#07 | Sophie G. Lucas, « Vous devez »

Nouvelle configuration : un ensemble de gestes dans un contexte social codé, c’est ce qu’on explore via différents renversements depuis le début de ce cycle.

Et là, rupture : on accomplit les gestes en tant qu’ils sont prescrits. Une prescription extérieure au narrateur ou la narratrice, indépendante de lui ou d’elle, et le verbe « devoir », l’injonction « vous devez » ou sa variante négative « vous ne devez pas ».

Qu’est-ce que ça change ? Eh bien, tout simplement, que ce qui concerne les gestes et usages, notre thème, est inclus, positivement ou négativement, dans la prescription. On accomplit ce qu’on nous enjoint de faire. La part langagière du geste s’énonce dans la prescription, et non côté narrateur/narratrice.

Le livre sur lequel je m’appuie, On est les gens de la nantaise Sophie G. Lucas, est paru en octobre 2023. Il a pour thème ou lien le mot révolte, dans les diverses éruptions sociales récentes (migrants, gilets jaunes, retraites : le mot qui banalise suffit à définir).

L’éditeur, Contr’Allée (magnifique catalogue, et très belle réalisation graphique aussi, Présence Graphique ici près de Tours, à la patte immédiatement reconnaissable, présente le livre comme recueil : non, et même pas du tout. Un des dix ou douze sous-ensemble de l’architecture qu’est On est les gens s’intitule roman, un autre consiste en fragments disjoints d’un journal censé avoir été tenu sur 540 jours. Un autre recense une suite de personnages, chacun s’exprimant à la première personne, et cette expression toute compacte se présentant sans aucun élément de contexte. Chaque forme donc à la fois complète et indépendante : ce qu’on appelle livre.

Et cela vaut pour le fragment que je vous propose de lire, d’où l’importance de ce que je viens d’exposer pour l’aborder : oui, il s’agit de deux pages, d’un recto-verso avec titre (« il ne faut pas danser »), mais ce fragment est une entité à part entière.