#été2023 #02 | un intérieur habité

Les yeux se noient d’abord dans cet étalage au sol de deux motifs, noirs et blancs, carreaux minuscules, recommencés, s’étalant à l’infini s’ils n’étaient arrêtés par des murs de part et d’autre, et des portes, faisant de ce premier espace un long couloir. Le regard se tourne alors vers la droite, puisqu’un autre petit couloir apparait dès l’entrée, comme un Continuer la lecture#été2023 #02 | un intérieur habité

véronique müller #été 2023

  • #été2023 #07bis | je me rends  compte que je n’ai pas assez parlé de l’odeur

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    Le corps est moite et étalé.
    La nuit est longue sans l’être jamais vraiment assez.
    Est-ce qu’il ne faudrait pas que tout s’arrête.

    Est-ce ce que tout ne s’arrête jamais assez.
    Est-ce que la nuit ne manque pas toujours d’être noire. 

    Le corps est moite dense et étalé.

    Je me rends compte que je n’ai pas assez parlé de l’odeur. De cette odeur, comme ce cœur, comme ce corps perdu. Je n’ai pas assez parlé du corps comme odeur. Du corps comme volatilité, comme humeur. Du corps comme convoquant l’attrait immédiat ou le dégoût définitif. Comme le font les odeurs.

    Non plus que je ne vous ai dit déjà que je perdais tout.

    Que l’odorat est un sens qui se laisse éteindre. Dont la perte, qui pourrait s’apparenter à un refoulement, remonte à la toute petite enfance.

    C’est que je n’ai encore parlé de rien.

    Peut-être d’ailleurs ne s’agit-il pas tant de l’odeur, même si celle qui règne ici est particulière, que du nez.

    De cet organe de l’olfaction qui concourt grandement à la respiration ainsi d’ailleurs qu’à la phonation. De cet organe subtil, filtre du dehors et du dedans. De cet organe de la subtilité et de la discrétion. 

    (Je ne parle plus du tout du corps cheval d’hier. Je suis dans une autre nuit. Je parle, je veux parler maintenant d’un corps plus récent, d’un corps acquis.)

    C’est un organe, le nez, qui ne cesse de fonctionner mais qui peut fonctionner moins bien. Qui ne requiert nullement notre attention pour fonctionner, comme souvent d’ailleurs quand il s’agit  du corps. Dont les filtres peuvent s’encrasser, se boucher. Et c’est un organe qui sait se restreindre, s’empêcher. On dit que les oiseaux dans les villes sont obligés de chanter plus fort. Je crois que le nez est obligé lui de sentir moins fort, de respirer moins fort. Et ça ne serait pas seulement la puanteur des gaz des villes qui l’y obligent, mais également une méfiance un mépris un déni du corps dans nos sociétés. De longue date. C’est de longue date que nous avons opté pour la mesure. Tandis que l’odorat est certainement primitivement lié à l’amour au désir au sexe. L’odeur est une manifestation du corps qui le dépasse, qui l’excède, qui empiète sur le corps de l’autre, qui le pénètre. Qui remet en cause son statut d’enveloppe, qui le troue. C’est instantanément qu’une odeur provoque enchantement ou dégoût. Ça paraît très peu dialectique. Émanant d’un corps ça s’adresse au corps y provoquant un affect immédiat. C’est j’aime ou j’aime pas.

    Alors tout de même, je voudrais évoquer une odeur particulière, celle du « parfum subtil de la rose », qui n’est pas celle qui règne ici mais que je propose à l’imagination de votre nez. Rejoignez-moi dans le noir, soyez allongé, que ce soit le cœur de la nuit, et respirez comme si  vous respiriez le « parfum subtil d’une rose ». C’est mieux d’avoir les yeux fermés. Et observez ce qui se passe dans votre nez  à l’évocation de ce parfum subtil, dans ce type d’inspiration. Observez comment vos cavités nasales se contractent, en même temps qu’elles sont parcourues d’un gonflement léger qui accompagne le passager nuageux de l’air. Respirez ainsi quelquefois, en étant attentif à la remontée de l’air jusqu’à la racine du nez, et puis ressortir. La respiration ralentit et l’on explore véritablement ces grottes du nez qui deviennent immenses en même temps que ça résonne dans tout le corps. Et ce sont ces résonances, le transport intérieur de cet air, de ce nuage, qui est extraordinaire. Enfin, je doute bien sûr que ceci puisse se communiquer  par écrit. Cet apprentissage qui fut celui d’un maître pas très vieux ni très chinois, c’est ce qui m’a permis de sortir de la schize susdite celle de l’image du corps et du corps, qui m’a permis de détacher le corps de l’image  et de lui donner une dimension propre, habitable, réelle, ainsi que de traiter la schize du gouffre entre les nominations, les qualificatifs du corps et le corps même. Ce qui est dit ici s’adresse directement au corps, l’affectant. Je suis bien consciente que j’en dis ici trop peu, mais j’aurai peut-être l’occasion d’y revenir. Penser au parfum subtil de la rose à un effet réel immédiat sur le corps. Les effets alors observés, appartiennent à la sensation et pénètrent un corps jusque-là opaque. L’intérieur du corps n’est plus celui de l’horreur qu’évoque la tête arrachée du cheval, au bord de l’absence de laquelle j’ai dit que je vivais, comme au bord d’un volcan empli d’une lave noire et silencieuse.

