lui donne pour ce que je lui prends ?
Qu’est-ce que je rends à l’image ?
Je ne peux aller qu’image au pays des images.
Pas chasseur d’images.
(tout ça dit évidemment en l’air)(où une parole serait un chemin vers une image ?)

12h

Il faut de l’air à une image.
Une image ne peut vivre sans air.
Ne peut émerger sans air.
Les images vont parmi nous.
Elles surgissent.
Elles respirent.
Les images vont dans l’air.
Évoluent parmi nous.
Une image a besoin d’air.
Les images ont besoin de notre air.
Détacher une image lui coupe le souffle.
Couper le souffle à une image.
Couper la venue d’une image.
Couper une image de son milieu.
Pour lui couper l’air.
L’emballer
L’image suffoque.
Manque d’air.
Je n’ai pas pris l’air aujourd’hui.
Je n’ai pas encore pris l’air.
Ni croisé d’image.
Je ne suis pas sorti.
Je ne sors pas.
Je n’ai pas fréquenté les images.
Ne suis pas allé parmi les images.
Dans les images.
Je crains de ne pas aujourd’hui non plus prendre l’air.
Je ne suis pas sorti dans le monde des images.
Dans leur sphère.
Atmosphère.
Dans la ronde des images.
Les images vont libres dans l’air.
Les images sont des espèces sauvages.

| arrêter le monde

13h

Pendant que des fleurs sont accrochées à une cage de but de foot, les sirènes des pompiers se font entendre en plein repas dominical. Pendant que les pompiers traversent le hameau pour un feu de voiture, les fleurs se balancent au gré du vent. Pendant que je terminais de dîner en famille, j’ai vu passer les gyrophares de véhicules de pompiers et de gendarmes. Pendant qu’ils remontaient vers l’église, mon téléphone a sonné. Alors qu’une épaisse fumée et des bruits d’explosion ne laissent plus place au doute, je rejoignais le terrain de sport accolé à l’église. Je n’avais plus qu’une cinquantaine de mètres à courir, quand la carrière se trouve à 300 mètres environ des habitations. Pendant que les voitures brûlées et les feux de détritus délient les langues, vous suivez ce chemin et vous trouverez. Alors que la victime était recouverte d’un drap blanc, quelqu’un m’a dit : c’est fini… Alors que  la salle polyvalente accueillait une fête d’anniversaire surprise, elle s’est pendue avec son foulard. Pendant que la carcasse est encore chaude, un DJ mettait l’ambiance. Tandis qu’il était accompagné d’une connaissance, il se dit qu’elle aurait été vue se disputant avec lui. Elle a quitté la salle. Tandis que le véhicule trône incendié au fond de la carrière nichée dans les bois, elle traverse la place. Pendant qu’elle rejoint le fond du terrain de sport, un logo dans la terre sous le pot d’échappement indique qu’il s’agit d’une Peugeot. Alors qu’une plaque d’immatriculation laisse apparaître encore quelques lettres et chiffres, elle dénoue son foulard qu’elle attache à la barre. Cependant qu’inquiets de ne plus la voir, certains partent à sa recherche. Ces éléments permettant de remonter jusqu’à la propiétaire. Pendant que l’adjoint au maire de Beauvoir raconte, c’est une habitante d’un quartier populaire de Fitz-James.

sources Frederika Guillaume, Oise Hebdo n°1495, 26 octobre 2022

| pendant que

5h

Traverser la route en sortant du bois, pour y rentrer, passer de la Basse Queue à la Haute Queue par exemple, ou l’inverse, de la Forêt de Compiègne — et me retourner. M’être assuré de la visibilité dans les deux sens de circulation et le temps bas et de la distance suffisante de tout véhicule et m’être engagé résolument dans la traversée de la route et puis me tourner, retourner, m’arrêter : sur le fait qu’il ne vient ni d’un côté ni de l’autre de la route rien ; dans le silence de la route. Goûter l’air suspendu dans le vide de la route, m’attarder. Traîner. Suivre, au milieu de la route, la ligne blanche qu’elle soit discontinue — où doubler —, là, ou de dissuasion là. Mais revenir sur mes pas, sur mes derniers pas. Et faire les cent pas, sur le fil de la route, dans le danger de la route et voir venir. Entendre ou laisser voir venir — écrire se tient là. Écrire est déjà là. Tout entier.

| la grisaille, les dessous

5h

le carrefour était vide
J. Roubaud

C’est à un croisement de chemins.

Jauger la teneur en jour que leurs bouts recèlent. 

Lucarne(s) de l’air ou de la distance qu’on appelle perspective(s)

Un quart de tour. Un autre… 

D’aucune part ne vient personne. 

De la trouée de lumière ou d’un pan d’elle posé là-bas

— posé tout bas

le carré de ciel blanc — le carré blanc de ciel

— du ciel ou n’est-ce que d’un rayonnement, de l’éblouissement — minimisé par la distance (pas le lointain, dans les environs il n’y en a pas)

Un halo blanc avec personne dedans

C’est

Un flag sans personne

Clin d’œil du ciel ou du blanc de son œil

Cela qui pend là, 

demande de s’arrêter

Qui prend là

La chose se pend à moi.

Une insinuation de la lumière ou de l’air — une manière sous-tendue, sous-entendue

(un rayon de lumière a fait tout ce chemin jusqu’à venir s’éteindre à mon contact — en moi)

Le carré blanc m’en traverse, j’en deviens transparent ; d’abord, une translucidité me gagne, c’est une suspension : je gagne en suspension. 

Un quart de tour. Un autre 

… La lucarne là-bas devant moi, je la surprends dans mon dos. Je l’ai également dans le dos. 

