007 | 47°26’55.21 N – 0°43’37.59 E

des anciennes portes majeures de la ville, et de la gloire de l’aviation sur celle des camping-cars – avec un peu d’histoire autour du Beechkraft F-BTMA


 

 ceci est le 7ème rond-point visité, voir liste des précédents ;

 première visite ? voir la présentation générale du projet, qui inclut aussi des invitations et un journal ;

 état actuel du protocole : vues depuis le rond-point devenu chambre à photographier la ville (6 photos) ; vues du rond-point depuis son pourtour (4 photos) ; vue de l’intérieur du rond-point (4 photo) ; le Google Earth avec le rond-point dans son contexte (1 copie écran) ; vidéo lecture (2’50), vidéo captation neutre (1’30) ; un livre enterré (voir protocole livres enterrés) ;

 en partenariat Pôle des arts urbains Saint-Pierre des Corps (pOlau) & Ciclic ;

 

journal de voyage


C’était la porte d’honneur de la ville, la grande route par où l’on va à Paris.

Rabelais est passé là : il en parle lorsqu’il évoque les catadiuptres du Nil. Contraint à poireauter en 1534 pour obtenir ce rendez-vous avec le pape qui le relèvera de ses voeux et lui permettra de légitimer ses 3 enfants, il retrouve chaque jour, attendant comme lui, l’évêque de Samarkand, et il en profite pour apprendre un peu d’arabe. C’est lui qui lui parle de ces chutes qu’on entend « depuis trois jours loin », et Rabelais ajoute « ce qui est long comme de Paris à Tours ». À l’époque, on achète un coq pour le trajet, il vous réveille au moment de reprendre la route et on le mange à l’arrivée.

L’autre honneur de la ville, dans ces grandes époques où enfin s’élancent les autoroutes, c’est d’avoir chacune son aéroport. Un vrai de vrai, avec salle d’embarquement, et piste sur les champs. Aujourd’hui c’est différent, on est à 2 heures d’Orly en voiture, 1h50 de Roissy en TGV, et ici c’est un low-cost qui officie. Ça nous permet d’aller à Londres pour exactement le même prix et le même temps qu’on va à Paris en train, Mick Jagger en profite bien souvent, même ses jardiniers une fois par semaine viennent de Londres comme ça.

Sinon, derrière, c’est la base aérienne. Aujourd’hui, avec cette vieille pulsion des anciennes puissances coloniales à aller faire le gendarme partout, comme leurs copains sont mobilisés en Irak eux ils font tourner leurs chasseurs à vide, kérosène est à volonté.

Mais l’autoroute contourne la ville un peu en amont du rond-point, alors plus grand-chose qui l’entoure, l’avion posé là depuis toujours. Et pas un jouet pourtant, toujours ses pneus, même si personne n’est venu les regonfler. Les hélices et les feux en état. Et mon livre enterré, je n’ai eu qu’à le planquer dans le fond du compartiment du train d’atterrissage.

Autour, c’est souvent difficile d’identifier la fonction des immeubles de bureau, ou des entreprises aux sigles qui trop souvent ne révèlent rien. Le marchand de grillages a dû faire fortune (il a fait fortune). Sur un des champs, c’est un empilement de camping-cars à ne pas comprendre ce qui se passerait si autant de gens soudain achetaient un camping-car, mais il y a pourtant des clients, on les voit – et un des véhicules ouvert grand sur son salon douillet avec télé.

Il y avait même un autostoppeur, on s’est un peu parlé. Je gamberge sur l’autre étape de ces ronds-points, qui sera le passage à la fiction, alors évidemment je suis attentif à ces rencontres. Il est parti assez vite, une dizaine de minutes après mon arrivée.

À nouveau ce sentiment de paix royale, au milieu de la danse des camions, comme un jardin fermé malgré le plein vent, et le hurlement régulier des chasseurs de l’armée de l’air.