    Par le parfum subtil, sa seule évocation, je suis rentrée dans le volcan. Et tout s’est apaisé. J’avais trouvé un lieu où vivre (et/ou passer mes nuits).

    Ce qui s’est observé, vous le retrouverez sautant d’un bus en haut d’une montagne, vous sautez, vous êtes face au panaroma, face au panorama, et ça vous saute au nez, le corps passe à autre chose, ralentit, les veines gonflent, ça jubile. C’est surtout que vous avez rouvert nos narines, ça s’est répercuté partout dans le corps, ces petites bulles d’air, champagne, on n’y prête pas attention, mais dès qu’on y prête attention, elles se multiplient, le corps est attentif aux attentions qu’on lui porte.

    Dans l’amour aussi, le désir. Observez la palpitation du nez. Ou la colère, et sa moutarde qui monte au nez.

#été 2023 #08 | de ce côté-ci du monde (1) (2) (3)

Dans le même espace-temps disons, il y avait une femme (appelons-là D. par convention) (pour fixer les idées) qui elle aussi avait quatre enfants (comme si les idées pouvaient se fixer). Sûrement contemporaines. D. et elle ne se connaissaient pas, mais l’une comme l’autre étaient ce qu’on appelle femme au foyer. Il ne s’agit pas d’une profession, puisque l’activité n’est Continuer la lecture#été 2023 #08 | de ce côté-ci du monde (1) (2) (3)

#été2023 #08 | le mouchoir de coton blanc

Camille replie ses vêtements et les empile sur une étagère de l’armoire en chêne sombre. Comme prêts à reprendre leur place dans le sac à dos. Sur la tablette inférieure elle aperçoit un mouchoir de coton blanc ourlé de dentelle, repassé et plié soigneusement. Elle en caresse le tissu jauni par endroit, s’attarde sur la broderie tissé en relief par Continuer la lecture#été2023 #08 | le mouchoir de coton blanc

#été 2023 #9 l repérages

L’odeur puissante et le bruit n’ont rien à voir l’un avec l’autre. (D’ailleurs, il se peut que ce soit à l’origine de mon appétit pour ces images qui s’écartent de la bande-son, ou de ces voix off qui ne commentent pas ce qui est montré.) Une fois qu’on a en main ces trois prototypes, une suite de visuels, des sons, Continuer la lecture#été 2023 #9 l repérages

#été 2023 # 9bis | Faire bouger le temps

La maison de Gaspard était à étage, étroite, serrée entre deux autres maisons plus larges et beaucoup plus hautes qui semblaient la soutenir et la protéger. Je disais en riant à Gaspard que sa maison n’avait pas de toit, car on ne le voyait de nulle part, ni de la rue ni du trottoir en face même en se mettant Continuer la lecture#été 2023 # 9bis | Faire bouger le temps

#été 2023 #9bis | La méprise

De dos, il ressemble tellement à l’ancien directeur que mon cœur fait un bond dans ma poitrine et un élan de joie met aussitôt mes jambes debout prêtes à courir vers lui. Même veste serrée, même carrure, le même manque de cheveux sur la partie arrière de son crâne, le dos légèrement vouté comme à son habitude. Il est revenu, Continuer la lecture#été 2023 #9bis | La méprise

#été2023 # 08bis l cette porte de garage-là

Il y a cette porte, cette porte de garage, une porte blanche en bois peint. Une porte rudimentaire, à la clenche ancienne, une simple clenche de fonte noire. Il y a cette porte. Pendant longtemps cette porte ne représente rien. Ni pour la mère, ni pour le père, ni pour la petite fille. Pendant longtemps cette porte de garage n’est Continuer la lecture#été2023 # 08bis l cette porte de garage-là

#été 2023 #9bis | la maison sur la place

Elle est là la maison, sur cette coupure de journal jauni trouvée dans un tiroir, ou du moins un bout de la maison, le coin avec un morceau de fenêtre aux volets fermés à chacun des deux étages et la grille peinte de clair, à côté du café qui est l’objet de la photo, au dessus du titre d’un article Continuer la lecture#été 2023 #9bis | la maison sur la place

#été2023 #07 | corps à rebours

Cérémonies secrètes C’est comme un puzzle. Des images, des détails, des objets. Comme si à partir d’eux il fallait reconstruire une histoire qui n’est écrite nulle part. 1 Ça y est. le corps a disparu. pour de bon. 2 ils ferment le cercueil. comme un rituel. des gestes artisans et sacrés. le bruit seul des vis, des outils, objets devenus Continuer la lecture#été2023 #07 | corps à rebours