L’incendie du Hilton, vu par Jean-Paul Hirsch (POL)

un film de Jean-Paul Hirsch, directeur commercial de chez POL, avec la participation d’Atiq Rahimi, prix Goncourt 2008




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Au retour des vacances, et au moment de poster mon Incendie du Hilton aux personnes qui y sont citées, Jean-Paul Hirsch m’a précédé : il s’est procuré le livre, me dit-il, et m’envoie en retour un DVD avec 5’15 d’un film réalisé cette nuit du 22 novembre 2008, entre pompiers et sous-sols, avec la bande son de l’évacuation.

L’aventure POL, les éditions de Paul Otchakovsky-Laurens, je la considère un peu comme la mienne. C’est à lui que j’avais envoyé mon premier manuscrit, et la correspondance qui s’était ensuivie de son refus de Sortie d’usine, alors qu’il publiait en même temps L’Excès-l’usine de Leslie Kaplan, avait compté pour le retravail qui me ferait ensuite le proposer à Minuit (qui avait refusé, lui, L’Excès-l’usine).

Combien d’auteurs POL sont mes amis ? Et même, là, au Québec, la joie de retrouver Martin Winckler. L’histoire de POL c’est une suite de prodiges et de marées basses : se souvenir avoir vu POL (à l’époque, secondé par Carine Toly), sur l’immense tapis roulant du Salon du livre de Francfort, un de ces soirs où on ne sait pas si continuer sera possible. Puis peu à peu les reins plus solides : ainsi, Jérôme Lindon expliquant pourquoi il n’avait pas voulu publier La Douleur de Duras : « Elle me disait avoir retrouvé ça dans le fond d’une armoire... Mais j’aurais publié ces papiers, elle n’aurait jamais écrit L’Amant : moi je savais qu’il y avait autre chose derrière. Vous croyez que ça m’a fait plaisir, de la voir publier ailleurs qu’aux éditions ? » La Douleur a sans doute été pour POL une charnière...

Alors évidemment, si nous, auteurs, on arrive à se croiser sur le terrain, lectures, festivals, la silhouette familière de Paul Otchakovsky-Laurens c’est plutôt dans les cadres officiels : salons du livre notamment. Et près de lui, mais qu’on croise bien plus souvent dans les gares, trains, librairies, Jean-Paul Hirsch : quelqu’un issu de cette tradition des métiers du livre, et qui les a prolongés dans l’édition.

Dans mon livre, il est repéré par son initiale : Jean-Paul H. On était arrivé dans le même avion, il accompagnait Atiq Rahimi, le tout récent prix Goncourt. On avait discuté peu après à l’hôtel, pour en rire : la fois précédente, c’était au Marathon des Mots de Toulouse, lui et POL étaient avec l’immense et secret Jean Rolin, qui pour bien d’entre nous est un repère éthique, une ligne de fracture esthétique.

Dans cette nuit du samedi au dimanche, avec l’alerte incendie à 1h50 du matin, je ne l’ai pas croisé. Et c’est pour cela que je mets son film en ligne.

Pour Jean-Paul Hirsch aussi, l’étrangeté de l’incident (un incident sans conséquence), était forcément lié à notre situation ici liée au livre : le Salon du livre de Montréal est dans les sous-sols de l’hôtel, c’est le même groupe qui les gère. Et, comme tant de citoyens web (c’est en grande partie Jean-Paul Hirsch, avec POL, le caractère pionnier de leur site) d’aujourd’hui, le réel on le documente à mesure. Il a le réflexe de prendre son appareil-photo ou son camescope, et filme la descente des 15 étages, les camions et les lumières, plus tard les postures des corps endormis. Atiq Rahimi joue son rôle volontiers.

Alors quoi, juste pour dire : c’est vrai, ce qui se passe dans mon livre, ça s’est réellement passé ?

Non, pour moi c’est plus grave. Et c’est pour cela que je prends la liberté de mettre en ligne version YouTube du film de Jean-Paul, et d’en profiter pour ce salut à leur maison.

Jean-Paul Hirsch et Atiq Rahimi, par le hasard de l’escalier qu’on leur fait emprunter, sont reclus dans les souterrains de l’hôtel. Les pompiers, les secouristes sont présents, mais la ville reste à distance. Par le hasard de l’escalier qu’on me fait emprunter, nous nous retrouvons hébergés une rue plus loin, dans cette patinoire vide et immense, mais gelée (moins huit Celsius dehors), qui devient une parabole de la ville. Et, parce qu’on est coupé des informations, qu’on a froid, je traverse la gare, les couloirs de métro où sont d’autres évacués, pour rejoindre ce bistrot, le Tim Hortons, qui fait le coeur de mon récit, mais auquel Hirsch et Rahimi n’ont pu accéder.

Voilà : évacué par l’autre escalier, Jean-Paul Hirsch aurait fait d’autres images, la patinoire, la crasse de la gare, le Tim Hortons. Évacué par l’autre escalier, confiné dans le sous-sol entre l’hôtel et les livres, il m’aurait manqué l’élément de la ville, je n’aurais pas – dans ces étranges semaines de Noël, peu après, tenu ce récit. Peut-être qu’alors Atiq Rahimi l’aurait fait...

C’est cet arbitraire, ce hasard, qui m’interrogent, à regarder pour la troisième fois les 5’15 de la vidéo que m’envoie Jean-Paul.

Photo du haut : Atiq Rahimi, et derrière lui Jean-Paul Hirsch, Salon du Livre de Montréal, le 22 novembre, l’après-midi précédant l’évacuation. Et, en septembre, la rentrée POL avec Nicolas Fargues, Jacques Jouet, Martin Winckler, après – en juin, Chodolenko, Novarina, Dominique Meens [1]...

Et on se revoit en novembre à Montréal, Jean-Paul ? [2]

[1merci aux 2 correcteurs, y a de la fatigue dans l’air...

[2Et question bis, indiscrète : tu en as beaucoup, des moments de vidéo comme celui-ci, liés à notre vie professionnelle, toi qui est en permanence sur le terrain ? En ligne, en ligne !


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1ère mise en ligne 12 août 2009 et dernière modification le 23 avril 2016
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