prison | chaque mardi 13h20

souvenirs concernant les ateliers d’écriture en prison – suivi de "Perdu sur les quais (et autres histoires)", extraits


introduction initiale de cet article, juillet 2005
C’est maintenant, après, que je fais coller ça à cette expression toute faite, policière : "revenir sur les lieux". C’est l’assassin toujours qui revient sur les lieux...

Je n’ai pas pu m’empêcher, je suis sorti en voiture à la rocade et je suis allé voir. Je me disais que je marcherais à pied, en fait j’ai seulement garé la voiture, pour regarder, pour écouter. L’arrêt de bus. Les familles pour la visite. La grande porte lourde en métal. Le linge qui sèche aux barreaux, ou simplement qu’ils tendent mouillé pour rafraîchir vaguement.

L’autre jour, sur un pont, dans la ville, j’ai croisé L., comme j’étais revenu dans la prison à un an de distance, c’était le seul « redoublant » du groupe, déjà là la première fois, sorti, puis revenu pour la deuxième. Il était donc libre et dans la ville : j’ai croisé ses yeux, ce n’était pas bien mieux. Il m’a dévisagé parce qu’eux tous ont cette capacité de distinguer à peu près tout ce qui se passe dans le champ visuel, c’est une des choses qui les distingue des passants des rues piétonnes. Et encore plus là, sur l’immense pont qui sépare la ville de ses satellites, de l’autre côté du fleuve, les immeubles. Il n’avait pas l’air de quelqu’un qui a maison et travail, L., et il ne m’a pas reconnu, pas du tout.

Donc tout ici continue. Sans doute que là-haut des miradors, un type a déjà braqué des jumelles sur la voiture arrêtée avec un type qui regarde, qui n’appartient ni aux personnels ni aux familles en visite. On pourrait inaugurer une sorte de classification des lieux par leur façon de durer hors de vous (bien sûr, que c’est idiot : un lieu se moque bien de qui y vit ou n’y vit pas, y demeure ou s’en va).

Il m’est souvent arrivé ainsi de m’arrêter devant mes anciens lycées ou écoles : lycée André-Theuriet à Civray, Camille-Guérin à Poitiers, Chevrollier à Angers, école des Arts et Métiers Talence puis Angers. S’y succèdent d’autres couvées de même âge, des bâtiments poussent ou sont enlevés, mais ce qui perdure reconduit ce que vous en receviez. Ou de rouler au ralenti devant d’anciennes chambres ou appartements, de m’arrêter, rue de Trévise ou rue de Rochechouart, sous des fenêtres que j’ai pu autrefois occuper : les figures anonymes qui ont entrebâillé cette fenêtre ou installé ces rideaux y abritent une intimité équivalente à l’intimité que je convoque, mais sans rien qui permette de les croiser. Pour la prison, ou bien lorsque je passe devant les éditions de Minuit (je ne provoque pas, je ne choisis pas : c’est plutôt affaire d’une sorte de crainte mal résolue), rien, absolument rien, ne change au lieu, et ceux qui s’y suivent n’ont pas affaire ici à l’intimité, mais bien sûr au jugement. Et ce confinement violent (la convocation devant le bureau, même si l’extrême politesse de l’homme fin et voûté, infiniment attentif et perplexe, qui vous recevait sépare alors définitivement les deux termes de l’association), une fois que vous sortez du cercle, vous en exclut sans trace ni mémoire.

Donc je regarde le mur de la prison. On n’entend pas de cris (le bruit permanent de voix qu’est une prison, voix chuchotées, appels, ordres et convocations, puis les portes qui claquent bien sûr, et quand j’y passais l’après-midi ces rondes où un gardien frappait chaque fenêtre d’un bâton métallique pour éprouver la bonne résonance des barreaux), moi je sais ce bruit même d’ici d’où je ne perçois rien, qu’un vague grondement de ville tenu loin, la présence de la rocade plus forte que ce qu’enclosent les murs. Et pourtant c’est l’été, et pourtant il est 14 heures : dedans, forcément, c’est l’heure du foot.

