
4 textes-exercice pour narration immersive
Le premier enjeu, autant que le vocabulaire scénographique envisagé, a donc été d’écrire des textes pour ces exercices, sans préméditation, directement sur Ulysses pour synchro avec l’ordi, et possibilité de les avoir à la main sur l’iPad pour les moments de tournage.
Je les mets en ligne pour mémoire, ainsi que la vidéo n° 3, Toi fantôme dans la pièce vide, et lire ici une première série de questions sur le film 360. L’ensemble est repris sur mon YouTube dans la rubrique De nuit à nuit.
Déjà le rêve de trouver une résidence où on pourrait pendant une bonne semaine s’isoler avec 2 acteurs, un réal et du matos, un monteur, un lieu avec un peu d’espace et des murs nus, et bosser tous ensemble.
tentative 3 : interlocuteur d’abord invisible, jeu avec double hors-champ du personnage
01 _ D’UN EFFONDREMENT DU SILENCE
lorsque vous placez suffisamment de livres dans une pièce suffisamment petite, il se produit comme un effondrement du silence, un minuscule dépôt de monde
j'écris cet effondrement
j'attends ce dépôt de monde
02 _ LE CRÂNE
tu m’entends
qui parle ?
les morts seuls parlent
il n’y a plus qu’eux, qui nous parlent
ce crâne parle
j’enregistre ce qu’il me dit
de jour de nuit
le crâne de plâtre
j’enregistre aussi ces phrases de la nuit
les phrases de ton crâne
celles que disent les morts à chacun dans son crâne
la nuit
on est chacun la somme de tant de crânes de plâtre
les crânes de plâtre qui parlent
dans nos têtes la nuit
la mort en toi parle
pour que tu te connaisses
03 _ TOI FANTÔME DANS LA PIECE VIDE
que laisse-t-on de soi dans une pièce vide
c’est la pièce où je viens pour construire mes histoires
souvent j’attends là sur la chaise
autour de moi sont les livres, aussi les cahiers
les objets ramassés et tout ce qui concerne la comptabilité
l’administration de toi-même les archives
mais toi quand tu t’assieds parfois c’est des jours
tu viens aussi en pleine nuit
et encore et encore te voilà sur la chaise
l’ordinateur est ouvert, il accueille le monde
et même là tout de suite
c’est la pièce vide qui s’en va par la petite fenêtre bleue
quel fantôme de toi laisses-tu dans la pièce vide
et quand tu n’es pas là quelle forme de toi
hante la pièce muette
tu avais laissé cette caméra exprès
pour qu’elle filme la pièce vide
tu avais vu les images c’était juste normal
la table la chaise les étagères à livres
et tout ton bazar tout ce qui t’encombre
puis tu l’avais vue elle la forme noire
discrète et puis moins
mais là comme en sac en paquet une forme informe
et puis à ce moment de l’histoire
tu avais bien vu comment elle s’installait sur ta chaise
se penchait sur ta machine
la forme avait dit
je suis ce fantôme de toi-même
et cette histoire est ton histoire
et toi loin, bien loin de l’autre côté des ordinateurs
par la fenêtre bleue visage non visage
voix non voix la parole sans l’histoire
ou seulement le portrait de ta peur
tu l’avais bien vue bien entendue
la forme noire maintenant repliée
maintenant toujours présente mais muette
et qui disparaîtrait puisque
jamais personne quand à ton tour tu entres
et qu’à ton bureau tu t’assois
elle est où dans ton dos alors quand tu travailles
quand tu t’astreins à la petite fenêtre bleue
la présence de toi dans la pièce vide
la pièce où tu passes tant de temps
à attendre tes histoires
04 _ DANS LA CACHE
quand j’ai peur je me cache
quand j’ai très peur je reste caché longtemps
ici parfois j’habite pour plusieurs jours
je n’ouvre pas la porte
je n’allume pas les lumières
sauf là maintenant le temps de parler
le temps d’enregistrer cet appel
je lis beaucoup de récits d’autres qui se cachent
qui se sont cachés très longtemps
et qui ont disparu parfois sans qu’on trouve où, cachés
les bonnes cachettes on les connaît à cela
personne ne t’y trouvera
sauf qu’on habite un autre monde
désormais cache-toi n’importe où personne ne te cherche
je ne sais pas ce qui est le plus dur
de se fabriquer la meilleure des cachettes
ou bien cache-toi n’importe où de toute façon personne
jamais
ne viendra à ta recherche
dans la cachette on pense, peu
dans la cachette on lit, peu
j’aime les livres de samuel beckett
mais peu besoin de les lire
on a le temps de s’en souvenir
je me les récite, tous et au mot près
la cachette renforce beaucoup le mental
la peur est toujours hors de la cachette
c’est cela qu’il faut comprendre
on se rhabille de peur quand on sort
alors pour cela qu’on ne sort pas
je ne sais plus depuis combien de temps je suis là dans la cachette
parfois cependant je sors
parfois cependant je prends le train
parfois je parle aux gens accomplit les gestes
qu’eux ils disent ordinaires
moi je les reconnais bien partout les gens qui se cachent
est-ce que tu crois que je ne te reconnaîtrais pas
toi qui portes ta cachette avec toi partout où tu marches
est-ce qu’on est moins caché chacun
à marcher seul dans la ville
— reste la peur, m’a dit ce type croisé la semaine dernière dans un train, et que j’avais reconnu à sa façon de s’asseoir dans le wagon
— reste la peur, je lui ai répondu puisque lui aussi m’avait bien reconnu
1ère mise en ligne et dernière modification le 9 janvier 2017
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