
et s’il était temps de ramener la littérature à sa source ?
AUX DÉJÀ AMIS ET ABONNÉS OU DE LA LITTÉRATUBE :
– se référer à ma récente vidéo pour les désespérés seulement, sur comment m’est parvenu ce texte ;
– ma proposition : on est le 20 décembre, disons qu’avant le 10 janvier je reçois par mail tous vos extraits vidéos d’un vers, d’un passage, d’un syntagme, voir d’un seul mot de ce texte, au format que vous souhaitez — visuel : de préférence vous lisant ;
– il n’y a pas de limitation au nombre d’envois (y compris d’un seul mot), on utilisera les doublons pour des polyphonies, merci de vous atteler à tel ou tel vers indépendamment de votre compréhension ou vos affinités, et si possible rajouter en bout de vidéo le mot bombe et autres onomatopées présentes dans le texte, et dont il nous faudra quantité certaine ;
– les 23 et 24 janvier, au C19 d’Evry, où je suis en résidence avec l’association Préfigurations (coordination Franck Senaud), nous réalisons et lançons un montage présentant l’intégralité de cette version française du texte de Gregory Corso, à partir de tous les éléments envoyés –– n’hésitez pas à envoyer dès que vous pouvez, on fera des teasers !
– cette traduction de Jean-Jacques Lebel est parue chez Denoël en 1965, avec une préface d’Alain Jouffroy, le livre est désormais indisponible, mais quelques exemplaires circulent sur le marché de l’occasion — nous les remercions de leur bienveillance pour cette ré-activation ;
– la ressemblance calligrammatique de ce poème à l’apparence d’un champignon atomique n’est pas un hasard ;
– Bomb a été écrit en 1958, la même année donc que Gasoline, on signale la récente traduction par Blandine Longre du recueil de 1960 The happy birthday of Death ;
– remerciements personnels (voir la vidéo) à Bruno Lalonde et Yan St-Onge :
– image haut de page : Gregory Corso en 1979, droits réservés.
ont répondu et participé
Julien d’Abrigeon _ Gracia Bejjani _ Annick Brabant _ Delphine Bretesché _ Françoise Cahen _ Piero Cohen-Hadria _ Brigitte Célérier _ Juliette Cortese _ Gwen Denieul _ Claude Enuset _ Azélie Fayolle _ Pierre Guéry _ Bruno Lalonde _ Mélanie Leblanc _ Pierre Ménard _ Michel Meyer _ Thérèse de Paulis _ Nathanaëlle Quoirez _ Marine Riguet _ Yan St-Onge _ Catherine Serre _ Nicolas Tardy _ Jérémie Tholomé _ Vincent Tholomé _ Martine Tollet _ Milène Tournier _ Nicolas Vermeulin _ Anne Versailles _ Nathalie Yot
rappel : ça avait commencé comme ça
Gregory Corso | Bombe
BOMBE
Rumeur de l’histoire
Frein du temps Toi Bombe Jouet de l’univers
Le plus grand de tous les ciels-accrochés Je ne peux te haïr.
Est-ce que je hais le méchant éclair la mâchoire d’un âne Le club cahoteux
d’un million d’années avant Jésus-Christ masse fléau hache Catapulte Vinci
tomahawk Cochise fusil à pierre Kidd poignard Rathbone Ah ! le triste revolver désespéré
de Verlaine Pouchkine Dillinger Bogart Et Saint Michel n’a-t-il pas une épée enflammée Saint Georges
une lance David une fronde Bombe ta cruauté est fabriquée par l’homme et tu n’es pas plus cruelle que
le cancer Tous les hommes te haïssent ils préfèrent l’accident d’automobile la foudre la noyade La chute
d’un toit la chaise électrique la crise cardiaque la sénilité la sénilité Oh ! Bombe Ils préfèrent crever
par n’importe quoi d’autre que toi le doigt de la mort agit en franc-tireur Dépend pas de l’homme si tu te
fracasses ou non La mort a depuis longtemps distribué son bleu catégorique Bombe je te chante Extravagance
de la mort Jubilé de la mort Joyau du suprême bleu de la Mort l’aviateur s’écrasera sa mort différera de la
chute de l’alpiniste Mourir par le cobra n’est pas mourir par le porc avarié Certains meurent par marécage
certains par mer et certains par homme échevelé en pleine nuit Oh ! il y a des morts comme des sorcières d’Arc
des morts effrayantes comme Boris Karloff Des morts sans-rien-sentir comme des naissances-morts des morts
