Je donne ici un petit mode d’emploi pour faire un sommaire tel que celui que j’ai utilisé ici : #été 2023 | le livre pour l’oubli (titre provisoire) : sommaire
La doc wordpress en français sur les boucles de requête : https://fr.wordpress.org/support/article/query-loop-block/
Création du sommaire :
1. commencer par créer l’étiquette du projet
Pour avoir un sommaire ordonné selon la chronologie de l’atelier en cours, on commencera par créer une « étiquette » qui caractérisera son projet. J’ai créé l’étiquette « Matières d’oubli« . Il faut veiller à utiliser une étiquette qui n’existe pas déjà. Puisque la requête ira chercher tous les posts rangés sous cette étiquette. Il faut bien sûr ensuite attribuer cette étiquette à tous les textes concernés.
Peut-être aurais-je créer une étiquette plus impersonnelle, administrative, du style vemurom2023 (2 premiers lettres du prénom – 2 premières lettres du nom – 2 premières lettres de l’atelier – année)
La boucle de requête peut faire sa requête sur une catégorie, sur une étiquette, sur un mot-clé. Elle peut également se faire sur un auteur.
Dans le cadre de l’atelier Tiers Livre, la création de catégories étant réservée à l’administration du blog, il y a la possibilité d’utiliser les étiquettes.
2. création du bloc
2.1. création de la boucle
1. On commencera par insérer le bloc « Boucle de requête« ,
soit en passant par le raccourci Saisir « / » pour choisir un bloc et taper « Boucle de requête »
soit en appuyant sur le + sur la droite pour ajouter un bloc et en introduisant le terme « Boucle de requête »
2. Là, choisir le modèle « Partir de zéro«
3. Faire un choix, j’ai pris « Titre et date » (on changera de modèle plus tard)
Par défaut , on verra apparaître les 3 derniers posts du blog
2.2. premiers réglages du bloc
4. Passer maintenant à la requête proprement dite, cela se fait à droite dans les Réglages du Bloc (réglages à droite de l’éditeur texte)
Il faut préalablement avoir sélectionné le bloc Boucle en cliquant dedans jusqu’à voir apparaître un nouveau menu de réglages au-dessus du bloc. Cliquer alors sur la petite boucle :
5. Au niveau de ces Réglages du Bloc de droite, on règle l’ordre de la requête en passant par le menu déroulant ORDONNER PAR : Des plus anciens au plus récents ou par ordre alphabétique A-Z
Personnellement, j’ai choisi l’ordre alphabétique (A-Z) sur les titres et que j’ai formés selon la nomenclature en usage sur le site : #nom de l’atelier #numéro de l’atelier
exemple : #été2023 #00
Si on utilise l’ordre de publication des articles, Des plus anciens au plus récents, l’ordre sera celui de publication des articles et pourrait ne pas être celui des ateliers.
(je suis arrivée à l’atelier 7, les premiers ateliers seront publié ensuite)
6. Ensuite, on appuie sur le petit + de Filtres :
On sélectionne Taxonomies
(Les taxonomies apparaissent alors)
On choisira ETIQUETTES
On tape le nom de son étiquette qui doit apparaître
2.3. le nombre d’articles
Pour choir le nombre d’articles appelé, on revient sur la boucle, dans l’éditeur de texte, cela ne se passe pas dans les Réglages du bloc à droite.
On sélectionne le Bloc, en cliquant sur la petite boucle, et on clique sur les petites tirettes qui apparaissent au dessus du bloc:
Normalement on devrait pouvoir dans NOMBRE D’ELEMENTS PAR PAGE taper 0 pour sélectionner tous les articles, mais pour moi ça ne marche pas, j’ai dû taper 50 pour être sûre de les avoir tous.
2.4. mise en page
On va maintenant modifier un peu la présentation.
On sélectionne le bloc et on choisit cette fois de cliquer sur Remplacer :
J’ai sélectionné « Petite image et titre«
Voilà, je crois que c’est fini.
Créer un affichage du roman en cours
Les possibilités qu’offre la boucle de requête sont très nombreuses. On pourrait également créer un affichage de tous les textes, les uns à la suite des autres dans le bon ordre, du début à la fin, et avec une pagination si le projet est long.
Ca pourrait faire l’objet d’un autre petit mode tutoriel.