Ce n’est pas si isolé. Depuis une dizaine d’années (ah, les tracas que ceux de ma génération éprouvaient du service militaire et des fameux trois jours d’où rapporter son exemption), chaque jeune de dix-sept ans doit se faire recenser et il est convoqué là pour une journée. Il y a des navettes depuis la gare. Ils n’en gardent pas un souvenir pénible : immergé soudain parmi quelques centaines de gamins qui ont votre âge à un mois près, et découvrir cette diversité incroyable, que rien ne permet de mesurer sinon. Il paraît qu’on mange très bien. On a une conférence sur les avantages des métiers de l’armée, et des tests qui visent essentiellement à dépister l’illettrisme. Une question récurrente et inusable, c’est d’ouvrir un vieux Télé 7 Jours à la date prescrite, et noter sur le questionnaire quel film passe TF1 ce soir-là à 20h50. On ne sait pas trop ce que tout ça devient ensuite.

Comme je voulais voir l’avion, c’était mon but, j’ai apporté un texte en prose surprenant, les Poèmes mécaniques de Claudel (1937) – introuvables sauf dans le Pléiade, vais le scanner dès que je peux.

 

éléments contingents et factuels


Comme j’envoyais une photo de l’avion par Instagram, reçu de Guillaume Cingal, par retour, un message me proposant de passer prendre un café chez lui : j’habite à 2 minutes. On croit qu’avec Internet on s’invente un pays de fiction, mais non. J’avais mis une mouffette sur mon micro (découvert avant-hier qu’en anglais ça s’appelle un « chat mort », deadcat), mais le vent était vraiment fort. En faisant ma route par les rocades j’ai décompté 11 ronds-points, là où j’en suis ça paraît assez écrasant (est-ce que l’exercice pourra se renouveler suffisamment chaque fois ?) et en même temps grisant, au point d’avoir hâte de les empiler (mais non, j’en reviens aussi crevé que d’une lecture, il faut au contraire reprendre de l’élan) : là pour 3 au moins de ces 11 il y a à voir et à dire. Et c’est ça qui compte : ce qu’il se révèle possible de dire de la ville n’émergeant, justement, que par sa propre situation de narrateur au milieu du rond-point. Donc, aujourd’hui : un avion boulonné sur trois plots de ciment, un autostoppeur, un marchand de camping-car et ses clients, la base aérienne et ses chasseurs en exercice, l’avion low-cost de Londres mais je crois que Mick Jagger est en Australie ces jours-ci.

 

Compléments (essai d’anthropologie Internet) : histoire de la base aérienne de Parçay-Meslay depuis 1915, belles photos des hangars Bressonneau, de la première aérogare de Sainte-Radegonde, vue aérienne du même carrefour en 1933. Savoir aussi qui fut la première Tourangelle à y avoir été brevetée pilote. On y a photographié aussi, côte à côte, le nain et le géant du cirque Pinder. La construction du bâtiment actuel date de 1938, le passage de Hitler en 41 et le pilote qui crashe son avion (suicide, kamikase) sur le château de Châtenay où sont logés les officiers Wehmacht, le bombardement de février 44, l’exécution par la Gestapo en août 45 de 26 résistants enterrés directement dans les cratères de bombes. Nouvelle aérogare en 1959. Le Concorde qui s’y pose en juin 1985, puis une autre fois en 1988, et le pape en 1996 – il fait dans les champs qu’on voit une messe pour 100 000 personnes. La première journée d’appel a eu lieu le 8 avril 2000 (just in time for TD). Photo aussi du crash d’un Broussard juste entre l’autoroute et la piste en juin 85. La déviation autoroutière avec le rond-point est inaugurée en juin 1984, la Touraine Air Transport est dissoute l’année suivante, aidez-moi à trouver quand est installé l’avion... Sur l’histoire de Touraine Air Transport et sa transformation en Transport Aérien Transrégional, avant son rachat par British Airways, renseignements ici avec des photos d’un de leurs Beechkraft 99 en activité à l’aéroport d’Orly, et on pourra même découvrir le F-BTMA du temps de sa vie active, et comment il fut repeint (en 1999). On découvre aussi sur le web l’attaque de l’avion par une fourmi, on y a aussi vu des ovni. Voir aussi les archives filmiques du très beau projet Ciclic. Ce que cache d’histoire la banalité apparente d’un lieu.

 

ce que le rond-point voit de la ville


 

le rond-point vu depuis ce qui l’entoure


 

intérieur du rond-point, Google Earth et vidéo


 

 

livre lu

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1ère mise en ligne et dernière modification le 23 septembre 2014
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