J’avais écrit ceci, et maintenant cela fait sept ans (sept ans pour moi, sept ans pour L., ça avait été publié dans Libération, il s’agissait de parler de notre idée du sport, de l’image qu’on avait du sport et de son rôle) : qu’est-ce qui peut avoir changé, compte tenu que ce ne sont plus les mêmes, que la seule continuité tient au lieu, et au temps...

 

prison | chaque mardi 13h20


Chaque mardi treize heures trente dans les buts il a un haut de survêt orange, ça fait comme une tache chaque fois qu’il avance au milieu de la boule noire des autres pour se baisser d’un seul coup et sur le ciment reprendre le ballon

Bruit du ballon sur le ciment, comme un écrasement et puis le son sec du rebond, ou bien le crissement de quelque chose de lourd qui glisse et encore le son sec du pied qui renvoie, on ne peut pas distinguer si ce qu’on perçoit c’est le choc directement du pied sur le cuir, ou bien la réflexion de cela sur les murs gris derrière et autour

Les appels et les cris, mais ici il n’y a pas d’insultes, jamais d’insultes (l’autre dimanche en Sologne dans ce village la promenade du dimanche après-midi près des fossés et des étangs on tombait sur l’arrière de ce match en train de se jouer, chaussettes blanches tendues et la boue devant les buts, les joueurs aussi criant)

Ici il n’y a pas de spectateurs (une piste en ovale autour du terrain format handball et trois qui marchent en parlant, celui du milieu un peu plus grand et même dans les virages ils continuent d’être de front)

La technique qu’ils ont, et sur si peu d’espace, les retournements pour frapper en mouvement tournant et renvoyer sur une transversale vers le joueur de l’autre aile le ballon qui venait droit mais qu’on leur aurait pris, et les chocs de la tête pour passer à un autre, et la force que c’est pour projeter droit le ballon dans le rectangle par trois lattes de bois passées à la peinture blanche et qui sont de chaque côté la cage de but, le gardien au vêtement orange fait un quart de tour sur lui-même, perdre on n’aime pas et fait comme de donner un coup de poing au ciel

Derrière les joueurs on en voit un tout seul avec un ballon jaune, il tape le ballon de mousse sans bruit mais l’envoie sur le grillage et le grillage résonne, le ballon revient et il recommence, il met encore plus de force et le grillage résonne encore plus fort, et s’il tape à deux reprises successives rapides on dirait que c’est encore plus de rage, la rage va pour ceux qui jouent seuls

Mouvement de repli comme autant de particules singulières mais on reconnaît les survêtements ou ces drôles de pantalon larges à motifs de couleur, c’est l’hiver mais lui est en tee-shirt sans manche, on ne sait pas, de la fenêtre, qui est avec qui mais l’emplacement seul ou les trajectoires le disent indépendamment du visage qu’on reconnaît, dans vingt minutes même pas ce sera fini et ils seront là dans la salle

Les trois qui marchent ont fait encore un tour, celui qui tape le ballon seul contre le grillage continue, et d’autres derrière sont assis sur une marche de ciment ils sont cinq et à peine s’ils parlent mais s’ils regardent qui pourrait le dire, simplement, être assis là où on pourrait être spectateur, même si on ne l’est pas, c’est une justification d’être là et du temps, d’être ensemble peut-être même si apparemment non ils ne parlent pas

Ce qu’ils nomment ballon et en fait usage, vu d’ici une boule lourde et qu’on dirait presque gluante, ce cuir qui a traîné dans la pluie et la boue, et qui attend dehors d’un jour à l’autre que reprenne le rituel du midi quand ici ils sont le plus, on dirait que la boule a de la peine à s’envoler, collée à la terre par une attraction invisible, le ciel aujourd’hui est gris blanc et les arbres taillés en tenue d’hiver, il y a disproportion entre les bandes blanches autour du terrain format handball et les deux fois sept corps en survêtements ou pantalons larges de couleur et le mouvement lourd de la boule qui rebondit pourtant, bruit sec, coup sourd, raclement, la boule de cuir gluante et lourde qui repart encore vers là-bas celui en haut de survêtement orange et qui crie quelque chose comme reviens reviens ça fait rien il est seul face à celui qui arrive avec la boule il s’avance et se baisse

