Brigitte Célérier | lire Abattoir 26

une lecture du texte-poème de Raymond Bozier sur "Paumée"


Je me permets de rependre à son blog Paumée, classique de nos classiques par ses déambulations dans Avignon, mêlant lectures, et constant renvoi d’information d’un site à l’autre (suivre twitter @brigetoun), cette première recension de Abattoir 26, texte dérangeant et pas facile d’approche, tant ce qu’il prend en charge – au plus direct, y compris dans la crudité de langue (mais d’autres avant lui, sans même parler de Guyotat) – est ce dont nous nous séparons dans ce que nous cherchons par les livres. Merci donc, Brigitte Célérier.

 

Paix, repos, n’y a rien à guetter...


Paix, repos, n’y a rien à guetter, sommes entrés dans des temps de paix, ne restent que conflits armés loin de nos murs, et ces petites sortes de guerres que l’on nomme paix, qui sont combats entre besoins essentiels de certains, désirs de beaucoup, possession de quelques uns, ou ces guerres que déclare aux uns, puis aux autres, au nom de valeurs excentriques (cette habileté à corrompre la langue, qu’ils ont !), celui à qui pouvoir a été donné, pouvoir fort limité pour la transformation, l’amélioration (ou il y faudrait une volonté, une intelligence du bien, une fermeté morale, une finesse que peu, et certes pas lui, possèdent), mais pouvoir consolant pour lui, pour qu’il puisse l’exercer, ce qui lui importe (et tant pis s’il prend conscience qu’il est là pour cela, programmé par ceux qui l’ont accepté comme des leurs), de destruction, de sape, ces guerres qu’il proclame et que reçoivent, en ricochet, ceux qui sont, de gré ou de force, parce qu’il est là, ses instruments, en notre nom. (et regardons cela avec honte navrée et grande impuissance).

Non, vous, vestiges d’autre temps (où les bandes qui venaient battre vos mur n’étaient plus que souvenirs, mais pas si anciens), si vous êtes là c’est parce que je vous ai remarqués, une fois encore, samedi, et parce que voulais parler de la lecture que j’ai faite dans la semaine, qui s’est poursuivie en moi, un temps, de « Abattoir 26 » de Raymond Bozier http://www.publie.net/fr/ebook/9782814503489/abattoir-26, en reprenant, simplement, y ajoutant juste quelques mots, ce que j’ai noté en émergeant de cette lecture :

Ce n’est pas encore un livre sur la guerre, comme trop il y en a, c’est à mes yeux un grand livre.

Toutes les guerres, de tous les temps (et même, mais juste en allusion, nos petites tensions dans la vie ordinaire déshumanisante) -

un abécédaire du pire : de A comme A.battoir à Z comme Z.eppelin (et le R. comme R.aser est vide, petite gaminerie dans l’horreur) – et n’y manquent peut-être que ces guerres oubliées dans des coins du monde qui ne viennent à notre connaissance que lorsque les puissances le désirent, mais le javelot y est, et la bombe..

toutes les formes, des imprécations, de la scatologie, des élégies, des exposés froids (ou presque), un bal à la caserne et quelques citations incorporées au texte pour que soient présents les aztèques ou Agrippa d’Aubigné et la Saint Barthélémy.

J’ai été emportée dans les 84 pages de notre enfer humain.

et cela dit (passages choisis avec retenue, et quasi bénignité)

« je vous fais griller

et vous aime à pleine bouche

et vous crache vos propres cendres à la figure

vous ne me voyez pas, vous ne m’entendez pas

je suis MORT (celui et celle) qui ne vous apprend

rien mais vous prend tout entier, je voyage au

milieu des bestiaux, dans les wagons du train

des guerres. Je suis le dieu tout puissant de vos

abattoirs, la forme extrême de vos délires.. »

ou

« et de tuer

et de hurler

hurlehurlahurlaithurlerahurleront

transformant changeant les

étiquetages

anthropophages MYSTIFICATEURS

tueurs à l’aveuglette

massacreurs à la machette,

bombardiers ronronnants »

ou

« L’assassin nous ressemble.

L’assassin tient à la vie.

L’assassin empeste l’humain.

L’assassin obéit à des lois qui ne sont pas celles du commun des mortels. »

ou

« les bombes atomiques ont enfanté l’avenir

et depuis nous sommes dedans

notre mémoire est dedans

fœtus recroquevillé

épouvanté

par le monde tel

que nous l’avons fait. »

ou doctement

« Chaque conflit, pour autant qu’il provoque des dégâts conséquents chez l’ennemi, aide le progrès. La guerre est aussi utile à la paix qu’elle l’est à la science, elle s’y développe comme un ver dans le fruit. Suffit de savoir pondre au bon moment, quand les fleurs s’épanouissent. »

J’en reste là, avant de me sentir par trop pilleuse, navrée comme toujours, mais le serais de toute façon, de mon choix qui ne donne pas idée de la variété extrême de ces textes, et de leur violence hurlée ou sous-jacente.

 

© Brigitte Célérier | Paumée


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1ère mise en ligne et dernière modification le 17 août 2010
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