
en visionnant Dont Look Back alternate takes
mercredi dernier, Sam Dilorio nous emmène dans les locaux d’Albert Maysles à Harlem, Malcolm X boulevard. On descend au sous-sol. Sur la vieille table de mixage pour le 16 mm, on visualise des rushes non utilisés de Gimme Shelter. Un moment, j’ai dans les mains un morceau de la pellicule originale du film, je regarde un portrait à la loupe
lorsque les Maysles projettent pour la 1ère fois le film à Richards et Jagger, ils posent une caméra derrière le moniteur et la laissent tourner gros plan fixe sur Keith à quatre-vingt centimères - lui des fois on voit bien que ça l’amuse puisqu’il se met à sourire tout seul
ce qui est bizarre c’est que quand on a vu le film des dizaines de fois toutes ces années, on connaît le début par coeur : le riff de Jumping Jack Flash, le bruit de foule
Keith branle de la tête en rythme, ses lèvres s’écartent sur ses dents pourries (lui-même parle de dents pourries, c’est l’héroïne, il les fera toutes changer en 73) — puis il sort un hamburger d’un sac en papier, mange le hamburger de la main droite, attrape dans le sac une saucisse de la main gauche — les doigts gras il les suce, puis les essuie dans ses cheveux : respecte mieux ses fringues que ses cheveux
il y en a plus de douze minutes de ce plan fixe, avec comme événements majeurs lancer le sac papier dans la poubelle, puis vider canette bière, puis ajuster canette bière vers corbeille, puis passer vin rosé au goulot
les Maysles repassent sans cesse le même début, il leur fait faire les corrections d’équilibre pour le son
12 minutes pour un hamburger, et paradoxe qu’on regarde de face le type qu’on ne connaît vraiment de face que pour avoir vu, nous, des tas de fois, le film que lui regarde et que nous on ne voit pas, et que c’est quand même un film
rien d’autre — après, on passe saluer Albert Maysles : mais qu’est-ce que je lui dirais ? il a filmé aussi les Stones l’an dernier au Beacon Theatre : encore gros plan sur visage Keith, les rides sur le visage Mick visionnant un vieux blues sur son Mac — dans les archives du couloir, au sous-sol, les titres sur les bobines de film
une autre histoire de plan fixe avec Andy Warhol et Bob Dylan et le Double Elvis : Warhol demande à Dylan de rester immobile 8 minutes dans un fauteuil et filme son visage en gros plan — magnifique plan : tout comprendre, fort comme du Bacon — ensuite ils parlent, et Warhol donne à Dylan un de ses "double Elvis" géants en soie — comme ensuite on a un peu bu et que Dylan est avec Neuwirth en voiture, ils accrochent le Elvis à l’antenne de la bagnole en se demandant qui c’est ce tapé qui l’a filmé comme ça — en arrivant à Woodstock chez Grossman, il échange le Elvis contre un canapé : il a plus besoin du canapé que de Warhol — Sally Grossman le revendra 235 000 dollars quelques années plus tard
je visionne donc les rushes de Dont Look Back (sans apostrophe) dans le train : ça vient de sortir — suis assis sur le strapontin dit "bureau" avec prise électrique, mon casque sur les oreilles — les 3 autres strapontins sont pris, et 2 personnes en plus sont debout — un jeune s’est fourré tout replié dans le compartiment à bagage — rien d’autre que l’habituel 18h10 bondé — je partage la mince tablette avec une fille qui prépare le concours d’admission à la gendarmerie nationale, les documents de la gendarmerie touchent mon ordinateur où je regarde ces rushes - je n’ose pas sortir l’appareil photo
je prends des notes en direct — je n’ai jamais pu m’astreindre à regarder vraiment un film sans faire quelques chose d’autre, sauf ce plan fixe sur le visage de Keith dans Gimme Shelter l’autre mercredi, à Harlem
Cazeneuve souvent se moque de moi quand on visionne notre documentaire pour Arte avec les apprenties coiffeuses de Pantin : il me semble que je vois mieux quand j’écris en même temps — bon je fais l’effort de fermer l’ordinateur, mais alors je vois moins bien — j’aurais aimé que ce documentaire soit juste fait de plans fixes de visages, mais finalement on n’en est pas si loin, au moins dans l’ouverture
j’ai déjà fait ça il y a bientôt 2 ans en visionnant Film de Beckett, ça avait donné ce texte de Tumulte synchrone du film, et j’ai aussi écrit sur Cocksucker Blues de Robert Frank pour Libération une fois, et sur One + One de Godard plus Gimme Shelter dans les Cahiers du Cinéma (1995 ?)
