#gestes&usages #03 | Jacques Roubaud Roubaud Jacques, la vie en double

un cycle sur corps, mouvement et interaction avec le monde


 

#03 | Jacques Roubaud Roubaud Jacques, la vie en double


Soit le texte suivant :

Rêve du 11 février 19...
Je suis dans un café ; un café parisien, semblable à celui, proche du métro Liège où, tous les matins, je viens lire un journal et prendre un petit déjeuner. C’est le matin (une jeune femme blonde passe une serpillière humide entre les tables, sous les pieds des clients, sous les miens) mais il fait encore nuit. J’étale le journal devant moi ; le patron s’approche et pose devant moi un « crème » et deux tartines beurrées ; il prend les deux pièces de dix francs que je sors de ma poche et me rend un franc quatre-vingts. Quelqu’un entre.

Et soit maintenant le texte suivant :

Rêve du 17 août 19...
Je suis dans un café ; un café parisien, semblable à celui, proche du métro Liège où, tous les matins, je viens lire un journal et prendre un petit déjeuner. C’est le matin (une jeune femme blonde passe une serpillière humide entre les tables, sous les pieds des clients, sous les miens) mais il ne fait pas nuit. J’étale le journal devant moi ; le patron s’approche et pose devant moi un « crème » et deux tartines beurrées ; il prend les deux pièces de dix francs que je sors de ma poche et me rend un franc vingt. Quelqu’un entre.

Eh bien voilà, vous avez compris l’exercice.

Noter quand même la complexité de la scène, en 9 lignes dans le livre de Jacques Roubaud, La forme d’une ville change plus vite, hélas, que le coeur des humains (Gallimard, 1999) lequel est un incroyable répertoire d’autres propositions d’écriture :

 le point de départ temporel du chronomètre (« je suis assis ») ;

 l’ébauche du lieu (« café parisien... rue de Liège... ») :

 la « boucle » liée au premier personnage secondaire (« une jeune femme... ») ;

 la « boucle » liée au deuxième personnage secondaire (« le patron s’approche... ») ;

 le « déroulé » propre au narrateur (« j’étale le journal devant moi ») ;

 enfin les deux mini variations de détail : oui, elles sont faites pour être invisibles, inaperçues à première lecture, ces lectures synthétiques par lesquelles nous appréhendons le paragraphe dans son ensemble, avant le l’interpréter par la lecture linéaire, seulement mentale (non développé dans la vidéo).

Alors à vous de produire ce top chrono, durée limitée en aval comme en amont pour la scène de votre choix, d’y insérer le lieu, les deux personnages secondaires qui traversent le cadre (non, ce n’est pas se laver les dents devant le miroir), et, une fois réalisé le copier/coller de vos neuf lignes, d’y introduire les deux déplacements de détail qui vont en rendre l’opposition signifiante.

Et c’est un merveilleux exercice, je l’ai testé, croyez-le (à Chambéry, mais contrairement à ce que dit dans la vidéo, ce n’est plus en ligne). Et pas interdit, dans les commentaires aux autres publications sur la plateforme, d’en réaliser vous-même un copier-coller et d’en ajouter une version 3, ou version X + 1 si d’autres avant vous y ont précédé !

En complément à l’atelier, dans mes « carnets » je reparle du livre de Jacques Roubaud, Mathématiques ; : Roubaud la bombe et bouf, si curiosité.

 


responsable publication François Bon © Tiers Livre Éditeur, cf mentions légales
diffusion sous licence Creative Commons CC-BY-SA
1ère mise en ligne et dernière modification le 28 janvier 2024
merci aux 147 visiteurs qui ont consacré 1 minute au moins à cette page