Et cela nécessiterait des ajustements à la css.
Ici, j’ai fait un affichage du texte complet de 3 articles de l’auteur C. Jeanney (j’espère qu’elle ne m’en voudra pas), sans l’image d’entête, sur la catégorie ###été2023 et avec une navigation.
Les dates indiquées sont celle de la publication et de celle de la dernière modification.
La colonne de texte on le voit est un peu plus étroite, trop étroite, ce qui serait à corriger via la css.
Roman été 2023 – C. Jeanney
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#été2023 #06bis | deux mille trois cent cinquante-deux chances
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Aucun doute, le jeu à gratter le plus rentable à Deux euros de cette série est le Black Jack avec ses Deux Mille Trois Cent Cinquante-Deux chances de décrocher ce gain sur Un million. Deux Huit Seize joués au tiercé chaque semaine. Deux huit seize, quels numéros, deux huit seize, pourquoi deux huit seize, elle répond Deux huit seize j’en ai rêvé j’ai rêvé que je gagnais, rêvé en Mille Neuf Cent Cinquante-Huit, joué Deux huit seize chaque semaine de Mille Neuf Cent Cinquante-Huit à Deux Mille Vingt-Deux (soit environ trois mille trois cent vingt-huit fois), la fin est floue, la fin du dernier deux huit seize est floue, le dernier deux huit seize coché tiercé quinté quinté plus n’est pas daté, on ne sait pas le jour exact, quel numéro de jour quel numéro de mois, quel chiffrement où elle cessa de jouer deux huit seize, de sortir deux huit seize, elle-même ne connaît pas ce jour pour deux raisons concomitantes, un : sa mémoire mie de pain mouillée part en tas en amas en îlots déformés, deux : ayant caché la vérité, n’ayant jamais avoué qu’elle ne sortait plus, ne l’ayant pas admis à voix haute devant personne, ne l’ayant pas constaté en son for intérieur de sa voix intérieure qu’elle fit taire, elle ne sait pas quel jour de fermeture, quel jour de porte fermée, quel jour dedans à ne plus bouger, quel jour elle ne passa plus la porte, utilisant le téléphone pour être livrée par l’employé de la supérette, utilisant le téléphone pour demander à la voisine de lui ramener une baguette, utilisant le téléphone pour expliquer à sa sœur à son fils sa fille qu’il faisait beau, qu’elle était sortie faire ses courses, la sœur habitant à deux cent trente-huit kilomètres, le fils habitant à neuf cent cinquante-huit kilomètres, la fille habitant à trois cent cinquante et un kilomètres ne pouvant pas vérifier voir de ses yeux voir la porte fermée et le perron où ses pieds ne se poseront plus. Le dernier deux huit seize à disparu sans laisser de gains. Elle dit Tu m’achèteras un truc à gratter. Puis elle enchaîne Tu sais que Josette (sa belle sœur morte il y a deux ans) vient de gagner cent mille euros ? (en fait a gagné cent mille francs dans les années quatre-vingt) Je suis sûre qu’elle a tout distribué à ses enfants, elle est tellement gentille Josette (gentille et incinérée), son mari Maurice vendait des bonbons, il était grossiste. Les données factuelles qu’elle m’expose sont à considérer avec prudence, les données temporelles et les données chiffrée sont les plus volatiles, les chiffres cela s’échappe, les chiffres on ne peut pas compter dessus, les chiffres du testament de Gaby – la belle-mère de mon père, ni nocive ni aimante, placée en maison de retraite, et nous allons la visiter deux fois par an, quand nous sortons de la chambre, de la salle, de la structure aux odeurs lourdes et suintantes, on me met à l’arrière de la voiture, le père conduit, toujours sobre, toujours silencieux après avoir revu Gaby, la mère se tourne vers moi, prend ma main, ma main d’écolière, ma main à la phalange du majeur tachée d’encre violette à cause du porte-plume, car je suis vieille assez pour avoir appris à écrire depuis le noir violet violent de l’encrier, et elle me dit Regarde-moi, Promets-moi, Promets-moi de ne jamais me mettre dans une maison de retraite, Je ne veux pas finir comme ça, Promets-moi, je n’ai pas répondu C’est un peu lourd ma mère, c’est un peu n’importe quoi ma mère, tu n’as pas de jugeote ni d’empathie, on ne peut pas demander à une enfant de six ans un truc pareil, un truc aussi montagneux, un truc aussi gouffre, un