sur Dylan trop tôt pour parler du travail en cours, juste en ligne ces essais de traduction
donc des notes en regardant les rushes nouvellement édités de Dont Look back
shes an artist she dont look back
générique
Dylan joue du blues au piano Tom Wilson écoute assis la tête contre l’instrument
puis
Dylan dans l’aéroport, mains dans les poches et lunettes noires, Neuwirth porte l’étui à guitare
Londres, 1
rien sur la conférence de presse avec l’ampoule électrique, tout a été pris par le film, Joan Baez proche sourit mais on ne s’occupe pas d’elle
Dylan chantant Don’t think twice it’s allright : les trois points d’harmonica posés comme des touches séparées de couleur (1er solo) puis séquence répétitive abstraite (2ème solo) : étonnez-bous qu’il énerve
Dylan sur scène : son blouson très fin de cuir et le pull roulé noir, le tabouret avec les les harmonicas en réserve et la carafe d’eau (on ne le voit pas boire)
"pourquoi portez-vous des lunettes noires ? parce qu’avec je vois mieux" — ce sont donc bien des verres correcteurs pour sa myopie
les flashes à grosse coupelle des photographes
duo avec Joan Baez, capoatre à quatrième case, Grossmann sourit les yeux emi fermés : mais on ne gardera pas dans le film — les regards de Dylan à celle qu’il appelle Joanie, complices ensemble
Grossman, l’année prochaine, aura les cheveux plus longs — son double menton plus accentué s’ils parlent argent
Joanie l’appelle Bobby et non Bob — le son de sa Gibson 1937
sheffield
les micros dans les villes sont différents - on aurait pu supposer qu’il apportait les siens — à Sheffield tout est plus aigre, voix et guitare
son attention permanente et constamment variable aux distances et orientations par rapport au micro : on le voit plus à Sheffield quand il souffre — les concerts ratés : qu’il s’en moque, d’où est le micro
il a la même tenue de scène : il fait comme les acteurs, plusieurs sous-pulls noirs qui sont lavés dans chaque ville ou à tour de rôle
dans les rues de Sheffield : son manteau aussi est neuf, acheté pour la tournée
Dylan et les journaux : peut-être qu’en tournée il ne lit pas de livre, on voudrait nous faire croire qu’il ne lit que les journaux
Joanie dans la voiture, avec une immense casquette : please don’t break my heart in two, prescience ? les autres se taisent
liverpool
la loge avec les jeunes anglaises : en province, son étonnante patience, les yeux des 2 gamines, leurs dents irrégulières — on leur a dit d’entrer exprès parce que Pennebaker veut filmer
it’s all over now baby blue : le drive de la guitare, elle marche en avant tout droit avec ses basses, et lui n’a qu’à suivre — la technique et la sûreté qu’il faut — deux ans plus tôt, tout le monde disait qu’il jouait mal
façon de regarder aux cintres : peu importe aux myopes, qui ne voient pas le loin — ce n’est pas garantie d’inspiration divine
limousine devant visages d’enfants : ils regardent quoi, la voiture, le cirque, le type chevelu à lunette noires
londres, savoy hotel
gentillesse de Dylan : bye, ou bien I’ll be back — jamais plus
chambre d’hôtel piano droit, il chante : quand il compose seul, ça doit ressembler à ça — Tom Wilson toujours tête niveau du clavier, dans 3 mois ils seront vexés
leicester
dans Hattie Carroll : la transpiration sur le front, comment les sourcils déportent la sueur sur les joues, comme ça doit brûler les yeux, quand on n’a pas les mains libres — les cheveux qui se collent progressivement à la peau and you who crucified this christ now it’s time for your tears
