Le crime de Buzon, cahier de préparation

ou comment un livre s’invente en marchant à lui



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Le crime de Buzon, cahier de préparation, 1985 (extraits)
34 pages sur 65, version intégrale dans zone téléchargement du site

 

Après la villa Médicis, je publie Limite en septembre 1985, 3 ans après Sortie d’usine, voir la version numérique commentée. Un retour à Paris, qui sera marqué par la proposition d’Alain Veinstein et Laure Adler d’une première production radio, confiance et carte blanche pour un apprentissage qui se révélera fondamental, De l’autre côté de la Défense. Mais pas de piaule, pas de revenus, je reviens à Damvix, dans le marais poitevin, et ce sera un magnifique hiver de cohabitation avec ma grand-mère maternelle. Dans la petite chambre du premier étage, j’ai un énorme pavé, lui aussi dans cette valise noire d’où je ressors ces jours-ci mes cahiers, un an d’écriture avant la villa Médicis, présenté à Jérôme Lindon qui l’avait refusé (je n’ai su que plus tard qu’il refusait systématiquement à ses auteurs de deuxième manuscrit), mais où je ne savais pas encore que se trouvait rassemblée la matière qui deviendrait Limite, Buzon, puis L’Enterrement et Calvaire des chiens.

Mais j’ai compris qu’après cette accumulation qui n’est pas devenue un livre, puis la lente décantation de Limite en Italie, je dois me lancer dans le prochain travail avec ce que j’ai appris – l’enracinement dans la tragédie, les fonctions du choeur et de la polyphonie, et comment on peut déceler l’écho urbain jusque très loin dans les signes du village le plus accroché à son passé.

Comme point de départ, une idée abstraite : qu’est-ce qui pousse un type à faire le mal, et un outil plus précis : dans la mythologie persane, l’opposition de deux démons, ce qui vous entraîne à faire le mal d’un côté, et celui qui fait le mal délibérément de l’autre. À relire ce cahier, les traces fossiles du manuscrit refusé dans l’idée d’une composition plus globale, avec des titres imaginés (La ville splendide), la relecture obsessive de Dostoïevski ces années-là, pas grand-chose d’autre.

Ça s’invente en marchant. Histoires, phrases entendues, phrases recopiées. L’idée que j’ai à travailler sur une culpabilité. Et le mouvement de l’ancrer dans ces paysages, non pas ceux qui m’entourent, mais le village d’enfance, à soixante kilomètres de là, mais que je ne retournerai même pas voir. Je lis aussi beaucoup Faulkner, ces questions de territoire imaginaire, et pour moi du face à face avec une mer non pas touristique mais presque agricole, c’est la matrice même du livre.

Aucune idée aujourd’hui de comment s’est faite la rencontre. J’ai acheté à Paris le San Clemente de Depardon. Peut-être à cause de ce film, balade en Afrique devenue carnet de voyage caméra en main. Dans San Clemente, des portraits en gros plan des patients de l’asile d’aliéné de Venise. Le livre procèdera par monologues, à chaque personnage étant attribué un des portraits de Depardon, qui n’en saura jamais rien.

On peut lire ci-dessus une grande partie de ce cahier, un Vertecchi rapporté de Rome, 65 pages utilisées sur les 100.

Le crime de Buzon paraît en septembre 1986, avec beaucoup de presse. Quand je croise Koltès, un peu plus tard, il me fait croire gentiment que je suis bien plus connu que lui. Mais ce sera aussi le mur : évidemment, si je parle de la prison, c’est que je connais tout ça de première main, n’est-ce pas...

Ci-dessus le rocher de la Dive, et ci-dessous des paysages entre Saint-Michel en l’Herm et la Dive, mais photographiés plus tard, en 2004. Les paysages utilisés de mémoire alors que je ne les avais jamais revus.

Bizarre pour moi de penser qu’il y a bientôt 30 ans de ça, et que chaque année depuis lors chaque année les éditions de Minuit ont continué d’en vendre entre 50 et 80 : à qui appartient un tel texte, alors ?

 


responsable publication François Bon © Tiers Livre Éditeur, cf mentions légales
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1ère mise en ligne 14 avril 2014 et dernière modification le 10 mai 2014
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