#été2023 #02 | un intérieur habité

Les yeux se noient d’abord dans cet étalage au sol de deux motifs, noirs et blancs, carreaux minuscules, recommencés, s’étalant à l’infini s’ils n’étaient arrêtés par des murs de part et d’autre, et des portes, faisant de ce premier espace un long couloir. Le regard se tourne alors vers la droite, puisqu’un autre petit couloir apparait dès l’entrée, comme un Continuer la lecture#été2023 #02 | un intérieur habité

véronique müller #été 2023

  • #été2023 #10 | non-écrite

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    soir
    que suis-je non-écrite, que suis-je ? que sais-je, que sens-je, le sais je ? que voudrais-je ? déjà l’utilisation du  je dégage d’une glaise où rien ne semble s’affirmer, qui pourtant existe, vit, dont rien n’indique qu’elle prenne jamais l’entonnoir d’aucun je. de quelle sorte de mal, atteinte, opposé à quel bien, et puis dans quel endroit du corps où se confond sentiment et sensation, et de quelle latence, dans l’attente de quelle frappe ? de quelle étreinte  de quel coup  quelle maladresse  ou caresse, quelle attente inarticulée. qu’est ce qui s’inarticule. se malaise, s’écrase,  s’oublie. quelle fatigue. y a-t-il quelque douleur ? ce non-écrit. couchée sur le côté j’enfonce l’os de l’œil dans une bosse de l’oreiller, tout va bien aller, de la hanche dans le matelas. s’éteindre. l’os frontal,  l’arcade sourcilière, l’os zygomatique sont de bons os. la hanche propre à s’enchanter.  exit.

    nuit
    en vérité tu ne sais pas ce que fait l’auteur pendant que tu n’es pas écrite, je crois que tu as raison de prendre la plume à ton tour. tu t’es levée, le plancher craque, l’obscurité n’est pas profonde et tu te demandes pour combien de personnes au monde à ce moment-là, le monde se tient tout entier dans le bruit d’un plancher qui craque et dans l’obscurité factice d’une nuit de ville. rien n’indique que celle qui t’écrit pourrait jamais l’éteindre d’aucune autre manière, ce qui à ce moment là te lève, à moins qu’elle ne te file un anxyolitique et bye bye. et la voie royale des rêves. laisse l’auteur tranquille à sa mère qui meurt et qui n’en dira rien de plus. à sa mère qui meurt, tu répètes, en son honneur. 

    (toi, tu n’as pas le doute des virgules tu as le doute d’être jamais d’aucune façon entendue et tu as le rythme régulier de l’écriture dans la peau. ce moment où le rythme vient à primer sur le sens. où les mots impriment leur frappe leur cliqueticlac dans le corps, dans le corps d’avant, d’avant toute désignation scientifique. d’avant toute désignation scientifique ou amoureuse, ajoutes-tu. pourtant tu es celle dont se soucie celle qui t’écrit, tu le sais, celle qui t’écrit et te rate.) 

    là, à défaut de savoir quoi faire après avoir écrit 2, 3 phrases debout dans la peu noire nuit, tu t’es assise en tailleur, tu fermes les yeux et te résous à être le corps que tu es,  corps aux pensées parasites. tu fais le même geste alors que celle qui t’as faite qui t’as défaite, l’écrivaine, tu écris, ton nez coule, c’est en vérité celui de la mère de celle qui t’écrit, qui te contamine, il te semble une fois de plus une fois encore n’être rien de plus qu’un corps, un corps fort solitaire dont tu as fortement l’impression que celle qui t’écrit, l’auteure, n’écrirait pas grand chose de plus à moins qu’elle n’ait pas encore donné sa mesure, ce qui ne risque probablement pas, tu t’es mouchée. tu feras dans le noir des mouvements inspirés du  tai chi, tu n’auras plus d’autre désir que celui d’alourdir encore tes épaules, et que cela suffise amplement, ralentir encore ton geste pour te souvenir alors de très loin que tu as rêvé justement de l’un de tes profs de tai chi, tu es une algue bougée dans le miracle d’un corps sans intention, elle fait les mouvements qui n’appartiennent qu’à la nuit même frelatée. cela s’appellerait danser ou vivre. ou guérir. cela prend du temps, cela ne s’arrêterait pas. cela aurait lieu dans plusieurs endroits du monde. la beauté humaine, la rareté. l’attention le poids. tu te l’es donné à toi-même tu l’as reçu pour très longtemps ça ne cesse et tu espères le donner à ton tour même si tu ne sais comment. celle qui écrit aurait aimé être avec sa mère, peut-être que toi tu l’as été.  

    rejoindre le sommeil maintenant.  