La même, ou son reflet

Qui font la paire

Miroir de l’air 

C’est à un croisement de chemins : à un croisement de chemins près. C’est au milieu du chemin,

(dans la clairière de l’être ?)

où se croisent, ou hésitent ou tremblent la possibilité de poursuivre dans mon sens et l’éventualité de repartir dans l’autre (à reculons pourquoi pas) ou dans un tout autre : d’en changer 

Par tous les chemins envisageables

C’est là que nos chemins se séparent : toi tu regagnes la maison

— moi, je vais rester là encore une saison ou deux.

ils se séparèrent au premier carrefour de la forêt
J. Roubaud
« C’est toujours ainsi que cela se passe. Un carrefour dans la forêt ; deux, trois voies, ou plus ; autant de chevaliers. L’un va par ici, l’autre va par là. Qui suivre ? le conte ne peut en suivre qu’un à la fois. »

Je me souviens de Jacques Roubaud, Le Chevalier Silence, 1997.

| la grisaille, les dessous

23h

Je me vis comme une espèce en voie de disparition

Se/Me vivre comme une espèce en voie de disparition

Sur la voie de sa disparition

Je suis sur la voie de ma disparition

Je suis la voie de ma disparition

20h

En bout de lecture du carnet de Jacques de Turenne j'ai dérapé… et atterri là
— dépêche du Courrier Cauchois, et note pour l'abribus (son auréole) :
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Saint-Vaast-Dieppedalle :
Vol du projecteur d'un arrêt de car scolaire, les enfants dans le noir

Vol. Le maire a découvert le vol de l'éclairage sur l'arrêt de car scolaire, vendredi 18 novembre.

PHOTO
Vendredi 18 novembre, Sylvain Monnier a constaté le vol de l'éclairage d'un arrêt de car scolaire, à Saint-Vaast-Dieppedalle.

Vendredi 18 novembre, le maire de Saint-Vaast-Dieppedalle, Sylvain Monnier a eu la mauvaise surprise de découvrir que l'éclairage d'un arrêt de car scolaire avait disparu. Deux projecteurs à led avaient été installés le 12 octobre « aux arrêts de car où il n'y a pas d'éclairage public ». L'édile s'indigne : « la municipalité, mais surtout les enfants qui prennent le car à l'arrêt d'Artemare remercient vivement la personne qui a volé le projecteur solaire, qui a été installé il y a à peine un mois. Ainsi, ils vont pouvoir à nouveau attendre le car dans la nuit ».
Vol. Dans ce(s) nom(s) de vol, comme dans l’infini(tif) voler (je me souviens de Jean-Christophe Bailly, Les animaux sont des maîtres silencieux), je comprends à l’instant que bien des choses d’écrire pour moi se (con)tiennent.

7h

Je ne sais pas. Je dis n’importe quoi. J’invente ça : depuis des années je ne lisais pas. Rien. Que des bandes dessinées — ce n’est pas lire, ça se disait. Depuis que j’avais ébloui, montré que je savais lire : les titres en première page du journal grand ouvert à table. Face à elle. Lire n’était pas un sujet, à la maison. J’ai lu sous la contrainte. Liste de lectures. Fiches de lecture. La page 11 de ce livre, là, les premières phrases de ce livre-là, j’ai passé de longues minutes à les assimiler : à reprendre ma lecture ; à chaque point ; j’avais perdu le geste ; c’était un autre français ; je déchiffrais. Il y a longtemps que ça, je ne le fais plus — les marges et les pages vierges de mes livres sont couvertes de mes notes de lecture, tout autre que moi ne saurait par quel bout les tenir, comment les prêter ? ça, non : inscrit mes prénom et nom au dos de la couverture, au verso de

L’Étranger

— Première fois pour ce carnet qu’il m’arrive d’écrire (formuler, composer) comme ça : dans ma tête. En étendant le linge ; en avalant un café ; en te conduisant à ton train. (Comme un petit moteur dans le moteur.) La brièveté de l’exercice (le souvenir aussi) le permet. 

— L’auréole telle que j’ai tenté de la redéfinir, retenté de la définir, est peut-être aussi cela : cette activité de design de la pensée qui te fait un tant soit peu ne pas te trouver où tu es ; déborder de tes contours ; aller et venir, fluctuer dedans et autour.

| premier souvenir

12h

Humdrum 3:25 Down the Dolce Vita 5:05 The Secret Life of Arabia 3:46 A Short Term Effect 4:22 Running Up That Hill 4:58 Cloudbusting 5:10 That's All 4:25 Sledgehammer 5:13 Sussudio 4:24 I Can't Wait 5:26 Moments in Love 10:15 4:39 6:49 Nothing Compares 2 U 4:40 I Go to Sleep 2:57 Against All Odds 3:26 Victims 4:53 Eyes Without a Face 4:59 Manchild 3:52 Protection 7:51 The Host of Seraphim 6:18 Song to the Siren 3:31 Doot Doot 6:03 It's My Life 6:19

| ne pas s’attarder

13h

Pendant que j’apprends que celui qui ne tape pas est une salope ; qu’il va sortir mort de la promenade ; qu’un examen au scanner décèle une fracture du plancher orbital de l’œil droit qui nécessite une opération ; que le lynchage a été filmé par la vidéosurveillance de la prison, je choisis d’ignorer que l’hiver arrive et que le conflit dure ; que les habitants manqueront de tout dans les prochaines semaines ; que les communautés de communes et agglomérations préparent la distribution de comprimés d’iode en cas de nuage radioactif. Ou l’inverse.

| pendant que

13h

Vous ne savez pas ce qui vous attend là

13h

Ne pas m’attarder sur le fait que Vincent Martin est un agent de la SNCF qui allait en train prendre son poste. Ne pas rappeler non plus le fait que ce matin-là Vincent Martin était en retard. Je ne reviendrai pas sur le fait que VM. a raté son premier train ; que le train suivant dessert toutes les gares. Inutile de dire que Vincent Martin ne se rend pas compte que le train est omnibus. Je ne vais pas m’étendre sur le fait, divers, que VM. est descendu sur le quai, pensant être arrivé. Je ne vous cacherai pas que s’apercevant de son erreur VM. a tenté aussitôt de remonter dans le train ; qu’il a perdu l’équilibre. Que VM. est tombé entre le train et le quai. Que VM. a été traîné sur plusieurs dizaines de mètres avant de basculer sous les roues. Qu’ajouter, sinon que des deux photos qui illustrent l’article sur la mort de Vincent Martin (les noms ont été changés), la photo de la gare de Verberie est de Jérôme Visse, la photo de Vincent Martin de Vincent Martin.

sources Oise Hebdo n°1495 du 26 octobre 2022

— Les mots sont cruels. Les mots sont des couteaux. Sont sans tact. Tranchent. Il revient à qui les emploie, les utilise, de protéger qui les entend ou les reçoit de leur retombées, de leur couperet*. Attention de ne pas éborgner quelqu’un à jouer avec les mots. C’est moi le dégueulasse. Moi qui les plante dans le dos.