truc aussi colonne de marbre, on ne peut pas demander une promesse comme ça à une enfant de six ans, les enfants de six ans adorent les promesses, ils veulent des promesses, veulent tenir des promesses parce qu’une promesse c’est beau comme un cadeau, comme un secret, comme un conte et légende, on ne peut pas demander comme ça à une enfant de six ans une promesse de fin de vie, une promesse de mort à venir, une promesse d’arthrose et de dents jaunes et déchaussées, une promesse de plis autour des lèvres et de la bouches et les veines des mains violettes comme l’encre, des veines gonflées comme l’encre coule, des veines posées comme des lacets qui courent sur le dessus des mains, Qui voit ses veines voit sa peine dit ma mère quelques milliers de jours après cette promesse que je ne peux pas tenir (calculez vingt mille jours environ) – donc le testament de Gaby se vide de chiffres. C’est-à-dire que Gaby laisse de l’argent. C’est-à-dire que Gaby laisse des bijoux. C’est-à-dire que l’oncle Roland a fait sortir un jour Gaby de la maison de retraite, juste une sortie, juste un aller-retour d’une heure, peut-être une heure et quinze minutes, une heure et quinze minutes en tout, comptons vingt minutes de trajet à l’aller, vingt minutes au retour, vingt plus vingt égal quarante, soixante-quinze moins quarante reste trente-cinq, reste trente-cinq minutes à la banque, Gaby signe des papiers, vide son compte, son compte vidé est aspiré sur le compte de Roland en toute simplicité, toute efficacité, et lorsque Gaby meurt, ni nocive ni aimante, il ne reste aucun chiffre pas deux pas huit pas seize à se partager, c’est légal, elle avait toute sa tête, elle a signé, et par pure gentillesse entre les colères plurielles auxquelles je ne pige pas un iota, l’oncle Roland nous offre l’héritage de Gaby, une bague. Une bague avec cinq diamants minuscules. Je l’ai mise un jour. Les diamants minuscules se sont décollés avec la farine, la peinture et la terre. Puis j’ai perdu la bague, parce que je ne suis pas très attentive. Deux huit seize je m’en souviens, de la promesse de six-cents millions de tonnes à tenir sur mon doigt de six ans, sur ma main de six ans, sur mon poignet de six ans qui devait mesurer onze centimètres et demi de circonférence je m’en souviens. En fait je suis très attentive. Mais je perds des choses. Je perds des chiffres, je perds des énumérations, je perds Gaby et la bague et la voiture (une Peugeot deux-cent quatre, capot bleu clair), et je perds mon poignet de onze centimètres et demi, ma colère, ma fatigue, mes sentiments violets violents rentrés intacts, quand elle me dit, quand je viens la visiter, quand je traverse la salle commune avec tous les fauteuils roulants et toujours une petite dame qui demande si je ne suis pas Joëlle, quand je remonte le couloir jusqu’à la porte ouverte de sa chambre (elle dit Laisse ouvert comme ça je vois passer du monde), quand je glisse la chaise près de son fauteuil en évitant le fauteuil roulant qui prend tellement de place, quand je m’installe près d’elle, vérifiant que la sonnette est à sa portée, que la télécommande est à sa portée, que son talon cicatrise bien, que ses vêtements sont propres, que le sol est propre, que le matelas à air comprimé avec son boîtier rempli de cadrans chiffrés ronronne correctement au pied du lit, regardant très vite la pendule quatorze heures dix, calculant à l’avance qu’autour de quinze heures trente je me lèverai et reviendrai m’asseoir à cet endroit six jours soit cent quarante quatre heures plus tard, jetant un œil aux photos sur l’appui de fenêtre (mon père, partout mon père) et me penchant pour voir le ciel toujours beau, toujours changeant, toujours clair, toujours apaisant, toujours doux avec moi car ne m’ayant jamais contraint à quoi que ce soit, un ciel toujours vaste, réparateur, synonyme d’étoiles cachées, de merveilleux trous noirs, de kilomètres impossibles à compter décompter, j’aime ce moment exact où les chiffres ne servent plus à rien, connards de chiffres bande d’épiciers vous êtes bien attrapés, bref une fois assise je prends ses mains, j’entoure ses veines violettes avec les paumes de mes mains chaudes, et elle me dit Heureusement que tu es là.