conférence de presse : ce sera quoi votre futur ? bien, là, dormir - puis I see no future : il l’a vu, pourtant
puis, pour se faire bien voir des journalistes : — il me faudra au moins 60 ans à dormir, pour rattraper, et puis : — je crois pas qu’une vie longue ce soit important, ce qu’on doit faire, on doit le faire tout de suite — l’idiot en face, au lieu de le pousser : — on dit que John Lennon maintenant il s’intéresse surtout à l’écriture ? le regard qui part en arrière : — mais moi aussi je m’intéresse à l’écriture, éjecté, le type
phrase sur la machine à écrire en gros plan : i wished i was jane mansfield - sonnette du retour à la ligne — Baez derrière chante et ne le regarde plus, ne sourit plus — tasse de thé près d’elle, tristesse
chansons de Dylan dans la loge : chansons qu’il n’a jamais chantées sur disque ni en public, les vieillees chansons apprises de Minneapolis
birmingham
it’s allright Ma : presque un crime que Pennebaker n’ait pas eu le culot de filmer ses doigts — le capodastre très haut dans le manche, la ligne modale he’s busy dying
se souvient-on mieux des textes quand on est myope (pour moi, réponse ne peut être que oui ?) - corde mi grave baissée d’un ton en drone D probablement
que la ligne vocale et la ligne instrumentale vont parfois rythmiquement de façon autonome : là, l’hypnose ?
scène dans le magasin d’habits à Londres, dylan essaye des cravates dans la glace, on boit à la bouteille, Neuwirth se sert aussi, Grossman rigole et paye, le bassiste des Animals, Alan Price se marre sans qu’on sache trop ce qu’il fait là, une bouteille de whisky passe de main à main et on boit au goulot
dans le train, Dylan tousse — les fans qui courent pendant que le train part, ça les fait rire — Neuwirth fait la conversation et fume, Dylan tousse et tousse
bref instant qu’il joue du John Lee Hooker : les yeux comme révulsés, c’est sérieux, là
Dylan debout au piano : chante hillbilly, je ne sais pas ce que c’est cette chanson, mais ça roule : les mines mêmes sont celles de Hibbing avec les Shadow Blasters, quand il jouait du Little Richard : j’aurais gardé et développé cette scène
passage d’Allen Ginsberg : plus j’avance dans ce travail et relis Fall of America, plus j’ai respect pour Ginsberg
royal albert hall
she belongs to me : mots qu’en scène on dissèque shes an artist she dont look back
un type dans la loge interpelle Dylan au piano : Neuwirth arrive de suite et l’écarte — c’est à lui qu’on parle des questions techniques, et pas à Dylan — en gros le contraire de ce qu’ils ont gardé ensuite pour le film comme démonstration
le piano dans la loge : demande exprès de Grossman pour la fiche technique ?
sur la table devant le miroir, une petite valise noire, on ne la voit jamais ouverte — pas de catering, quelques années plus tard, Led Zep, Stones et autres ils ont la liste de bouffe et boisson qu’ils veulent, on est en 1965 et Dylan n’a pas besoin de manger une banane avant d’entrer en scène, cigarette sur cigarette ça lui suffit
la scène avec les cartons de It’s allrigth Ma : ça aurait été indigne pour Dylan, qui se gèle en manteau sur le toit, de faire semblant de mimer les paroles — c’est Joan Baez et Ginsberg qui ont rédigé les pancartes, on a dû finalement pas mal rire
1ère mise en ligne et dernière modification le 3 mai 2007
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