*Est-ce enrober ? Je pense à ceux-celles-là qui disent : “moi je dis ce que je pense”, sous-entendu “moi je suis franc je suis entière”, sous-entendu “moi ça ne me fait rien de faire mal”.

J’ai changé les noms (pour préserver je ne sais pas qui ou quoi — par pudeur ou c’est par pruderie ?) et cela me gâche tout l’impact du réel, du fait divers : son aigu, toute sa netteté, sa transparence. C’est comme de porter des gants pour coudre.

C’est comme un peu certains de ces films d’horreur ; thrillers. Malsains ; malaisants ; malséants.

Les morts sont-ils intouchables ? Je crois avoir la réponse… Je crois que d'autres en fait l’ont pour moi.

le fait que le fake

Je me souviens d’Éric Meunié, L’enseignement du second degré, éditions Creaphis, 1993.

Je me souviens d’un article de Sébastien Bailly consacré à la pointilleuse fabrique du titre de fait divers. 

| ne pas s’attarder

13h

Jordan Lairé cheminot fauché en allant travailler
Cindy Siroux se pend sur la place du village
Jean-Paul Bourel a vu le corps posé à terre
Corinne Orzechowski anticipe un accident nucléaire
Dernier hommage au résistant Jacques Bergez alias Marcel
Benjamin Belaïdi est opposé au rassemblement d’hommage à Lola
Caroline Cayeux à bord de l’avion sorti de piste
Lara Janvier est née
Daniel Tronchet nettoie les débris sur le trottoir devant chez lui
Ilyas Louraoui va entraîner les gardiens de l'Équipe de France des sourds
Un feu se déclare dans le garage d’un pavillon rue Jules Massenet
Jérôme Visse utilise une carte bancaire volée à une infirmière pour acheter des cigarettes
Trois hommes sont identifiés : Abdelkhalek El Mahmaoudi, Djibril Ba Lassana, Isaac Afonso César
Sophie Schwarz et Alou Bagayoko ne sont pas ménagés
En présence de Clovis Cornillac
Asim Yaman est contrôleur accessibilité pour l’Oise auprès d’APF France Handicap
Manif pour Belinda Hafir menacée de licenciement chez Webhelp
Yoann Dumez incendiaire présumé du stade équestre
Quentin Hoock sans domicile fixe menace de mettre le feu aux locaux du Samu social
61 kilos de résine de cannabis découverts dans le coffre de Jordy Weis
Vitor Da Cunha Alves met le feu aux vêtements de sa femme
Didier Druard et toute son équipe accueillent leurs invités dans les nouveaux locaux de la concession Nissan
Jean Desessart inaugure 43 nouveaux logements Clésence
et Noura Kihal-Flégeau coupe le ruban de la centrale photovoltaïque du parc de stationnement
Olivier Meier ferme les portes de Monsieur Meuble
Bruno Swoboda pompier volontaire décède de malaise
Yves Loubes ne branchera pas les décorations de Noël
Zeki Turgut patron de la Civette couche son agresseur
Patricia Simon médaillée de la ville
Maxime Loisel et Sylvère Miloudi en route pour l’Ukraine
Loubinal Fazal et Dominique Lavalette ont montré l’exemple
Pierre-Emmanuel Dubois recherche des sponsors pour la transat en solitaire
Le poney Chocolat d’Audrey et Jean-Pierre Liné tombe dans la piscine
Un car pour assister au concert de Grégory Bakian
François Nerrand titre : Les sous-traitants des sous-traitants
Stéphane Deseine n’en peut plus de la dégradation des conditions de transport
Bruno Todeschini interprète Antoine Mercier, Élodie Frenck Juliette Delambre
À noter la présence au casting de Vincent Martin
Pacôme Weisenburger champion de karting à 13 ans
Tristan Gac le prodige du foot freestyle
source Oise Hebdo n°1495 du 26 octobre 2022

les noms qui font les titres ; les noms dans les titres ; les titres qui portent des noms ; contiennent des noms ; les noms émaillant les journaux ; les animant ; les noms qui font vendre les journaux ; les sans-noms ; les noms qui viennent trop tard ou pour les mauvaises raisons ; les noms des disparitions ; l’exhibition des noms ; la caricature des titres ; la déflagration d’un titre ; l’emporte-pièce des noms ; l’indécence de l’emporte-pièce ; la répulsion envers le déballage ; le passage en revue ; la revue de cabaret ; l’attrait du freak show ; le patchwork des noms ;  le name-dropping ; jusqu’à l’écoeurement ; le mal de mer de nouvelles ;

Qu’est-ce que je fais là ? Qu’est-ce qui se passe quand je m’adonne à ça ? Qu’est-ce qui m’arrive ? Qu’est-ce qui me prend ? Quelle est cette activité ? De ne pas écrire, de seulement (non, pas strictement) collecter de l’écrit incite après coup à se poser de manière plus aigüe la question du résultat ; de l’effet. Qu’est-ce que j’ai fait ? Des conséquences. Qu’est-ce que j’ai fait là ? What a mess, quoi ce bordel ? Tant qu’on était dans l’écriture comme rédaction il semblait que cela, elle, allait de soi : on avait quelque chose à écrire alors on l’écrivait. Se berçait-on de l’illusion d’avoir quelque chose à dire ? Là, ça ne veut rien dire — et pourtant, ça ne peut pas ne pas dire quelque chose. C’est après-coup, c’est trop tard qu’on se demande : qu’est-ce que ça (a) dit ? 