Il y a corner enfin un qui sort des bandes blanches pour partir jusqu’au bout de l’étendue dans les grillages chercher la boule lourde, les trois qui marchent de front sur la piste ne se sont pas dérangés, les cinq là-bas sur le ciment qui regardent n’ont pas tourné la tête vers l’angle où ça se passe, continuent de regarder droit devant eux où il n’y a plus rien, on voit l’élan en diagonale du type de dos (un de ceux qui sera bientôt dans la salle, en survêtement bleu avec une bande blanche sur l’épaule), un autre tout là-bas reprend en arrière et c’est une mêlée qui recommence, ça repart dans l’autre sens avec encore un cri et l’appel reviens reviens mais maintenant c’est de l’autre côté qu’il part

Le ciel est gris blanc et les arbres sont taillés tout nus sans feuilles en tenue d’hiver

Quand on est venu mardi dernier c’étaient les mêmes qui jouaient et celui a le pantalon large de couleur on se souvient qu’il était déjà dans la partie droite du jeu les autres on ne sait plus, et mardi prochain ils joueront encore même si à treize heures trente il faudra bien venir dans la salle et être immobile

Plus tard dans l’après-midi le ballon sert toujours en général ils sont par cinq ou par six et se mettent en rond et la loi de leur jeu je ne la connais pas, ça rebondit, ils jonglent avec les genoux et quelquefois ça dure longtemps mais les autres patientent et puis renvoient de la tête et un autre reprend de la tête même si ça arrive très bas et puis la balle part sur un autre s’il ne rattrape pas il perd il y a une loi et une grammaire, c’est évidemment précis et compliqué puisqu’ils sont six en rond et que les gestes sont observés par les autres, que la balle repart d’un côté à l’autre du cercle mais ni la loi ni la grammaire ne me sont accessibles et cette gymnastique sous la balle où c’est elle qui semble plus lourde qu’eux, ça non plus ne m’est pas accessible parce que moi je ne saurais rien y faire, je suis dans la salle, ceux qui jouaient tout à l’heure maintenant travaillent sur leur table et moi juste un instant je suis devant la fenêtre et regarde, et il y en a toujours d’autres qui sont sur la piste et marchent de front parce que parler c’est mieux pour ceux-là en marchant, et d’autres qui sont assis là-bas sur la marche de ciment devant le grillage et d’autres encore debout de ce côté appliqués contre le grillage (on enlèverait le grillage ils tomberaient mais le grillage est solide) pour parler à d’autres fenêtres comme la mienne, et le jeu de ceux-là qui jonglent et dansent de la tête et des genoux est sans paroles ni cris, il pourrait se prolonger, on dirait, indéfiniment, n’était le ballet des entrées et sorties au sas du grillage, on entend le rebond lourd de la boule gluante de cuir et les coups sourds des chaussures, le frappement plus sec de la tête et des genoux on ne l’entend pas

Et le ciel est gris blanc et le haut de survêtement orange fait une tache dans les vêtements bleus ou noirs avec juste la ponctuation des pantalons larges de couleur, et la rage de celui qui frappe encore et encore son ballon jaune contre le grillage qui résonne rien ne l’a affaiblie, quand le ballon lui échappe au rebond il court après trois mètres et le renvoie en arrière de ce même mouvement de jonglage de ceux qui jouent en rond, et celui-là personne ne lui parle ni se mêle de son jeu mais sur le terrain de handball aucun mardi je n’en ai vu jouer à la main ou à autre jeu, maintenant qu’ils reviennent parce que ça va être l’heure de la salle je les vois sous la fenêtre, ils rient et transpirent, la boule lourde de cuir est restée là-bas seule calée contre les lattes de bois blanc, à la prochaine fournée elle reprendra usage, ceux qui tournaient de front eux aussi rentrent, un instant la cour de la prison est vide.

 

perdu sur les quais (et autres histoires)


Après, j’ai repris ma voiture et je suis reparti. J’avais très nettement en tête l’image du terrain de foot vide. Des silhouettes encapuchonnées (ils aimaient s’encapuchonner la tête) qui en faisaient le tour en marchant, deux par deux, ou de celui (toujours il y en avait un), qui s’escrimait à pratiquer seul des mouvements de sport.

