13.09.20 | une astuce pour ranger les villes

de l’idée de rassembler toute la population des villes sur de grands bateaux pour libérer la planète – source : Le Monde


1 _ COMPRESSION

Qui parmi nous n’aurait pas vu de ces navires boîtes, flottant géants sur les eaux touristiques, approchant précautionneusement les îles ou les villes pour la consommation de coquillages souvenir ou un peu de couleur locale ? La croisière était une industrie sûre. On emportait des artistes, des cuistots, on organisait les jeux et les bals. On proposait même de l’exercice physqiue à ceux qui voulaient tourner en rond sur les ponts en courant, et chacun en avait pour son argent, on raflait le reste au casino et tout allait pour le mieux. Les enfants offraient ça aux vieux parents ou bien ils se l’offraient eux-mêmes : n’était-ce pas la vie de rêve, tous considérés enfin à égalité sur la caisse à savon en lente translation sur les eaux bleues ? Et puis ça avait sauvé aussi les chantiers navals : sinon le commerce allait bien mal, pour les marchandises on se contentait de rafiots soudés là-même où on les immatriculait. Les paquebots de croisière supposaient encore, eux (mais pour combien de temps, et pendant combien de temps souhaiterait-on les voir toujours plus grands plus gros ?) l’artisanat spécialisé de nos pays de vieilles traditions – n’étaient-ce pas eux qui fournissaient aussi l’essentiel des clients ?

 

2 _ RENVERSE

Quand ils approchaient les villes côtières, les grands paquebots cubiques de croisières les surplombaient, les écrasaient. Pour les recevoir, on avait étiré les ponts, soulevé les quais, rasé les abords : il fallait des parkings, et que le commerce qu’en tirait la ville ne perturbe pas le commerce qui s’effectuait sur le paquebot lui-même. Qu’en revenant vite à bord, au bout de deux heures d’une visite expéditive de Venise ou Nice ou Fort-de-France, le client se sente en sécurité, et le rythme de ses heures et déplacements sans trouble. C’est de cela qu’était née l’idée : les seuls paquebots de croisière qui assuraient leur taux de remplissage, c’étaient les derniers nés, les plus modernes. Les autres, on les mettait vite au rebut. Alors on les avait amarrés près des villes, et on avait transféré la ville dans le bateau. Trois paquebots, et on avait réglé le problème de Venise. On pouvait laisser les gens partir dans la ville : les boutiques avaient été rachetées par la Compagnie, les itinéraires fléchés, les fenêtres repeintes sur les palais vides. Tant de choses on réglait de cette façon : un nombre ridiculement petit de ces bateaux à errer sur la mer ou posés le long des côtes, et on débarrassait progressivement la terre de l’ensemble de ses villes.

 

3 _ SOURCE

LE MONDE PLANÈTE


responsable publication François Bon © Tiers Livre Éditeur, cf mentions légales
diffusion sous licence Creative Commons CC-BY-SA
1ère mise en ligne et dernière modification le 20 septembre 2013
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