L’accumulation là est comme une vague, je ne sais pas où elle me déposera, si elle ne m’engloutit pas. Qu’est-ce que je fais ? C’est quoi mon truc ? Je surfe sur une vague de noms propres. Donc (?) de faits divers. Nom propre, fait divers, pourquoi est-ce que cela se tient, si serré ? La vague que je ride est aussi de dégoût voire d’indignation, mal de mer (d’un coup je ne suis plus sur mon surf mais enfermé dans ma cabine sans hublot, ou en soute : à fond de cale) : comment peut-on traiter les gens comme ça, comme on enfile des perles ? Il y a des personnes derrière les noms. Vous ne pouvez pas les jeter en pâture comme ça. Vous ne pouvez pas les afficher comme ça ; les mettre dans ce même sac. Ne même pas raconter leur histoire ; laissez-leur droit de réponse ; un espace. Les réduire à des titres. C’est une infamie…
C’est le fait divers (à développer)

Comment j’ai fait , Comment je me suis pris (au jeu) ? Papillonné de nom en nom à la surface des pages, à la faveur des gros caractères, des légendes sous les images, survolé, lu en diagonale, développé reconnaissance réflexe de majuscules, l’œil pour les successions prénom nom, feuilleté vite*, vite fermé — et puis jeté (ou passé à mon voisin) ? Non, envisage qu’au premier passage succède un deuxième (qui s’attardera ?), un troisième pourquoi pas, pour quoi ?
*pris dans une panique de lecture avec interdiction de se poser, ou aversion, injonctions des pages qui veulent être tournées, toujours s’enfoncer dans le journal, pour plus vite en sortir (du tunnel du quotidien)

Je me souviens des trois lignes de Félix Fénéon.
Je me souviens des noms des morts (des victimes) des attentats de Nice. (Non, pas des noms : de leur commémoration récitation.)

| noms c’est du propre

22h

…  |  elle n’a pas deux fois le même il est sur cette publication-ci et puis sur celle-là comme des phases dans le désordre de la lune  |  il est une porte dérobée entre déferlement de la chevelure et un capot miroitant sans que pour si peu s’en reflète le raccourci ou est-ce son anamorphose  |  …

— Comment dessiner le visage qu’on n’a pas retenu ? Comment écrire un visage sans le décrire ? Un visage peut-il être autrement qu’entrevu ? Je me rends compte que visage pour moi a toujours été un trop grand mot. Que je ne peux dire. Pas employer. (Si je disais nuage, me ferais-je comprendre ?) C’est comme s’il n’était pas donné à tout le monde d’en avoir un, du moins de s’en servir : de le mobiliser. Avons-nous encore des visages ? Ai-je jamais eu d’autre visage que subi ? Mon visage à la fois m’échappe et me trahit, j’en suis le jouet — c’est que je ne suis pas un professionnel du visage, de sa médiatisation. Sans doute ces questions ne se poseraient pas dans un autre monde que celui-ci qui vous renvoie sans cesse à votre visage. À sa réflexion. Sa visibilité. Son identification. Psychose du visage, ou comment le visage devient un problème. Il me semble que le visage n’est jamais pour moi allé de soi. En même temps : je ne m’étais jamais auparavant posé la question du visage. Avant les ateliers. Quand il ne s’est agi que de l’évoquer, ici, ou , la question dans son ampleur et son problème s’est dressée devant moi : je n’ai pas su ou j’ai été embarrassé. Aporie, fin de non-recevoir. Comme si je n’avais pas de réponse au visage. Pas d’exemple. Comme si je n’en avais pas l’habitude ou la fréquentation. Il en était comme d’une espèce exotique. Une abstraction. — La périlleuse, l’incandescente ou brûlante, la délicate, l’épineuse, l’inconfortable, l’embarrassante, l’impossible, poignante, la problématique question du visage. Peut-être au plus profond de moi le visage est-il ce que je fuis. Cela est triste à dire (ou inhumain). Quelle est cette phobie du visage, dont il me semble, à regarder autour de moi, qu’elle est assez, finalement, répandue. Commune. Quelconque. — N’ai-je pas trouvé mon compte à aller masqué ? Parvenir au visage est un chemin. Combien de nos chemins contemporains vont à rebours du visage ? Il circule comme une pièce de monnaie qui n’aurait plus vraiment cours (de collection), ne roule plus entre aucun doigt. (Monnaie de singe ?) Un vestige du temps de l’humanité, des Lumières ou de la Renaissance (?!), de la personne humaine. La personne humaine est le fruit d’une lutte à l’échelle de l’histoire, moi, je vais au quotidien parmi des individus, nuance… Mais je pense le visage à gros traits, c’est un comble. Je le confonds avec sa caricature. Alors que partout sous nous et nous traversant il est un courant qui ne tarit pas et nous irrigue : la fuite du visage ou sa vitesse, sa fluidité. Son eau donc. Quelque chose me dit qu’il ne peut y avoir de visage dans l’instantané, seulement des images. À l’émergence d’un visage, à sa révélation, à son intégration il faut la durée. Pour qu’il y ait un visage il faudrait qu’un regard s’y attarde — et où et quand un regard s’attarde-t-il sur autre chose que des images enregistrées ? Bien sûr, j’exagère. Écrire exagère. Un visage n’est justement pas une image. Cependant il flotte à sa surface. Je vous demande alors pardon de ne voir qu’une face dans votre visage. Cela est imputable à mon habitude, si ce n’est à mon instinct d’aller par les visages fermés. — Me voilà partagé. Comme toujours. Sans doute un visage (je n’ai jamais tant prononcé ce mot qu’aujourd’hui) ne se traite-t-il pas à l’emporte-pièce (seulement au bistouri), alors s’il me vient à l’esprit de formuler ceci, qu’un visage est un produit d’élevage, ou cela, que là où vous dites visage, je ne vois que stigmates, il est patent que je ferais mieux d’y penser à deux fois ou me taire. Encore ceci : le visage est une plaie qui met une vie à cicatriser. Comme si dans le visage une cicatrice ne se refermait jamais, qu’au jour de notre mort. Je vis le visage, le mien parmi d’autres, comme un point d’entrée ou point faible, le lieu de la vulnérabilité. Non seulement vis-à-vis d’autres qui s’y croient chez eux (genre : je lis en toi comme dans un livre ouvert ou, plus simplement, je te connais, ce qui n’est pas complètement faux), mais encore rapport à moi-même incessamment menacé là d’expropriation pour cause de zone inondable. (Ou sous le coup d’une accusation pour mauvais traitement ?) Je sens la grimace guettant à chaque seconde le visage pour s’y installer (le fixer, le crisper, le tordre). Sans doute m’illusionné-je au visage lisse éternellement et en toutes circonstances des anges et des publicités pour les soins anti-rides. Aux Sainte-Anne et autres Joconde, aux chérubins. Et je me laisse aller à penser ou rêver que les traits du visage, ce sont aussi ses lignes de fuite (et non seulement ses ornières). Qu’un visage est ce qui s’efface ou se retire aussi bien que ce qui (par culture autant que réflexe) vient en avant, se présente. En somme, qu’un visage n’est pas dissociable de son effacement.