sans tristesse comme vieille douleur Bowery Des morts abandonnées comme la peine capitale des morts d’État
comme celle des sénateurs Et des morts impensables comme celle de Harpo Marx des filles sur la
couverture de Vogue la mienne Je ne sais pas au juste combien la Bombe-Mort est horrible
je peux seulement l’imaginer Néanmoins je ne sais aucune autre mort dont l’avant-première
soit si lisible je panoramique une ville New York ruisselante tout œil
abri souterrain Des vingtaines et des vingtaines un farfouillement d’humanité des talons hauts se courbent chapeaux qui
disparaissent Jeunesses qui oublient leur peigne
Dames ne sachant que faire avec leur sac à provisions
Machines à chewing-gum imperturbées cependant dangereux
troisième rail Frères Ritz du Bronx pris dans le train « A »
L’affiche souriante de Colgate sourira toujours Mort de petit monstre Bombe
Satyre Mortbombe Tortues explosant au-dessus d’Istambul Le pied ailé du jaguar
qui doit bientôt s’enfoncer dans la neige de l’Arctique Pingouins jetés contre le Sphinx
Le Sommet de l’Empire State Building fléché dans un champ de broccoli en Sicile Tout Eiffel en forme
de « C » aux Jardins de Magnolias Sainte Sophie pelant sur le Soudan Oh ! Mort athlétique Bombe sportive
Temples des temps reculés leur grandiose ruine interrompue Électrons Protons Neutrons qui récoltent
les cheveux des Hespérides traversent à pied le douloureux golfe d’Arcadie rejoignent les timoniers
en marbre s’introduisent dans l’amphithéâtre final avec la sensation hymnologique de toutes
les Troies annoncent les torches des cyprès disputent la course aux plumes
et aux bannières et connaissent néanmoins Homère dans un
élan de grâce Voyez l’équipe en visite du
Présent l’équipe locale du Passé
La lyre et le tuba réunis
Écoutez le hotdog le soda
l’olive le raisin gala galaxie commissaire
volé et uniformisé Oh ! les kiosques heureux origine
éthérée hourras et sifflets le perpétuel public augmenté par billions
le pandemonium de Zeus Hermès dans la course contre Owens Projectile de
Bouddha Christ acculé à l’hors-jeu Luther shootant un corner Mort de Planétarium
Bombe Hosannah Explosion de rose finale Oh ! Bombe de Printemps Viens dans
ta robe de vert dynamite dé-menacer l’œil inviolé de la Nature Devant le
Passé guimpe derrière le futur à nimbes Oh ! Bombe liée dans
l’air de clairon herbeux comme le renard dans
l’hallali ton champ
l’univers ta haie la géo
Bondis Bombe bombe liée
gambade Zigue zague Les étoiles
une volée d’abeilles dans ton baise-en-ville Colle
des anges sur tes pieds de jubilé des roues de lumière de pluie
sur ta couchette tu es rosée et regarde tu es rosée et les deux sont avec toi
hosannah glorieuse liaison incandescente BOMBE oh ! chaos antiphonie BOUM fondu
scindé Bombe marque l’infini d’une soudaine chaudière Encerde, étends ton
innombrable Rafle annonce l’ordre du jour abominable Étoiles charognes
planètes charnelles lambeaux de carcasse Cadavre l’univers Hop
tralalala doigt dans la bouche sur ses morts depuis
longtemps longtemps Ni de ton
œil tressé lesté de spasme
épuise déluges de goules
célestes de ta matrice dénominatrice
verse des bouffées naissantes de gros
vers Déchire une ouverture dans ton ventre Bombe
de ton ventre déferle des saluts de vautours Avance dans
le combat tes phalanges coupées de hyène mouchetée sur le bord du
Paradis Oh ! Bombe O flûtiste final poursuivi par tous à la fois
le soleil et le ver luisant derrière ta valse-trauma Dieu abandonné
risiblement nu dessous sa maigre apocalypse saupoudrée de
faux talc II ne peut entendre les profanations quel beau jour
de ta flûte Sourd il est versé dans l’oreille à verrues
du maître du Silence Son Royaume une éternité
de cire imparfaite Des clairons bouchés
Le dé-trompettent Des anges
scellés Le déchantent Un
Dieu sans tonnerre Un Dieu
