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2014.06.16 | après la grêle

Une drôle de journée, comme d’habiter une boîte en carton avec rien dedans. Pas vraiment, parce qu’il y avait quand même la table avec les deux écrans, l’ordi et le fauteuil. C’est plus la sensation intérieure. Ça tient aux lunettes cassées il y a 10 jours, soit demain soit jeudi elles devraient me revenir mais je dois bien reconnaître que là depuis tous ces jours je ne vois rien de rien. Quand je tape à l’ordi comme en cet instant, ça va parce que je ne regarde pas, ni l’écran ni les touches, juste dedans ma tête et c’est finalement ce que j’aime le mieux dans ces machines, qu’on puisse écrire du mental sans l’artifice de la main et du geste. Mais dès qu’il faut s’appliquer sur un e-mail, sur les InDesign des étudiants, sur les dossiers ou autres, ça devient quasi impossible alors on fait attendre. Puis c’est la météo : comme la grêle lundi dernier, qui en 10 minutes a laissé les voitures toutes bosselées et les ardoises fêlées. Évidemment ça fait causer, et il faut quand même s’organiser, mais globalement tu t’es juste dit que la réalité extérieure ressemblait pour une fois un peu au bonhomme. C’est con pour les prunes : ça t’a mâché de les voir toutes dégringolées en tapis autour de l’arbre, et c’est pareil pour ce tournage annulé, pire que pareil. Mais aujourd’hui, dans la boîte en carton, c’est ton calme : s’asseoir, faire des trucs, puis à trois ou quatre reprises, des échanges mail qui se trouvent favorables, voire chouettes, même avec l’autre chien fou du grand sud (celui que t’appelles exprès CCF pour C.. Chien Fou). Et puis le soir 2 ou 3 pages de Lovecraft – il y a ça aussi : trop plongé dans les lettres de ce type et je n’arrive plus à décrocher – comme si on avait aussi chez lui un prémisse du web parce que vie documentée depuis quasi la table, les chambres, les lectures, les engueulades ou déconades au jour le jour et heure par heure– Lovecraft GoPro de lui-même, avec écriture dedans. C’est pourtant pas rose autour, c’est pas rose l’après grêle. Tas de trucs en retard ou parce que simplement, quand on approche la paroi on ne trouve pas la prise, la faille, le sens. Et ce contexte de casse ou de régression, pour tant de copains pas loin, comme si on n’arrivait même plus à se révolter du gâchis – ou les nouvelles qui t’arrivent matin soir de ceux qui se battent dans chimio rayons. Ça fait rien, tu feras des photos bizarres (tu rêves pour de vrai de photos bizarres), tu écriras des bouts de ce journal le soir en 20 minutes sans relire, tu enverras des mails à des copains plus tapés que tu l’es, et tu as commencé à traduire les 120 pages de Shadow Out Of Time que pour l’instant tu appelles L’abîme sous le temps.


François Bon © Tiers Livre Éditeur, mentions légales
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1ère mise en ligne et dernière modification le 16 juin 2014
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