— N’y chercher aucune dissertation mais considérer, quasi isolément, chaque phrase comme une ligne de pêche lancée dans l’élément sans présomption de ce qu’elle en retirera. Ou comme on balance des énormités. Toute phrase est hasardeuse.
…  |  elle fuit son eau me court entre les doigts et je ne parle pas d’une rivière non pas du visage d’une inconnue non mais de l’inconnue de ton visage  |  …
Je me souviens de Douglas Huebler, Variable Piece #70 (In Process) Global (1971).

La série d’œuvres conceptuelles Variable Piece #70 : Global est basée sur la prémisse, fictive, de documenter chaque personne vivante avant sa mort. Les innombrables images collectées le furent d’abord dans des espaces publics. Ici la photographie noir et blanc d’une cohorte de soldats en marche. L’artiste les a ensuite individualisés sans casque dans des portraits peints ; enfin classés selon des critères ne pouvant être attribués à aucun en particulier des individus présents dans l'image — dans ce cas l’ensemble “au moins une personne qui a tout à gagner et rien à perdre”.

Je me souviens de Christian Boltanski.
Je découvre, dans l'exposition consacrée à l'Arte povera au Jeu de Paume cet automne-hiver, l'entreprise parente de Franco Vaccari, Photomaton d'Italie (1972-74) :
Invité à la Biennale de Venise en 1972, Franco Vaccari décide de déléguer l'acte de création au spectateur, en mettant à sa disposition une cabine de Photomaton : le public est invité à s'y faire photographier, puis à punaiser la bande réalisée au sein de l'espace d'exposition. Le succès de l'opération est tel que la compagnie Photomaton accepte, à la demande de l'artiste, de poursuivre l'expérience à l'échelle nationale l'année suivante : ce sera Photomatic d'Italia.

| visages d’un trait

15h

Que le ciel est plus grand sur un parking d’hyper ; que le ciel y est entier ;

qu’un parking tend un miroir au ciel — un parking de la taille du ciel comme est un parking d’hyper ;

un parking présente ses pistes d’atterrissage, ses voies au ciel ;

est disposé en vue d’un atterrissage du ciel — dans son entier ;

du débarquement du ciel — le ciel n’étant pas seul : tout le monde y atterrit ;

que les nuages sont les stationnements du ciel ;

que les places de parking sont des auréoles : des auréoles libres, et qu’il y a toujours une place libre sur le parking comme au ciel ;

qu’on est sur un parking comme au ciel — non, personne d’autre que moi ne le pense.

— personne ne le pensera pour moi.
— moi seul le pense. 
— personne que moi pour le penser.
— sans moi personne pour le penser.
— je suis seul à le penser.
— je le pense seul.
— Mes reformulations sont ainsi des effrangements d’auréole.

| personne d’autre

7h

phrases de l'ensommeillement ?

Le goût de la lumière, du manque, de la mort

Moins 10% sur le champagne

beide Galterung

l’affaire Fernac et Bernac

Why do I do the poem pour moi do I call it

Illiazde Paradour

L’avoine est aérienne

en robe de chambre pour succéder à la forêt

LOCAT BETTOLI

Enfermé dehors

22h Le ciel est de frigo fermé. Son entière matité, la clim du voisin bourdonnant dessous tourne dedans, comme la pale dans la sorbetière — je freeze. Je prends. Le ciel est d’un frigo fermé sur moi.

6h Les rues tout autour s’allument — Qui a mis de l’orange givrée dans le bac de sorbet myrtille ?

7h Faire de l’air dans la chambre — Ce jour le ciel sera-t-il de lit ouvert ?

8h Le ciel passé blanc. D’un blanc de frigo ou cette fois de fourgon.

9h Dans l’huître ou Chambre froide

10h Le même avec le blanc qui presse sur les paupières ;
les chambres froides communicantes les unes avec toutes les autres, bouffées de l’air ;
des sueurs en suspensions froides qui viennent à toucher les fronts.

11h Guère plus bas et blanc que ce ciel qui vient traîner comme un fantôme parmi nous.

| ciel du lundi

15h Quand on n’y croit plus, il est là. Tout un jour pris à se déclarer, s’ouvrir à nous.
— Le fait est qu’il n’est jamais aussi entier que là, sur le parking de l’hyper à l’heure des courses.

14h L’en-dedans de l’huître se nacre et gonfle. Respire.
14h30 Gonflements de lumière de partout. Comme d’une fièvre.

13h Retombe. Comme on dit c’est bouché.
Les conditions anticycloniques perdurant sur le continent favorisent la persistance de nuages bas en plaine. D’un blanc laiteux à l’imagerie satellite, ces nuages plaqués au sol recouvrent les vallées. (Source Météo-France)
Je rêve des météo-phrases

12h

Risques et périls des chansons ou
Les chansons sont mes sirènes

Les chansons me font échouer sur des rivages où ne battent que le temps et moi. D’îles désertes, ou perdues. 

ce jour Basia, Promises (1987)
ce jour Suprême NTM, Tout n'est pas si facile (1995)
ce jour Patti Smith, Land (1975)
ce jour Pizzicato Five, Magic Carpet Ride (1993)
ce jour Prefab Sprout, Bonny (1985)
Je me souviens du danger des chansons, et de la musique en général, contre lequel Olivia Rosenthal dans Bambi & Co (Toutes les femmes sont des Aliens, Verticales, 2016), met en garde.

12h Stable. Pas d’événement au ciel. Probable retour dans ses limites dans les moments qui viennent.

11h Guère plus bas et blanc que ce ciel qui vient traîner comme un fantôme parmi nous.
Et c’est de l’écrire seulement qu’il est tel

10h Le même avec le blanc qui presse sur les paupières ;
les chambres froides communicantes les unes avec toutes les autres, bouffées de l’air ;
des sueurs en suspensions froides qui viennent à toucher les fronts.

9h Dans l’huître ou Chambre froide

8h Le ciel passé blanc. D’un blanc de frigo ou de fourgon.

7h Faire de l’air dans la chambre — Quel jour le ciel sera-t-il de lit ouvert ?

6h Les rues tout autour s’allument — Qui a mis de l’orange givrée dans le bac de sorbet myrtille ?

