"basse de basalte et de lave", le vers de Mallarmé me revient souvent en tête dans les traversées de la ville, à ces hauts escarpements de pierre noire, les montagnes au loin - mais la fac de Lettres est à quelques minutes à pied du centre, on apprend à s'y repérer, depuis la place "de" Jaude, via le jardin Lecoq, ou la rue Côte Blatin - en face ma chambre d'hôtel, ces balcons comme une peinture abstraite

on commence chaque jour à 16h, pause vers 19h, et deuxième séance de 20h à 23h, cinq fois de suite, du lundi au vendredi - c'est au Crous, dans la cité U - depuis les verrières, le signe sempiternel du volcan - et vite la nuit

curieux de retrouver à 30 ans de distance la vie de nuit en cité U: ronron, odeurs et attente à la laverie automatique, cours de danse ou d'arts martiaux entrevus aux fenêtres, une circulation incessante et généreuse, les petites annonces pour l'aide scolaire, les jobs, ou Charlélie Couture à Issoire - il y a même un coin Internet, pas de souris mais un écran tactile, et les lettres du clavier effacées à force d'usure - j'essayerai en vain d'envoyer un mail...

c'est moi qui avais demandé à ce que l'atelier ait lieu dans une salle non scolaire - on a à notre disposition une vraie salle de théâtre de 180 places (nous sommes 22) - de quoi mettre de l'espace autour des têtes, dans les moments d'écriture - une concentration favorable, et l'espace scénique confère toujours sa magie aux temps de lecture

j'aime toujours ces moments, dans les longues plages d'écriture, où chacun trouve sa posture, sa bulle, s'invente son espace, dans les recoins de la salle ou juste au dehors - c'est là sans doute que les mots vont trouver leur posture à eux depuis l'élan du corps

l'atelier de création littéraire contemporaine a été fondé via le service culturel pionnier de la fac de Clermont par Marie-Luce Demonet, la rabelaisienne, maintenant au Centre d'Etudes Supérieures de la Renaissance à Tours - il est validé dans le cursus de licences, les étudiants interviennent aussi en maison d'arrêt, et se réunissent tous les mercredis midi pour écrire, c'est Nathalie Vincent-Munnia qui le coordonne : on souhaiterait bien ça dans toutes les facs, écoles de théâtre ou des Beaux-Arts

j'aurai de grands souvenirs de notre traversée Koltès, tant pis si moi j'y mets toujours un peu d'émotion et que c'est comme de lui serrer encore une fois la main - Artaud obligatoire aussi, et grande séance Nathalie Sarraute: on aura beau faire, Sarraute est un auteur très loin d'être reconnue à sa mesure, pourtant quelle corrosion elle permet d'un coup aux plumes toutes neuves, quel engagement - ce dernier après-midi on ira visiter Leslie Kaplan et Pierre Bergounioux pour rejoindre ce qui s'écrit en ce moment

le mercredi après-midi, 15h-17h30, c'est moi qui plancherai en amphi: je m'attendais à une vingtaine d'étudiants, il y a bien 70 personnes devant moi, du coup je pars en impro sans filets: je veux dire un mot avant de lire Parking, en fait je parle deux heures, et c'est eux qui me rappellent, au bout du compte, qu'il faut quand même lire Parking... merci à Sylviane Coyault et Catherine Milkovitch-Rioux - sur l'affiche qui traîne partout dans la fac on m'en fait voir de toutes les couleurs

hôtel: j'avais donc les matins libres, je me promettais bien du travail personnel - mais la dépense d'énergie, 7 heures durant, immergé dans leurs forces de 20 ans, ça use le bonhomme - le matin, c'est plutôt récupération, préparation - les textes de la veille au soir résonnent lourdement dans la tête - ici, à l'hôtel, les "winches" de la Gibson acoustique des heures solitaires (incursion dans les musiques modales de Pierre Bensusan, que j'avais découvert à Bordeaux en 1972/1974, dans la grande période folk) devant la carte postale offerte par les étudiants pour me rappeler qu'on dit place "de" Jaude quand on traverse le centre-ville, sous la statue du triomphal Vercingétorix de Bartholdy

à part ça, pour tenir 5 jours : chargeur pour la batterie de l'ordinateur, chargeur pour le Sony minidisc avec lequel on enregistre les lectures d'atelier, chargeur pour le petit appareil photo, chargeur pour le téléphone portable, y aurait pas moyen de simplifier un peu tout ça ? - chargeur pour soi-même, remarque, des fois, il faudrait (en l'occurrence, le bistrot d'en face l'atelier: CROUS ROADS COFFEE, ça s'appelle, avec une grande fresque des Stones sur le mur du fond...)

si Nathalie Vincent-Munnia anime l'atelier de création littéraire, toute l'organisation matérielle du stage a été prise en charge par 3 étudiants, Simon, Sophie et Émilie (à gauche Sophie, à droite Émilie) - c'est formidable pour celui qui anime, pas d'autres soucis que la concentration sur l'atelier lui-même - ça inclut les convoyages, les photocopies, les casse-croûtes, les questions de clés et de salles, et va venir la collecte des textes, pour le numéro spécial de Terres d'encre, la revue de la fac, qui les publiera - merci à eux quatre, même si c'est à tout le groupe qu'on se sent redevable du partage

FB, 7 novembre 2003