#été 2023 #08 | de ce côté-ci du monde (1) (2) (3)

Dans le même espace-temps disons, il y avait une femme (appelons-là D. par convention) (pour fixer les idées) qui elle aussi avait quatre enfants (comme si les idées pouvaient se fixer). Sûrement contemporaines. D. et elle ne se connaissaient pas, mais l’une comme l’autre étaient ce qu’on appelle femme au foyer. Il ne s’agit pas d’une profession, puisque l’activité n’est Continuer la lecture#été 2023 #08 | de ce côté-ci du monde (1) (2) (3)

#été2023 #08 | le mouchoir de coton blanc

Camille replie ses vêtements et les empile sur une étagère de l’armoire en chêne sombre. Comme prêts à reprendre leur place dans le sac à dos. Sur la tablette inférieure elle aperçoit un mouchoir de coton blanc ourlé de dentelle, repassé et plié soigneusement. Elle en caresse le tissu jauni par endroit, s’attarde sur la broderie tissé en relief par Continuer la lecture#été2023 #08 | le mouchoir de coton blanc

#été 2023 #9 l repérages

L’odeur puissante et le bruit n’ont rien à voir l’un avec l’autre. (D’ailleurs, il se peut que ce soit à l’origine de mon appétit pour ces images qui s’écartent de la bande-son, ou de ces voix off qui ne commentent pas ce qui est montré.) Une fois qu’on a en main ces trois prototypes, une suite de visuels, des sons, Continuer la lecture#été 2023 #9 l repérages

#été 2023 # 9bis | Faire bouger le temps

La maison de Gaspard était à étage, étroite, serrée entre deux autres maisons plus larges et beaucoup plus hautes qui semblaient la soutenir et la protéger. Je disais en riant à Gaspard que sa maison n’avait pas de toit, car on ne le voyait de nulle part, ni de la rue ni du trottoir en face même en se mettant Continuer la lecture#été 2023 # 9bis | Faire bouger le temps

#été 2023 #9bis | La méprise

De dos, il ressemble tellement à l’ancien directeur que mon cœur fait un bond dans ma poitrine et un élan de joie met aussitôt mes jambes debout prêtes à courir vers lui. Même veste serrée, même carrure, le même manque de cheveux sur la partie arrière de son crâne, le dos légèrement vouté comme à son habitude. Il est revenu, Continuer la lecture#été 2023 #9bis | La méprise

#été2023 # 08bis l cette porte de garage-là

Il y a cette porte, cette porte de garage, une porte blanche en bois peint. Une porte rudimentaire, à la clenche ancienne, une simple clenche de fonte noire. Il y a cette porte. Pendant longtemps cette porte ne représente rien. Ni pour la mère, ni pour le père, ni pour la petite fille. Pendant longtemps cette porte de garage n’est Continuer la lecture#été2023 # 08bis l cette porte de garage-là

#été 2023 #9bis | la maison sur la place

Elle est là la maison, sur cette coupure de journal jauni trouvée dans un tiroir, ou du moins un bout de la maison, le coin avec un morceau de fenêtre aux volets fermés à chacun des deux étages et la grille peinte de clair, à côté du café qui est l’objet de la photo, au dessus du titre d’un article Continuer la lecture#été 2023 #9bis | la maison sur la place

#été2023 #07 | corps à rebours

Cérémonies secrètes C’est comme un puzzle. Des images, des détails, des objets. Comme si à partir d’eux il fallait reconstruire une histoire qui n’est écrite nulle part. 1 Ça y est. le corps a disparu. pour de bon. 2 ils ferment le cercueil. comme un rituel. des gestes artisans et sacrés. le bruit seul des vis, des outils, objets devenus Continuer la lecture#été2023 #07 | corps à rebours