5h

La douceur, la sécheresse de l’atmosphère conjuguées aux restrictions de l’éclairage urbain nous ont fait ces avant-dernières nuits des voûtes nocturnes limpidement constellées en direction desquelles nous avons moins que jamais su quels noms lancer

L’enroulement de la vaste dépression Béatrice centrée sur l’Atlantique générant sur tout le pays un flux de sud-ouest très dynamique
provoquant une douceur remarquable sur tout le pays
pas de saison du tout
avec des records de douceur nocturne battus
des coupures d’électricité dues aux violentes rafales et phénomènes de tornades
chutes de poteaux et d’arbres et toitures arrachées comme crashées
comme si tombés du
sous un ciel constellé

Le Frigo ou la Clim — la Toiture — le Voisin — …
— Les noms (des constellations) ont été changés

22h

Le ciel est de frigo fermé 

D’une
Son entière matité sous laquelle la clim du voisin bourdonne

Le ciel sourdement noir

La clim du voisin qui tourne
La clim du voisin bourdonnant dedans
comme la pale dans la sorbetière — ciel de cuve

En freeze 
Je freeze — Je prends

— Enfermé dehors

Le ciel est de frigo fermé sur moi

22h

Un ciel vient en une phrase.

Un bon ciel tient en une phrase.

Un ciel tient en une phrase de réveil.

Le bon ciel ne déborde pas de la phrase.

Une bonne phrase est un ciel.

Un ciel ne dépasse pas une phrase.

Un ciel n’est qu’une phrase.

Ciel des phrases. Ciels d'une phrase. Cieux.

| ciel du lundi

3h

NooooooooooooooooN
NNNNNonnnnnnnnnnn
nnOOOOOOOOOOOnn
noooooooOOOOONNN
NNNNNNNoNNNNNNN

en tapant de dépit, de colère et des deux poings sur le sac même (la couette) qui m'a été volé (à la roulotte)

| phrase de réveil

20h

De l’humidité qui tombe avec la nuit l’arrêt de bus n’abrite personne, c’est un fait qu’il éclaire. Son éclairage n’est pour personne. Où prendre place. De là se prendraient les commandes de la nuit, ce transport en commun. Vaisseau. L’abribus ne retient personne de se fondre dans la nuit.

En repassant au jour — dans le virage en sortie d’agglomération où l’accélération chaque jour automobile m’entraîne — je lis que c’est l’arrêt Automne.

| il aurait fallu

13h

On a tous quelque chose en nous de #felixgonzaleztorres

12h

Je ne me pense plus que respirant
Je me prends de passion pour la respiration
Passion respiration
Pris de passion pour la respiration
Respirer prend

retenu sur les cinq doigts de la main (gauche) tout le long de courir

20h

Je m’efforce de retrouver l’auréole ou 
Crise de mon idée d’auréole —

« La zone de turbulence aérienne qui se forme au pourtour d’un véhicule en mouvement, qu’on appelle couche-limite, l’auréole est aussi là. Je suis le véhicule. Je suis le déplacement d’air. Ne serais-je même que le courant d’air. Elle est ce transport en commun. 

— M’éloigné-je si j’avance que la matérialisation (délimitation)(signalisation) au sol d’une place de stationnement fait une auréole ? Une auréole ne serait qu’une case ou une place vide ou libre ?

Quant à l’arrêt de bus dans la nuit n’abritant personne (de l’humidité qui tombe) — et l’éclairant ?

| si loin si loin

18h

— Vous me demandez ce que j’entends par l’auréole. 

L’auréole, c’est les mille manières de n’être pas soi. 

Elle est tous ceux (tout ce) que vous voyez à travers moi. 

Le pan d’humanité qui se présente là, vient avec moi, elle est ce spectre. 

Une zone où mes contours se perdent, font semblant de se perdre,

se retrouvent dans les contours d’un autre. 

Mon auréole est ce que j’ai en partage. Elle est tout autour de moi ; 

ce que je porte ou traîne d’humain ou de l’homme avec moi. Elle est ma traînée. 

Mon spectre et, je n’en doute pas, mon génie. 

Vous vous demandez ce que j’entends par auréole, regardez-moi : 

elle est là.

Je comprends mieux à travers ces élans (nuages) de formulation La rage de l’expression.

| si loin si loin

18h

Définis auréole

Finder auréole (Le nom contient : auréole) : 
trop long, lourd, ni le temps d’attendre les résultats, ni l’allant de fouiller dans le déjà-écrit (les années de) alors :
Je me lance
— Je vais devoir le dire pour l’entendre
(ou comment je distords*, mais depuis tant d’années, ce concept, devrais-je dire cette image, lue dans Agamben, que son oxydation n’appartient, peut-être, plus qu’à moi, elle ne tient qu’à moi)
*et (telle la lampe au génie) frotte et lustre ou raye et érafle, égratigne et ronge

Mon auréole est mon contour. 

Vous voyez une éclipse. Mon auréole est le halo. 

Elle est la manière dont mes contours s’indistinguent, s’effrangent.

Non pas s’effacent : se mêlent. 

L’auréole est la manière propre à chacun d’être tout le monde : bien commun :

comme personne. 

— Vous avez dû me confondre avec moi-même. 

Elle est une zone, de flou, une marge, il y a un jeu. Elle est mon bougé. 

(La photogénie en participe.) 

Mon auréole est ce qui se partage. 

Lumineuse — précieuse — en cela.

| si loin si loin

13h

Vous ne savez pas ce qui vous attend là. 

Vous n’attendiez pas le repos là. 

Vous n’imaginez pas le repos en sortant de chez moi. 

Vous ne vous attendez pas au repos qui vous prend. 

Vous n’imaginez pas le repos juste là. 

Vous n’avez pas l’idée du repos qui est là. 

Je le cherchais chez moi. 

Je ne savais pas le repos juste là. À ma porte. 

À la rue là. 

Le baume. 

Je ne vous raconte pas l’ouverture de ma porte.

Le repos que je surprends là.

| de l’imprévu

20h

Plafonnier de l’abribus 

Lumières de l’abribus pour personne

L’abribus n’éclairant personne dans la nuit ou ce que j’appelle auréole

L’éclairage tombé de l’abribus sur personne dans la nuit ou

13h

Vous ne pouvez pas imaginer le repos qu’on trouve en sortant de chez moi.

Vous ne pouvez pas imaginer le repos qui règne en sortant de chez moi.

Vous ne pouvez pas imaginer le repos juste là.

Vous n’avez pas idée du repos qui se trouve là. À la porte de chez moi.

Vous n’avez pas idée du repos qui me prend là. Me prenant là.

