Pifarély invente la mandoline

lectures à médiathèque Lorient et Pannonica Nantes


Longtemps qu’il en parle, de la mandoline, Dominique Pifarély : c’est l’instrument de son père. Mais c’est aussi un prolongement du violon électrique, dans des zones intermédiaires de la sauvagerie rock.

C’est François Vendramini, luthier à Orléans, qui la lui a construite. Micro enroulé spécialement par Benedetti. Pour le manche : les exactes cotes recopiées de la mandoline sur laquelle Pifarély père jouait des airs de la Réunion. Pour le reste : 4 cordes et pas 8, et pas de frettes. Ça s’appelle encore mandoline ? Oui, s’il en joue au mediator, l’instrument tenu en bandoulière...

On est accueilli le samedi 15 mars à la médiathèque de Lorient. Petit auditorium de 70 places rempli, il paraît que des gens sont restés dehors. Mais c’est qu’elle accueille entre 8000 et 11000 personnes par mois, la médiathèque de Lorient. J’ai apporté un cartable rempli de livres. J’ai mis longtemps à le composer. Plutôt des raretés, des singularités, mais celles qui comptent. Il y aura Kafka, Rimbaud, Harms, Michaux, un peu d’Artaud (chut...), Forneret, puis Gracq, Perec, Beckett... Faire que le voyage d’un texte à l’autre signifie autant que les textes eux-mêmes.

Dans ces textes brefs, quelques-uns parleraient de l’écriture elle-même : ainsi, ce puissant Rhétorique de Francis Ponge, ainsi l’excessif Je dis non de Paul Valet....

Dominique Pifarély, mandoline


 Francis Ponge, Rhétorique, Dominique Pifarély, violon acoustique, FB voix, en public à Lorient, le 15 mars _ lire le texte

 Paul Valet, Je dis non, Dominique Pifarély mandoline électrique, FB voix, en public à Lorient, le 15 mars _ lire le texte

C’est la première fois que Dominique utilisait sa mandoline toute neuve en public. L’après-midi, dans ces heures qu’on passe dans la salle, à macérer, essayer, respirer, régler, j’ai discrètement branché mon enregistreur quand il a sorti l’instrument de sa housse pour raquette de tennis (tout ce qu’il a trouvé, pour l’emballer). Il explore le diapason, accorde, puis soudain appuie sur les pédales de distorsion et delay. C’est un peu chacun pour soi : on entend le technicien régler les projecteurs, puis c’est François Corneloup qui se met à chanter, moi-même un moment j’essaye un fragment de Beckett, et puis ça se transforme à la fin en impro Led Zeppelin avec le même Corneloup et son baryton. Normalement, ça ne se met pas en ligne, cette préparation des musiciens. C’est volé. Profitons que cette nuit lui et Corneloup s’envolent pour Minneapolis... A Nantes, dans cet avant-jouer, et seul sur le plateau, longtemps, il développe une complexe improvisation, mais très calme, fluide : – Une biguine du père d’Eddy Louiss, me dira-t-il ensuite... J’ai vérifié : c’est vrai.

Mais ça il ne le joue jamais sur scène, pareil que son révéré Stéphane Grapelli, qu’il connaît pourtant note à note.

 Dominique Pifarély, mandoline électrique, 10’ environ.Premiers essais, premiers réglages. Avec la participation de : technicien de Hop’n Jazz installant gélatines, François Corneloup, chant, bavardage sur la taille de la grosse caisse de John Bonham et essais baryton, FB extrait de Bing de Samuel Beckett.

Pour la lecture lorientaise, j’ai prévu qu’on terminerait par un hommage à Danielle Collobert. Née en 1938, suicidée en 1978, elle repose tout près, à Rostrenen. J’ai pris deux extraits brefs de Meurtre. Il y a du sens à les dire ici. Depuis deux ans, Danielle Collobert est rééditée par POL : c’est une balise, un monument de notre contemporanéité, on ne le dira jamais assez. François Corneloup nous a rejoints :


 Danielle Collobert, 2 extraits de Meurtre, Dominique Pifarély violon acoustique, François Corneloup sax baryton, FB voix, en public à Lorient, le 15 mars.

Une semaine plus tard, on est à Nantes, à l’invitation du Pannonica. Cette fois on fait la première partie d’un programme qui veut interroger littérature et musique. J’ai apporté mes propres textes : cet ensemble déjà travaillé avec Pifarély, Groleau, Balasse et Corneloup en mai dernier à Saumane, et dont j’ai mis un extrait ici : Je marchais parmi mes morts.

Dominique joue du violon acoustique. Tout à l’heure, dans les loges, je l’ai enregistré dans ses exercices de gamme : parce qu’à un moment il bifurque, et c’était un mouvement lent de Bach qu’il a étiré, démêlé. Quelquefois je visite ainsi mes archives numériques : celles que je ne mettrai pas en ligne, ou sont dans les cavernes non publiques de ce site que désormais je conçois comme totalité (merci à infomaniak.ch pour les 50 Go au prix de 120 euros/an, et droit juridique européen plutôt que la mesquinerie sarkozyste : on est pas mal désormais à avoir migré).

C’est dans cette réaction au présent que je travaille, depuis 2 ans, sur ce texte que j’appelle simplement Peur. Dans la partie publique du site, ici dans Je ne sais pas si c’est du jazz, la première lecture qu’on en avait faite (festival Jazz au fil de l’Oise – on avait joué entièrement acoustique, et j’ai rajouté un bourdon électronique au Mac ensuite)... Le mois dernier, Olivier Mellano, avec Emmanuel Tugny et Laure Limongi, ont repris Peur dans leur Ralbum à paraître en mai, avec la voix du chanteur Dominique A. : beau cadeau, et étrange, pour un auteur, qu’un texte ainsi s’en aille... Etrange aussi, ce soir, de voir ce thème, ou ce seul mot peur repris en écho par Olivier Guéry et Arnaud Maïsetti...

 Peur, 21’, Dominique Pifarély mandoline électrique puis violon acoustique, FB texte, impro & voix, en public à Nantes, Pannonica, le jeudi 20 mars.

 

Merci à Bernard Coisy et Danielle Colin de la médiathèque Lorient, et à Christophe Desforges de Hop’n Jazz.
Merci à Cyrille Gohaud de Pannonica à Nantes.

Le site de Dominique Pifarély et nos précédentes l e c t u r e s .


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1ère mise en ligne 22 mars 2008 et dernière modification le 27 août 2019
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