Une sculpture vivante et en mouvement serait la reconduction ainsi du rituel du football dans la cour vide. Et moi, la seule question : pourquoi, tout du long que j’ai traversé ces expériences, comme dans La Douceur dans l’abîme), j’utilisais du on, et quel chemin j’ai fait pour qu’aujourd’hui j’ose parler en je ? Et qu’est-ce que j’ai perdu au passage ? Y compris si L. ne m’a pas reconnu, ce qui lui est évidemment permis après sept ans, tandis que je n’ai rien oublié de quoi que ce soit que nous ayons échangé, L. et moi, dans cet atelier et les textes qu’il m’a écrits ?

Pour mon livre Prison, j’ai voulu ébaucher des silhouettes fictives. Je sais que souvent, dans les italiques qui étaient pour moi des repères fixes, des assignations de justesse, sont des phrases que lui avait écrites.

Voici quelques-uns des textes qui ont servi de socle ou de matrice préalable à ces constructions fictives.

 

mon histoire

Je me souviens d’une fois, j’avais quinze ans. J’étais parti d’un foyer, j’avais rencontré des grandes personnes avec qui j’avais fait connaissance et avec qui je me sentais mieux qu’avec des personnes de mon âge.
On avait fait la fête toute la nuit. Le lendemain, j’avais mal à la tête. J’entendais beaucoup de bruit, même des gens qui parlaient de moi.
Je n’osais pas ouvrir les yeux. Il y avait des gens qui disaient : « Il est malade. » D’autres : « Il est mort, il faut appeler la police. »
J’ai fini par me lever et partir en courant, sans regarder personne, seulement les cris derrière moi.
Une autre fois, à l’âge de quinze ans, j’étais parti de Bordeaux pour connaître d’autres personnes, j’avais décidé d’aller à Toulouse. Mais comme je n’avais pas de sous ni papiers, je m’étais caché dans le train. Je m’étais mis sous les banquettes, mais, comme j’étais fatigué, je me suis endormi et me suis réveillé à Carcassonne.
La première cité que j’ai vue, je suis allé, parce que je me sentais plus chez moi que dans cette ville déserte. Alors là j’ai rencontré des personnes adultes qui ressemblaient beaucoup aux grands de mon quartier avec qui discuter, bu, fumé et à qui j’ai expliqué mon histoire.
Ils ont été super cool avec moi, il y en a qui ont été me chercher à manger, et des couvertures, et j’ai dormi dans un squatt avec un des grands, qui s’était fait mettre à la porte par ses parents qui en avaient marre parce qu’il se droguait et faisait des conneries et ne travaillait pas.
Trois semaines plus tard, ils ont détruit le squatt et le copain est parti en prison. Et moi je suis finalement parti à Toulouse.

 

mal au cœur

Après la nuit de Toulouse, je me souviens d’avoir passé toute la journée dans cette ville qui était inconnue pour moi. J’ai visité à droite à gauche, et j’ai pris le premier bus. Je me rappelle comme si c’était hier, c’était le 148. Je me suis retrouvé au terminus, qui se trouvait au Géant Casino du Mirail.
Là j’ai trouvé un Gitan qui faisait des chaises et des paniers en osier. Je lui ai expliqué mes problèmes : que j’avais quinze ans et que mon père était en prison, et ma mère était malade des nerfs et qu’elle se trouvait à l’hôpital. Et comme mes grand-parents ne m’aimaient pas, m’avaient fait placer dans un foyer où je ne me sentais pas du tout à ma place et j’en suis parti le soir même, et j’ai pris le train qui se trouvait à Bordeaux, ma ville d’origine.
L’homme était très gentil avec moi. Il habitait juste en face, dans un camp, qui s’appelle le camp de Martre. Il m’a amené chez lui, m’a fait manger, ça m’a fait d’ailleurs du bien parce que j’avais vachement faim. Mais comme il avait une famille nombreuse, il m’a expliqué que je ne pouvais pas dormir dans sa caravane parce qu’il n’y avait pas assez de place. Alors sa femme m’a fait un bon lit douillet. La nuit même, comme j’étais très fatigué, j’ai dormi comme un bébé. Je suis resté avec ces gens un mois.
Parce que c’était des gens du voyage, et il était d’accord pour m’amener avec eux sur la route. L’après-midi je suis allé faire une promenade en ville, avec un petit de mon âge qui habitait le camp, et comme je devais partir le lendemain, je voulais visiter cette ville, qu’on m’avait tant parlé. Mais malheureusement je me suis fait contrôler, et par la suite retrouvé dans un foyer où j’ai très mal dormi et je n’ai pas mangé. Toute la nuit j’ai pensé à ces gens qui m’avaient accueilli comme leur, et la pensée que je ne les reverrais jamais m’avait fait mal au coeur.