Vous ne pouvez pas imaginer le repos dans ma rue.

Vous ne pouvez pas passer la porte de chez moi.

— Passant dehors je me suis tu. Dans ma tête pas un bruit.

| de l’imprévu

Notes (et autres paradoxes)
Notes (et autres emporte-pièces)
Notes (et autres thèses) —

Tenir un carnet, c’est collecter, amasser des notes dont on n’a a priori que faire ; dont on n’a d’abord pas l’usage. Un carnet, c’est le règne de la gratuité. 

Tenir un carnet, c’est accepter de se laisser envahir — c’est le consigner. Journal d'invasions.

Faire cas de ce qui n’a pas lieu.

Tenir un carnet c'est, insensiblement, se laisser gagner par le livre. Il y a des livres dans un carnet.

Carnet trop-plein. Quelque chose me déborde et je l’écris.

Noter ce qui échappe à la saisie. — Si je ne l’ai pas saisi, peut-être ai-je une chance de le noter.

Noter n’est pas écrire ? Prendre des notes, ce n’est pas écrire ? C’est déjà écrire ?

Noter ne se prémédite pas. Mais noter s’improvise. (Noter se travaille.)

Noter est s’exercer à écrire.

Noter est s’empêcher ou s’interdire d’écrire.

Un carnet n’est pas un livre.

Prendre en notes : apprendre à ne pas écrire.

(Écrire n’est pas rédiger.)

La notation poétique. Poétique de la notation.

Noter aussi des façons de présenter. Noter c’est suspendre. Est accrocher. Noter c’est exposer. La notation comme exposition.

Suspendre du texte dans la page comme sur un mur — dans l’espace. Le texte panneau indicateur. La notation comme indication — direction.

(Carnet de tendances. Moodboard.)

Ou la mise en forme de la prise de note, la présentation de la notation : comment celle-ci s’inscrit dans un cadre ; comme elle remplit (des cases) le formulaire vierge du jour ; où l’administration ou éditorialisation du carnet de notes se révèle elle aussi d’importance. Le contenu passe par la forme.

D’où le succès des préformatages (templates) blog — et des agendas, semainiers, organiseurs ? Est-ce la question du confort ? Ou de susciter, aménager des cadres dans lesquels la note, a priori nue (fugitive ; précaire, fragile ; sans attache ni écorce, sans domicile, à la dérive) puisse se déposer/reposer, fortifier, croître, persévérer dans son être, et dans sa puissance, éclore ?

— Manières de contenir ou conjurer, de “gérer” le potentiel perturbateur ou envahissant de ce que Kenneth Goldsmith, dans L’écriture sans écriture (chapitre Anticiper l’instabilité), appelle : des média nus, des fichiers flottants dans le web, libérés de leur contexte, objets non-identifiés, voyageant sans attaches dans des zones qu'ils n'auraient su atteindre vêtus de leurs signes conventionnels (que pour mon compte j'appelle contenus enlèvement).

Cadres éditoriaux donc que le blog ou l’agenda. Éditorialiser c’est ça : offrir à l’idée en l’air un environnement. Une pérennité (possibilité de). Pouponnière ; couveuse ; incubateur ; pépinière.

Asseoir les notes, leur avancer un siège. Le leur inventer.

(Faire cas de ce qui n’a pas lieu.) Noter c’est inventer.

Inventer des dispositifs de notation. Le tableur inspiré des floor pieces de Carl Andre, par exemple, testé face au parking Grands Chemins (faire le vide/une histoire pour). Un dispositif d’observations. Une mise en espace (en page) et en séries de mes observations-formulations (c’est voir avec des mots).

Où l'observation est indissociable de sa formulation. Où la formulation suscite, génère l'observation.

Il va de soi que cet appareil de notations ou d’enregistrement, de prise ou mise en notes, est aussi un dispositif de présence, une béquille de l’être-là : pour être là. C’est l’objectif — c’est le seul vide qui vaille. Un comment être là. Pas tellement individuellement, je dirais : génériquement.

J’aspire à être le générique du parking.

La note n’enregistre pas (pas seulement) le moment : elle l’invente.

Noter fait venir ou lever ou naître un moment qui n’existait pas.

Noter manifeste, explicite un moment qui n’a pas eu lieu.

La notation invente son moment.

Que les notes soient agissantes, non seulement des témoins (même d’activité).

L’écriture est agissante. Écrire agit sur qui écrit. En modifie (provisoirement, transitoirement ?) la constitution.

Me voilà en tête-à-tête avec le carnet. Mauvais. Le carnet ne devrait-il pas demeurer dans une position latérale, de passager (place du mort) par rapport à ma vie ? Un carnet ne devrait-il pas (savoir) rester à sa place ? Se contenir ? Mon carnet (comme tout carnet qui se respecte) se doit d’être tenu en faisant autre chose… Devrait être sans incidence sur le cours de la vie… Ne doit pas faire obstruction… Ne devrait être que facilitation… Fluidification… Baume…

Le carnet est juste là pour voir. Spectateur. Non ? (Pour qui se prend-il ?)

Je sens de plus en plus vivement combien la tenue du carnet m’isole.

Écrire est le moyen que j’ai trouvé de ne plus jamais être parmi vous.

— Parce que la confection et l’alimentation du carnet (comme d’un trousseau, comme d’un enfant) me retient à la maison — tâche domestique avec les autres…

…


58 commentaires à propos de “#carnets | Parking des heures”

  1. L’arrêt automne, quelle jolie idée… plusieurs textes sont ainsi plein d’automne dans la fournée n°3.

  2. Passée lire, au hasard du site, dernières publications peut être. Bref, je te (je propose de se tutoyer entre camarades du Tiers livre) lis pour la 1 fois. J’ai beaucoup aimé ton carnet du carnet, réflexion qui chemine progressivement sur les visages, la question de faire ou ne pas faire visage et de quoi ? En simplicité et authenticité, réflexion riche sur un objet difficile. Merci 😊

    • Merci à toi, Nolwenn, d’être passée. Comme quoi ça vaut le coup de faire remonter sa publication régulièrement… Avec cette page individuelle qu’on rafraîchit, j’ai l’impression de tenir un blog dans le blog, à la différence qu’il change de titre et d’aspect au gré des propositions et de leurs à-côtés. Tout cela fait comme une ville de nos galeries souterraines. Parfois, comme cela vient de t’arriver, on débouche dans la galerie voisine…