J’ouvre mon sac, je dis Je te ramène des tickets de je ne sais pas quoi je n’y connais rien j’ai demandé conseil au buraliste à gratter. On va être riches ! Elle rit en se balançant vers l’arrière (c’est le signal, et elle commence sa litanie revisitée du monde passé mélangée au présent de la seconde présente de la minute présente) : Je t’ai dit que Josette a gagné le gros lot ?
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#été2023 #07 | charles trenet
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Il n’existe pas de photos de ma mère enfant, ma mère aux mains violettes, et je sais ce que ça veut dire, ça veut dire prolétaire, ça veut dire pas le temps pas les moyens de prendre un moment pour photographier, pas d’appareil, pas d’occasion, pas de volonté de garder ce qui ne peut pas se conserver parce qu’on passe trop de temps à chercher ce qui tient au corps, comme le poulet du dimanche ou les légumes ou les lessives ou les virées du samedi soir que son père Mariano fait aux courses (le trois quart cuir, les poches pleines de bonbons, les amis italiens, il ne buvait jamais la semaine mais le samedi son estomac trinquait).
Il n’existe pas de photos de ma mère enfant, pas de mollets ronds, pas de queue de cheval ou de petite robe de coton, elle n’a jamais aimé les robes. Je lui ai pris deux pantalons, elle chipote sur la taille car elle se croit plus fine qu’elle n’est, je lui montre, elle tâte, déplie, retourne, De la bonne qualité dit-elle, puis je les lui reprends pour les déposer à l’accueil où ils seront marqués à son nom et au nom de l’ehpad comme dans une colonie de vacances.
Des photos de ma mère fiancée, des photos de ma mère jeune mariée, à une fenêtre elle fait signe, dans une barque elle penche la tête, bras-dessus bras-dessous elle marche avec quatre autres, bras levés au-dessus de la tête dans le transat elle enfonce ses pieds dans le sable. C’est bon pour la circulation du sang, je l’ai lu (c’est ce qu’elle dit).
Pas de photos de sa chute, se relever, impossible, et la sonnerie du téléphone éperdument (c’est moi), pas de photos des heures passées par terre sur le carrelage à se traîner, atteindre la table basse puis les pieds de la banquette et rester là, le dos contre un coussin qu’elle a tiré, pas de photo de la voisine qui entre (avec un double des clés) et qui lui dit Vous êtes tombée ? et elle qui répond Non. Pas de photos de ses mensonges, pas de photos de ses dénégations, ou bien pas de photos de sa volonté de se dire debout, d’être debout, de rester debout même étalée au sol en vrac.
Une radio de son col du fémur existe quelque part, à l’étage, dans les archives de l’établissement. Quand on y pense deux secondes c’est étrange. Une radio, une image, une photo interne de son corps existe. L’os y est cassé. On reconnaît le début de la civilisation, dit l’anthropologue, à l’os brisé puis réparé que l’on retrouve. Le début de nous, c’est le soin. Le début du soin, c’est elle. Elle s’affole, elle m’assoit, me caresse le dessous des pieds pour enlever les miettes de verre fichées sur ma peau rose, sur les vieilles photos j’ai une peau rose, des mollets ronds, une robe à smocks, je la déteste, elle gratte, j’ai toujours détesté les robes.
Je ne sais plus comment était la marche de ma mère adulte, ma mère adulte quand elle marchait. C’est étrange, maintenant là tout de suite j’ai oublié sa marche, sa façon de marcher. Et puis je me souviens qu’elle va toujours de travers, marcher avec elle sur un trottoir est impossible, en quelques mètres elle vous pousse vers le mur ou vers la route, on doit faire funambule sur l’arête du trottoir pour rester auprès d’elle, ou bien passer derrière (pour éviter de s’arracher le bras sur le crépi) ou bien accélérer et puis l’attendre, qu’est-ce que c’est que cette mère qui ne marche pas, qui ne sait pas marcher et qu’est-ce qu’on fait d’une mère qui tombe, tiens cette question Que faire d’une mère qui tombe ? je demande à Google = « que faire d’une mere de vinaigre, que faire d’une mère qui tombent, comment agir en cas de chute ? Restez calme et respirez profondément afin de vous détendre », cette machine est de bon conseil.