 

Toulouse, cité Bagatelle

J’étais à Toulouse, à la cité Bagatelle, rue du Cher. .
En face de l’entrée il y avait une grande maison de jeu, qui avait été abandonnée et qui était devenue un squatt. Au bout de la rue il y avait un petit bois avec des balançoires, un tourniquet, et un terrain de foot, et des bancs où je me retrouvais avec mon copain Djamel qui amenait son poste, et Toto un copain qui dansait super bien.
Il y avait aussi monsieur Lavergne, chez qui je dormais. C’était un prêtre à la retraite qui s’occupait des jeunes de la cité, et qui leur faisait faire du foot, et disputer des tournois avec d’autres cités.
À l’entrée, il y avait une personne mal aimée, parce qu’il était raciste, et le soir il se plaignait du bruit. La vérité c’est qu’il détestait les jeunes. Il a fini par nous trouver. Tous les soirs on se mettait en bas de chez lui et on fumait, et on criait. Même qu’une fois cette ordure avait tapé un petit de la cité qui avait cinq ans. C’était le fils d’un Gitan qui était beaucoup respecté, il s’appelait Johnny Ziegler. Il a été chez cet homme qu’on surnommait Benaïcha, et il lui a mis une danse, qu’il méritait.
Cet homme, Johnny Ziegler, était un homme qui magouillait mais que tout le monde aimait bien. Il avait sa Mercédes rouge qu’il garait sur le parking, le plus marrant c’est qu’il avait sa place réservée, et tout le monde respectait ça.

 

perdu sur les quais

Je me rappelle, j’avais trois ou quatre ans, moi et ma mère on habitait chez mon grand-père et ma grand-mère à Bacalan. Ma mère partait travailler le matin, et ce matin-là je voulais partir avec ma mère, mais elle ne pouvait pas m’amener, mais moi je n’arrivais pas à comprendre ça, et je ne me suis jamais entendu avec mes grand-parents.
Ma tante me tenait, pendant que ma mère partait. Ce jour-là, je suis sorti par derrière pour suivre ma mère. Sans réfléchir, j’ai pris le premier bus, et je me suis retrouvé sur les quais. J’ai marché, marché pendant au moins une heure, et j’ai fini par craquer.
J’ai rencontré une femme qui devait avoir vingt ans ou vingt-deux ans, mais je me rappellerai toujours, je l’avais trouvée jolie, alors j’ai été lui expliquer que je m’étais perdu en cherchant ma mère qui était partie travailler.
Elle a été super gentille avec moi, elle m’a amené chez sa mère et sa tante qui tenaient une boulangerie ensemble. Ils ont été super gentils avec moi, ils m’ont fait manger, mais comme je n’avais pas trop faim ils m’ont offert des gâteaux et des bonbons. Après, ils ont téléphoné au commissariat, qui sont venus me chercher et m’ont ramené.
Sur le chemin du retour j’avais la trouille, de prendre une dérouillée par ma mère ou par mon grand-père. Mais en arrivant j’ai eu une drôle de surprise : il y avait le frère de ma mère et toutes ses soeurs. Mon oncle qui était toujours gentil avec moi, je l’ai vu en colère pour la première fois. La réaction de ma mère, je m’y attendais quand elle est arrivée. Elle m’a mis une gifle, ce qui ne m’a pas étonné. Mais ce qui m’a étonné, c’est qu’elle m’a pris dans ses bras aussitôt après. Là, elle s’est mise à pleurer.
Là j’ai compris le mal que je lui ai fait sans vouloir.