  3. j’aime beaucoup les noms et l’histoire non pas en trois (Fénéon – signalé et réedité par Tiers Livre ! un must ) mais une ligne ou moins !
    Félix Fénéon, Nouvelles en 3 lignes (les 1210 faits divers, avec 2 index thématiques exclusifs) — Tiers Livre / AMZ ;

  4. Bonsoir,
    j’aime beaucoup l’entremêlement dans votre carnet, des notes, des tentatives, des liens externes, on se demandait si un carnet « electronique » pouvait avoir ce côté brouillon, ce côté recherche, ce côté test, il semble chez vous que oui, agréable à parcourir ou à fouiller, merci ! et bonne suite,
    C

    • Merci beaucoup, Catherine, en effet, les problématiques soulevées quotidiennement par François étant il me semble des chantiers à demeure ouverts, je souhaitais ne rien trop définir afin de laisser la question d’un jour ressurgir un autre ou déborder dans le suivant ou affluer infuser dans une autre question. Je pense à ces carapaces de tortues qui n’en finissent jamais de grandir, fontanelle, tectonique (et, évidemment, ciel). Ce qui travaille la prise de note, c’est non seulement le surgissement, mais encore sa perpétuelle reprise…

  5. « Parvenir au visage est un chemin. Combien de nos chemins contemporains vont à rebours du visage ? «  »À l’émergence d’un visage, à sa révélation, à son intégration il faut la durée. »ces lignes de pêche me touchent. « Lara Janvier est née » cette liste de l’Oise Hebdo frappe fort. J’aime la liberté de ces fragments d’heures .

    • Merci Nathalie. J’ai moi-même été « frappé » par le torrent de « celle/celui » de votre J8. je trouve à ce surgissement dans nos mots de tous ceux / tout ce qui nous entoure/nt quelque chose de profondément déstabilisant autant qu’enthousiasmant. C’est une épopée de l’ordinaire et anti-héroïque, oui, c’est épique

  6. Marquée par Noms c’est du propre parce que ça ne peut pas ne pas dire quelque chose. Ça dit quelque chose de nous de qui nous sommes et ça vaudrait le coup de poursuivre sur un temps plus long un journal de manière exhaustive compulsive et quoi ? Pas indifférente
    merci Christophe d’avoir testé (sans jeu de mots 😉

    • D’accord avec toi, Cécile, pour trouver ces recensements via les informations générales très (très) tentants — je succombe à la tentation quelques fois par an et en ressort chaque fois stupéfait (de fait, je crois que ces listes sont des stupéfiants). On peut juger ces « raccourcis » faciles ou convenus, mais ils ont un potentiel explosif fort. Merci de ta lecture !

  7. Très bonne idée, cette table des matières thématique ! je suis impressionnée par le fourmillement de votre carnet.

    • Merci Muriel de votre visite. Vu qu’en effet la page va en s’approfondissant, j’ai ressenti le besoin d’y installer des ancres HTML, afin que l’on puisse s’y déplacer, aller venir sans pour autant tout balayer scroller, et faire des haltes à différentes strates ou profondeurs — sans non plus se soucier de ce qu’on traverse, un peu comme le GPS : vous êtes ici, vous allez là. De plus en plus je vois cette page de #grand_carnet comme une carotte temporelle
      (c’est aller perdu dans le temps, en (a)ménager la possibilité)
      Par ailleurs, je me souviens de votre : on aurait marché sur un boulevard sans fin

  8. Toujours très vivant, jubiilatoire mais j’atteins l’acmé avec cette pêche à la truite en Amérique qui donnerait presque envie de la lire, en tout cas m’a collé à sourire et fait ma journée !

    • Oui, Perle, lisez ce livre, couplé dans toutes les éditions que j’en connais avec Sucre de pastèque (mon préféré, je veux dire : mon préféré de tous les livres que j’ai pu lire)

  9. Quel beau carnet très touffu dans lequel j’aime me perdre et me retrouver au long des « je me souviens ». Merci.

    • pour un Z— comme vous (me paraissez être), sur le — ne saura être que du bonus/heur — si je ne m’ab—se… Merci g@rp ! 😉
      (j’ai moi-même passé 18 ans de ma vie sous le nez d’un Z— lampe de chevet…)

  10. Je découvre (tardivement, sorry). J’adore (vraiment). Le carnet, le feuilleter, le survoler. Va falloir que je sorte du parking maintenant. Mille mercis.

    • Christian, ce Z a une influence sur ma vie que je crois bien avoir sous-estimée… (Ce qui est drôle, c’est que c’est l’une d’entre nous, participants aux ATL, qui m’a au détour d’un commentaire rappelé l’existence — à mon chevet… — de cet étrange ressort)

  11. J’aime beaucoup cette distorsion du parking, et l’image du jour. Plus qu’une routine, une litanie.
    Je n’ai pas pensé à la gauche et la droite mais oui, pareil. Je ne ma suis pas non plus étendue sur les mots nés du jargon, des novlangues que j’essaie d’éradiquer mais qui reviennent malgré moi, l’inverse de l’oubli en somme (et autres tics de langage).
    Oh, j’oubliais, j’ai acheté la pêche à la truite…

  12. #37 — « Par exemple, qu’une phrase est un nuage. Qu’une phrase se rassemble et s’effiloche en même temps. Et qu’elle le fait en tournant, comme les nuages se font et défont : sur elle-même. »
    J’aime ce genre de phrases — et en traduction, pareil — y revenir — repartir — tourner sur soi-même — jamais satisfait 😉
    Merci

  13. Quelle belle déambulation dans vos mots et vos questions autour d’une phrase ! J’adore m’y perdre.

  14. Sucre de pastèque après la pêche à la truite 😉 C’est beau la phrase comme un nuage.

    Je vous note ma réponse ici (un doublon) au sujet de la pâte levée.
    Pourrait lever Pagnol, Giono ou Zola par exemple.
    Je ne connais pas vos goûts mais pour Colette j’ai classiquement commencé il y a longtemps pas les Claudine.
    Mais entre journal et écriture journalistique il y a le Fanal bleu ou Paris de ma fenêtre, par exemple. Pour rejoindre les plaisirs de la chère, Les vrilles de la vigne. Plus intime, sa mère, Sido, et le livre éponyme.
    Désolée pour cette réponse tardive mais la période est dense (notamment peu propice à l’écriture)