Je respire. Elle non. Elle a sa tête d’oiseau inquiet qui regarde par la fenêtre sans voir, qui regarde sans rien voir, des mouvements du menton et quand ses yeux se posent ça va très loin, loin derrière moi, loin au-delà de moi, je parle, je raccroche ses yeux à ma voix, je dis ce qu’elle m’a répété vingt fois en cinq minutes pour qu’elle me le redise vingt et une fois et que ses yeux se réactivent, qu’est-ce que c’est que cette mère à rattraper comme la queue du mickey dans un manège — je pose des questions rhétoriques. Quelquefois, même la sidération étonne.
Je fais des parenthèses parce que ça me repose, ça me fait respirer (« Essayer de vous détendre. Cela vous évitera d’agir dans la précipitation. Ensuite, bougez vos bras et vos jambes, pour vérifier que vous n’êtes pas blessé(e) ») .
Dans la chambre de la résidence autonome (avant l’ehpad, un séjour court qu’elle a littéralement gommé de son cerveau), je la soulève pour passer la couche entre le drap et elle, et dans le même mouvement j’écarte la couche usagée, glissée, roulée, jetée, j’ai le bon geste, comme quand mes enfants babillaient, ces inversions à faire sont incroyables. J’ai quand même noté que son corps nu est dodu, et sa peau presque pas ridée, et ses pieds nus ont bien sûr conservé ces orteils repliés au repos, toujours repliés au repos, ce qui leur donne un aspect crispation, comme si elle rétractait ses membres sous le froid mais non, c’est juste que toute petite ses chaussures n’étaient pas à sa taille et ça a déformé ses pieds, c’est ce qu’elle m’a toujours dit, je la crois. Je crois tous ses mensonges qui sont ses vérités actives, ses vérités alternatives, elle goûte les versions différentes d’un même fait, choisit celle qui l’arrange, comme dans les Exercices de style de Queneau sauf que son répertoire est resserré, il n’y en a pas quatre vingt dix-neuf, elle fait comme l’éditeur que Queneau n’a pas eu et qui aurait reçu le manuscrit et dit Je prends la version douze, rayez moi toutes les autres, elle est comme ça. Tant pis si les autres versions sont plus réalistes, plus réelles, plus charnelles. Même son corps elle l’invente. Elle ne s’est rien cassé, elle a la taille très fine et elle se sent capable de marcher, Oui je pourrais marcher, je m’en sens capable, Tu vois (les yeux dans les miens, profond) C’est parce que j’ai peur. Qu’est-ce qu’on fait d’une mère qui a peur, je ne sais pas et je n’ose pas le demander, ni à Google ni à personne.
Mais je lui tiens les mains. Sans interruption. Je fais glisser la chaise jusqu’à son fauteuil et là, genoux contre genoux, les siens qui ne vont plus, les miens rigides car j’ai la volonté d’être tonique, je lui tiens les mains, les deux mains. Elle porte trois bagues. L’alliance de mon père et la sienne aux deux annulaires, et au majeur sa bague de fiançailles qui coûtât à mon père un mois de salaire, elle me l’a dit vingt fois, un mois de salaire, elle me l’a dit deux ou trois fois depuis qu’elle est ici aujourd’hui en ce moment, l’étiquette de son nom floquée à son vêtement, donc des dizaines de fois à multiplier par le nombre de mes visites, elle me l’a dit des dizaines et des dizaines de fois depuis la mort du père, je fais un calcul approximatif, vingt-huit fois quatre-vingt plus six fois douze, plus un peu de rab pour me rapprocher du total correct, mon estimation est de deux mille deux cent soixante-dix fois, elle me l’a dit deux mille deux cent soixante-dix fois (que la bague coûte un mois de salaire), C’est sa maladie qui veut ça, m’a dit le docteur, Combien de fois il faudra que j’te le dise pour que ça rentre, tête de linotte ? m’a dit madame Lavieille, l’institutrice qui portait bien son nom, combien de fois ? je ne sais pas, je tiens ses mains.