 

anarchiste et sauvage

Je me souviens de quelqu’un qui a été important, c’était mon dernier éducateur.
J’avais dix-sept ans et un casier déjà énormément chargé. Plus aucun foyer et éducateur ne voulait entendre parler de moi, même le juge.
Et un jour, une copine à moi, qui s’appelle Sarah, m’a dit qu’elle connaissait un éducateur qui avait entendu parler de moi, et qu’il voudrait bien me rencontrer. .
Il travaillait au CALK. De toute façon, je ne sais pas ce que ça veut dire. .
J’ai mis trois semaines avant d’aller le voir, enfin plutôt à me décider parce que je n’avais plus confiance en eux.
Je me pointe là-bas, et j’ai demandé Bernard L... Là j’ai commencé à le baratiner, pour de l’argent. Là il m’a bloqué. Il m’a dit : - Moi je ne te donnerai pas d’argent pour te droguer.
Ensuite on a parlé de mes problèmes.
Par la suite, j’ai super bien accroché avec lui parce qu’au début j’étais méfiant. Mais par la suite j’ai fait des trucs que moi-même je ne me serais jamais cru capable.
Au début il m’a mis à l’hôtel et il m’a trouvé un C.E.S., et par la suite il m’a même trouvé un studio. Pendant un an je ne me droguais plus, à part le joint. Mais j’avais arrêté les cachets, l’héroïne, cocaïne, à cette époque je ne buvais pas d’alcool, c’est venu par la suite.
Et un jour cet éducateur était malade, il a dû être opéré, et après ça il a été muté comme directeur dans un foyer. Après, on a mis un autre éducateur, mais ça n’a pas du tout accroché, et je suis reparti dans mon ancienne vie.

 

une fois j’ai rêvé, enfin j’ai plutôt fait un rêve bizarre

J’étais chez des amis, il y a mon copain Ludo et deux filles qu’on connaissait, mais il y avait un autre type que moi et Ludo on ne connaissait pas. Mais les filles le connaissaient bien.
Moi et Ludo on le trouvait antipathique. Il n’arrêtait pas de se crâner et de raconter des blagues bidon, à moi et Ludo ça ne nous faisait pas rire, mais les filles éclataient de rire et ça, ça nous énervait encore plus.
À un moment, Ludo a pris la quinte. Il s’est jeté sur l’autre con. Moi, voyant que l’autre avait le dessus, je m’en suis mêlé, là il m’a sorti un couteau. Ludo m’a passé son couteau aussi sec, et là pendant la bagarre j’ai entendu les filles dire :
— Il l’a tué...
Moi je suis resté immobile, et j’ai entendu Ludo crier :
— Fermez vos gueules...
Après, Ludo a commencé à l’envelopper dans un drap, et il m’a dit :
— Vas-y, aide-moi...
Je me suis mis à l’aider. Les filles m’ont dit :
— Faut le descendre dans la cave.
Au moment où je m’apprêtais à le descendre, ça s’est mis à sonner. On s’est mis à moi et Ludo pour le cacher dans le placard. Après, une des filles est allée ouvrir la porte, et là il y avait deux policiers. Moi et Ludo on s’est cachés dans la chambre, et j’entendais le policier dire qu’il était là parce qu’on leur avait signalé du bruit.
Après les policiers partis, on est sortis de la chambre mais la porte d’entrée s’est rouverte et là, devant moi, les deux policiers. Manque de pot, c’étaient des flics qui nous avaient déjà arrêtés. J’entends encore le flic dire :
— Tiens, L., toujours dans les coups fourrés... C’est quoi tout ce sang sur tes habits ?
— Rien, rien », je lui réponds.
Et là il commence à fouiller. Je lui dis :
— Vous avez pas le droit, il faut un mandat !
— Ta gueule, il me répond.
Et il ouvre l’armoire et le corps tombe par terre.
Et j’entends encore le flic me dire :
— Là, tu vas en baver, pour vingt ans.
Et moi je lui crie :
— C’est un accident !
Et le flic rigolait. Et là je me suis réveillé en sursaut. J’ai regardé si je n’avais pas de sang et je me suis senti mieux, ce n’était qu’un cauchemar, heureusement.


responsable publication François Bon © Tiers Livre Éditeur, cf mentions légales
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1ère mise en ligne 20 juillet 2005 et dernière modification le 17 novembre 2014
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