mort Oh ! Bombe ton
BOUM ça tombe Que je me
penche sur un bureau à science un
astrologue barbotant dans la prose de dragon
demi-malin au sujet des guerres des bombes surtout
des bombes Que je suis incapable de haïr ce qu’il est
nécessaire d’aimer Que je ne peux exister dans un monde
qui consent Un enfant dans un parc un
homme mourant sur la chaise
électrique Que je suis
capable de rire de toute
chose tout ce que je sais et tout
ce que je ne sais pas pour ainsi dissimuler
ma douleur Que je dis que je suis un poète et par
conséquent que j’aime tous les hommes connaissant mes
mots qui sont une prophétie familière à tous les hommes
et mes non-mots, non moins une familiarité
Que je suis multiple Un homme à la poursuite
des gros mensonges de l’or ou bien
un poète errant dans
les cendres
brillantes
ou ce que je m’imagine
être un sommeil de dent de
requin un anthropophage de rêves
Je n’ai pas besoin dans ces conditions
d’être omniscient au sujet des bombes Heureusement
car si je sentais que les bombes étaient des chenilles Je
ne redouterais pas qu’elles deviennent des papillons il y
a un enfer pour les bombes Elles y sont je vois qu’elles
y sont Elles sont assises en morceaux et chantent
des chansons surtout des chansons
allemandes et deux très longues
chansons américaines
et elles voudraient
qu’il y ait
davantage de chansons
surtout des chansons
russes et chinoises et
quelques autres très longues
chansons américaines Pauvre
petite bombe qui ne sera jamais une chanson
esquimau Je t’aime je veux mettre une sucette dans ta
bouche Une perruque de boucles blondes sur ta boule chauve et
te faire sautiller avec mes Hansel et Gretel le long de l’écran
hollywoodien Oh ! bombe à laquelle toutes jolies choses morales et
physiques participent anxieusement Oh ! flocon de rêve cueilli du plus
grandiose arbre-univers Oh ! morceau de ciel qui donne un soleil à
la montagne et à la fourmilière Je suis debout devant ta fantastique
porte lilas Je t’amène des roses de Midgard du musc
d’Arcadie des produits cosmétiques réputés des
filles du Ciel Souhaite-moi la bienvenue
ne crains pas ta porte ouverte ni ta
mémoire de froid fantôme gris
ni les maquereaux du climat
incertain leur cruel
gel terrestre Oppenheimer
est assis dans l’obscure poche
de Lumière Fermi est sec au
Mozambique de la Mort Einstein
est Mythe-Bouche Une couronne à
besicles sur la tête de calmar de la lune
Laisse-moi entrer Bombe sors de ce coin de
rate enceinte Ne crains pas les menaçantes nations
du monde Oh ! Bombe je t’aime Je veux embrasser
ton cliquetis manger ton boum tu es un péan un
apogée du cri le chapeau lyrique de Monsieur Tonnerre
Oh ! fais résonner tes genoux à caisses BOUM BOUM
BOUM BOUM BOUM BOUM les deux et BOUM
les soleils BOUM BOUM les lunes les
étoiles BOUM Bruits de BOUM joies de
BOUM BOUM BOUM les vents les
nuages les pluies Fais BANG aux
lacs aux océans BING Barracuda
BOUM et cougar BOUM Ubangi
BANG orang-outang BING
BANG BONG BOUM
abeille ours babouin
allez BANG ALLEZ
BONG Allez BING
la queue la nageoire l’aile
Oui oui dans notre multitude
une bombe tombera Les fleurs sauteront
de joie en faisant mal à leurs racines Les
champs s’agenouilleront fiers sous les halleluyas du vent Des
bomberoses s’épanouiront Des bombélans dresseront les
oreilles Ah ! plus d’une bombe ce jour-là étonnera
l’oiseau par un doux regard Néanmoins
pas suffisant de dire qu’une bombe
tombera ou même contester que
le feu céleste s’éteindra
Savoir que la terre va faire de la
bombe une madone que dans les cœurs des
hommes à venir des bombes vont naître encore
des bombes de magistère enveloppées dans l’hermine
toutes sont belles et elles resteront assises
paf sur les empires moroses de la
terre féroces avec des
moustaches en or
1ère mise en ligne 19 décembre 2019 et dernière modification le 5 février 2020
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