015 | 47°25’44.59 N – 0°39’01.34 E

de l’art de proposer aux gens du voyage une aire bien grillagée, monument à Nono et autres remarques sur les bords de ville


 

 ceci est le 15ème rond-point visité, voir liste des précédents ;

 première visite ? voir la présentation générale du projet, qui inclut aussi des invitations et un journal ;

 état actuel du protocole : vues depuis le rond-point devenu chambre à photographier la ville (17 photos) ; vues du rond-point depuis son pourtour (3 photos) ; vue de l’intérieur du rond-point (4 photos) ; vue aérienne avec le rond-point dans son contexte (1 copie écran @ mappy.com) ; vidéo lecture (2’25), vidéo passage motos (4’15), 1 livre enterré (voir protocole livres enterrés) ;

 performances YouTube la littérature se crie dans les ronds-points ;

 en partenariat Pôle des arts urbains Saint-Pierre des Corps (pOlau) & Ciclic.

 

journal de voyage


C’est cette mention sur un même panneau, Aire des gens du voyage / Voie romaine qui m’avait fait choisir ce rond-point.

C’est le 15ème, une pause de plusieurs semaines depuis le 14ème, mais outre les obligations et les voyages, une succession de jours sous pluie qui rendait impossible les excursions urbaines.

L’autre chose qui m’attirait dans ce rond-point, dont la fonction est de faire sas entre la nouvelle rocade et l’ancienne déjà urbanisée, abouchant sur l’hyper Auchan de Saint-Cyr sur Loire, c’est la succession de signalétique d’entrée de ville.

De ce point de vue là on est servi : par exemple cet étrange panneau indiquant BUT dans les deux sens (toutes les routes mènent à votre but), ou la convergence graphique, pour les carrelages, de l’adresse civile (rue Georges-Méliès, mais à qui ça dirait quelque chose, le nom Georges Méliès ?) et l’indication pragmatique : à 200 m de Décathlon. Ou que KFC nomme directement les ronds-points où il s’installe : Rd point de L’Hippodrome (celui-ci) ou Rd Point Base Aérienne (celui-là), qui ne sont pourtant que des appellations d’usage. Ou que l’étonnante construction sémiotique stokOmani (« mini prix maxi arrivage ») se contente de l’indication abstraire ZC Tours Nord mais là aussi accolée au nom de marque de l’hypermarché qui en est le principal référent : ZC Tours Nord Auchan. Et l’évolution sur le panneau Leclerc Hyper Drive, qui ne donne pas d’adresse, mais symbolise seulement le chemin, puisque le rond-point en lui-même est devenu élément iconique à valeur sémiotique.

Toujours surpris de la superposition d’éléments à échelle urbaine de la rocade et des quatre voies, et de ceux (il suffit d’examiner le Google Earth, figé il y a 5 ans avant le début des travaux) de l’occupation précédente. Le manoir isolé abritant ce cabinet financier qu’on n’aurait pas trouvé là se retranche derrière alarmes et surveillances, tandis que les maisons années 70, après une vague tentative de renforcer les portails et d’indiquer la présence d’un chien méchant ont préféré fermer et – invendables – sentent déjà la ruine conquérante. Quelle est cette frange pas encore rurale de la ville que la ville rejoint et dévore, mais sans rien la remplacer que par ses infrastructures ?

Ou ce repère qui dit qu’on est à 97,25m qui s’occuperait encore de son indication ? Ou bien, de toutes ces motos qui sont venues défiler, laquelle s’est doutée de la toute petite stèle à Nono, motard dont on ne saura pas plus ? Ou comme si poser un scotch sur la bouche de la boîte aux lettres était vraiment la plus ferme indication que la maison est morte.

J’ai bien regardé, mais la petite pelleteuse était fermée à clé – fini le temps où on pouvait démarrer ces engins et jouer avec. J’aurais bien aimé photographier (et remettre à sa place) le plan avec les instructions pour l’entreprise paysagère : qui est-il, celui qui à l’agglomération Tours + rêve des aménagements paysagers et les prescrit à l’exécutant ?

C’est la première fois que je viens ainsi sur un rond-point rasé (je ne le savais pas en partant).

Et c’est toujours ça l’essentiel : la pancarte Aire des gens du voyage je l’avais vue trente fois. Mais c’est parce que vous êtes soudain piéton que vous comprenez. La rocade se clôt en U pour revenir s’aboucher au rond-point. Cela définit une sorte de langue étroite, entièrement ceinte de grillage, parce que la rocade est en zone protégée, et protégée elle-même. C’est cet encastrement à l’écart, ceint partout de grillages à moins de 5 mètres, qu’on a alloué aux gens du voyage. De grosses pierres interdisent l’extension de l’étroite zone concédée. Tout est beau, propre et joli : mais l’exclusion n’en est que plus caractéristique. Pas pu approcher des caravanes, une jeune femme m’a apostrophé dès la photo faite de loin, ce qui se comprend.

Et il y a réellement un reste de voie romaine.

 

éléments contingents et factuels


Je souhaitais, en venant un dimanche à 14h, disposer d’un rond-point émergeant d’un désert, sans circulation, pour me concentrer sur les signes. On verra à la vidéo que ce fut totalement raté. Quand les motos ont commencé à défiler j’étais à 150 mètres, le temps de revenir oui, il en restait une bonne moitié, mais pas le temps d’installer le pied, et oublié de débrayer l’autofocus. Ajouter que j’étais à contrejour et ne voyais littéralement rien dans mon écran de contrôle : je ne serai jamais cinéaste. Ce qui ne dispense pas de l’envie d’inviter sur mes ronds-points quelqu’un qui sache filmer. Reste quand même cette scène étrange, et l’impression qu’elle n’est donnée que pour vous, qui arbitrairement vous trouvez là pour la saisir. J’avais apporté un joli petit livre de poésie façonné en coffret, j’ai hésité à simplement le laisser sous le godet pour que le conducteur de la pelleteuse le trouve et se l’approprie. Dans ce projet, il est important que les livres enterrés dans chaque rond-point soient de beaux livres, avec véritable valeur. J’avais la chance de cette terre toute fraîchement retournée (j’en ai rapporté plein mes chaussures, et ai laissé des empreintes de 6 cm de profondeur), les arbres tout jeunes – et qui ont encore leurs étiquettes du pépiniéristes – bénéficient d’un rebord circulaire en terre meuble, c’est là que j’ai enterré mon livre : celui-ci servira donc immédiatement de matière première à la pousse de l’arbre, c’est l’idée même du recyclable : la ville peut ignorer la poésie, elle repoussera par les arbres. Rapporté 107 photos, pour la vingtaine mises en ligne ici – comme au cinéma, la fabrique d’un chutier.

 

ce que le rond-point voit de la ville


 

le rond-point vu depuis ce qui l’entoure


 

intérieur du rond-point, vue aérienne et vidéo


 


recevoir le livre lu

 

 


responsable publication François Bon © Tiers Livre Éditeur, cf mentions légales
diffusion sous licence Creative Commons CC-BY-SA
1ère mise en ligne et dernière modification le 14 décembre 2014
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