dans ma bibliothèque | Agatha Christie, ABC contre Poirot

comment ne pas avoir dans son garage l’intégrale des Agatha Christie en poche ?


Difficile de dater, mais forcément avant 1964, et donc cette première période des lectures du temps de l’école primaire, où il y eut l’accès à Jules Verne, Poe ou le Grand Meaulnes parmi l’exploration systématique de la bibliothèque Verte, de la collection Spirale ou la bibliothèque de l’Amitié, en tout cas la lecture avait déjà remplacé le monde. Cela cesserait de la 1ère à jusque mes 24 ans, mais s’il n’y avait pas eu cela avant est-ce que j’aurais pu embrayer comme cela m’a été permis ?

Dans le placard en bois de la maison de la Grière, côté chambre des adultes (mes parents, ou les grands-parents quand c’était leur tour de garde, mais je ne les imagine pas vraiment lire), une rangée de livres dépareillés, c’est pourtant ceux-là que je pourrais reconstituer presque au par coeur. Des livres de navigateurs solitaires (Gerbault, Bompard, Kon Tiki), des Reader’s Digest dont je me souviens encore de certaines histoires, certainement relues tous les ans dans le même étonnement (les vacances à la Grière cesseront vers 1966, la maison est restée vide depuis lors, les bouquins doivent y être encore, mais dans quel état ?), deux ou trois volumes d’une série, Le Saint, et deux ou trois Agatha Christie, dont ABC contre Poirot. Aucune idée de l’origine et qui avait pu les déposer là le premier.

Mais c’est l’idée qu’un livre peut ne ressembler à aucun autre. Plus tard je lirai d’autres Agatha Christie, mais ils ressemblent aux Agatha Christie (malgré la préférence marquée que j’aurai pour les Miss Marple).

C’est donc celui-ci que probablement, de mes 8 ans à mes 13 ans, j’aurai relu pour vérifier que rien n’y avait changé.

Ensuite, selon les hasards des hébergements (je ne crois pas avoir jamais acheté d’Agatha Christie), des hôpitaux ou locations, s’étoffera le repérage des titres.

Actuellement, si le mur de droite du garage est équipé couche de planche couche de briques, les polars occupent en double file toute la rangée du dessus, il y a des Dickson Carr (probablement intégrale aussi), des Hillerman (idem), des Juge Ti et pas mal d’autres (Simenon est dans les étagères du séjour). Je n’ai pas la bibliothèque « noire » d’un Daeninckx, et je ne suis certainement pas un grand lecteur des Série Noire et autres.

Mais Agatha Christie c’est l’Angleterre par excellence, ses maisons biscornues plantées sur une falaise, ses villages où tout est en ordre (sauf le crime), ses hôtels feutrés dans Londres. C’est aussi une logique de récit (tiens, c’est Crime dans l’Orient Express qui devait aussi figurer dans la rangée de la Grière).

Alors, dans le garage, sur l’étagère du haut, bien des années qu’on tient comme à honneur d’avoir tout Agatha Christie. Une fois par an au moins, il y a grimper sur un tabouret, se hisser jusqu’aux piles qui ne manquent pas de s’écrouler partiellement, balayer les titres sur la tranche, et en choisir 3 ou 4, ou 5, dont il nous semble qu’on ne les a pas relus depuis longtemps.

Au Foyer des Jeunes de Civray, aussi, vers la 3ème, en tout cas avant la rafale de mai 68, avec Étienne Arlot dans le rôle principal (Étienne avait toujours le rôle principal dans toutes nos activités), on ferait une adaptation des Dix petits nègres, je mourais assez vite me semble-t-il, un personnage qui s’appelait Blore, et pas très sympathique (mais quand même 45 ans passent et je me souviens encore du nom) ?

Il y a aussi ces images de si forte rémanence : un placard avec un club de golf, sous un escalier, et tâchez de vous débrouiller à retrouver le titre…

J’ai mes fétiches : Le train de 17h25, avec cet étranglement aperçu en une fraction de seconde, un train doublant l’autre. Ou le Meurtre de Roger Ackroyd (c’est peut-être lui, le troisième titre de La Grière, tant j’ai l’impression de l’avoir toujours connu), bien avant la performance inouïe qu’en tirera Pierre Bayard avec Qui a tué Roger Ackroyd ?

Mais ABC contre Poirot reste pour moi le symbole même des dédales présents à degrés divers dans les 80 livres de la grande Anglaise : est-ce à cause du rôle qui tient cet objet emblématique qu’est l’annuaire ? (Jusqu’à ce qu’un goujat s’approprie à Paris, pour y imposer son propre patronyme, un morceau de la rue Sébastien-Bottin.)

Bien sûr j’ai des Agatha Christie dans mon Kindle. En numérique, je les lis plutôt en anglais, magnifique exercice : jamais un Agatha sans quelque part une citation de Shakespeare.

Mais lire Agatha Christie, c’est le réflexe d’aller exhumer le vieux livre vingt fois lu. Le logo de la collection, qui fait qu’on regarde les Masque chez tous les bouquinistes. La mention collection dirigée par Albert Pigasse, puis l’autre, tout aussi essentielle : traduit par Louis Postif, jusqu’à celle de la fin, imprimé chez Brodard et Taupin à la Flèche (Sarthe, jolie petite ville avec toujours son prytanée militaire). Comment lire un Agatha Christie si Albert Pigasse et Louis Postif ne sont pas là pour vous tourner les pages, plus si possible finir le soir même, avant insomnie favorable – jamais un Agatha Christie lu sur deux ou plusieurs jours consécutifs ?


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1ère mise en ligne et dernière modification le 17 décembre 2014
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