Ses cheveux sont aplatis derrière, presque râpés. Comme les bébés, à force que le crâne frotte trop souvent le tissu, l’oreiller, dans son cas le fauteuil. Elle me demande si elle est bien coiffée, je dis Oui. Elle me dit qu’à table (au réfectoire, qu’on appelle ici restaurant) un homme lui a fait des avances. Elle rit. Non mais, qu’est-ce qu’il croit celui-là ? Je tiens ses mains.
J’ai ta main dans ma main Je joue avec tes doigts J’ai mes yeux dans tes yeux Et partout l’on ne voit Que la nuit, belle nuit Que le ciel merveilleux Qui fleurit, tour à tour, tendre et mystérieux Viens plus près, mon amour, ton cœur contre mon cœur Et dis-moi qu’il n’est pas de plus charmant bonheur Que ces yeux dans le ciel Que ce ciel dans tes yeux Que ta main qui joue avec ma main
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#été2023 #07bis | SAS
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Je n’ai pas assez parlé de cette odeur. Pause cigarette sous l’escalier de secours, deux femmes en blouses jaunes. Dépassé l’arrondi des pavés sur le parking, le rond point inutile que ça fabrique puisqu’on roule tout droit pour se garer. Toujours à la même place. Numérotée 19. Devant le grillage, le champ. D’un côté un gaura malade, de l’autre le champ. Fermer la voiture et marcher, longer. Les fenêtres basses. Puis le sas. Le sas contient l’odeur, la repousse, la retient, ne permet pas qu’elle sorte. Dans le sas qui contient l’odeur après lui, une scène éphémère, comme des santons à noël, un chapeau de paille l’été avec une bouée, un petit parasol qui porte des lunettes de soleil, à pâques des paniers et des œufs, à la fête des mères des cœurs en carton. Déjà la transparence, déjà les portes coulissantes vitrées, et déjà les fauteuils, fauteuils roulants. Le bruit quand j’entre. Cette odeur, je n’en ai pas assez parlé. Dans les visages affaissés, sans cou, dans les têtes tombées sur les épaules, dans l’homme devant une table, les bras croisés sur la table, la tête posée sur ses bras croisés, le visage dans les bras, le visage collé contre ses bras. Les bonjour dans l’odeur, les réponses, aidez-moi s’il vous plaît, Joëlle ? et la même trajectoire en diagonale pour saluer, se présenter, demander s’il y a du neuf, prendre le courrier s’il y en a, il n’y en a pas. Nous sourions, car nous sommes polis. Il faut mettre un peu de politesse, un peu de soin social, un peu de cordialité au milieu de ce temps de l’odeur. Une autre trajectoire ensuite, toujours la même, entre les groupes, groupes informels, posés là par hasard, arrivés par hasard, assemblés là par l’illogisme du contexte et des coïncidences, et si deux ou trois personnes parlent ensemble c’est insolite. Parler ici n’est pas ce qui se fait le mieux. Le code secret pour repartir. L’odeur m’accompagne un peu. Je souffle. Je souffle tellement. Je souffle tout. Je souffle sa tête tombée sur son épaule et son visage éteint. Je souffle, je respire ses cheveux avec inquiétude, je souffle l’inquiétude, et quand je repars l’inquiétude reste, par fragments, flagrances, effluves, tous ces beaux mots pour dire les lambeaux de soi qui flottent, derrière, au-dessus, au-dedans.
waou…dès que j’ai du temps, je m’amuse avec…merci très!
De rien !! N’hésite pas à me poser des questions !!
Merci beaucoup, c’est précieux, j’ai imprimé, mis de côté, pour le jour où…
De rien, de rien ! J’ai fait encore quelques modifs, j’espère n’avoir pas trop alourdi…
Enfin, n’hésitez pas à me poser des questions via les commentaires.
Voilà une belle aide pour manier WordPress un peu plus facilement. Je l »imprime . Grand Merci Véronique. Je manque de temps en ce moment , mais j’utiliserai votre procédure pour mettre en forme mes contributions du cycle d’été. C’est bien mieux que des PDF qu’on accumule dans le disque dur.Bon mois d’Août à vous.
Bon mois d’août à vous aussi Marie-Thérèse !
Demain, j’attaque ! (Enfin j’essaye…). Tout lu mais à refaire pas à pas
J’ai presque l’impression de comprendre. À voir en vrai 😉
Déjà un grand merci