retour François Bon, journal
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radio days "chiens noirs des seventies, Led Zeppelin", un
feuilleton en 15 épisodes |
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à lire en complément: un merci spécial à Bruno Mourlan et Jean-François Néollier Maison de la radio, le 7 septembre au matin. Je suis très tôt parce que je suis l'invité de Nicolas Demorand pour "Les Matins de France Culture", et c'est le début d'un mois non stop dans la maison tout en rond. Une architecture autrefois conçue pour rayonner vers l'extérieur, mais maintenant, Vigipirate and co, il n'y a plus que trois sas d'entrées: tout le contraire de la vocation initiale, et toutes les circulations intérieures à contresens. La tour des réserves, au milieu, devient carrefour obligatoire du labyrinthe. C'est là qu'on est pour les deux premières semaines, cellule B 222. En fait, la tour ne répond plus aux normes de sécurité, elle est déjà en démontage, et on a souvent l'impression d'en être les seuls habitants, clandestins dans une alvéole d'un monde inconnu et quasi vide. Les directs de Culture se sont réfugés au 6ième étage du A, les niches brillantes et peuplées de France Info ou RFI sont au 3ème du F: alors quoi, la radio de création, une vague survivance? Espérons que non. Nous, c'est une équipe de cinq, et d'abord le réalisateur, Claude Guerre. Longtemps que j'avais envie de travailler avec Claude. J'ai toujours aimé les ambiances de ses fictions radiophoniques, mais aussi son engagement poétique dans ses spectacles avec André Velter ou les performances quadriphoniques à l'Aquarium de Vincennes. Ou tout simplement Claude Guerre poète. Il revient de la Mousson d'été où il a travaillé notamment avec Serge Valletti (Tout est vécu, tentative d'entretien autobiographique, c'est eux deux). Ce que je ne savais pas, c'est comment Claude l'intègre, Claude qui se lève à cinq heures du matin pour continuer sa traduction du Poème du Rhône de Frédéric Mistral, s'y entend pour vous faire marner... On est ordi contre ordi, et quand on boucle un brouillon de rythmes radio, il écoute les yeux fermés. Les autres c'est Jean-François Néollier, avec qui il y a deux ans (réalisation Jacques Taroni) on s'était lancé dans le feuilleton Rolling Stones. Et Bruno Mourlan, technicien son, gros bosseur et musicien lui-même, plus Peire Legras, l'assistant de Claude, préposé notamment aux recherches de disques rares. La première étape, c'est de diviser le récit en 15 étapes, chacune avec un son et des musiques spécifiques. On teste l'ambiance, j'ébauche le texte en fonction de ce qu'on élabore musicalement. Jean-François Néollier, même sur les consoles électroniques, a le goût des matières, des objets: il explore systématiquement la magnétothèque maison pour ressortir des micros de trente ans d'âge et plus. On en essaye une douzaine, que ces messieurs du son vénèrent comme on ferait d'un livre rare. Celui-ci a probablement servi, en mars 1969, quand Led Zeppelin a joué à Tous en Scène, au studio 101 de la vieille ORTF (document sonore dans le 1er épisode) : impressionnant, non? On essaye des enchaînements texte + son, Claude appelle ça les "ours" qu'il dessine sur de grandes feuilles blanches avec des encres de toutes les couleurs... On aura notre sortie. On est le mercredi 15 septembre, et Vincent
Ségal nous reçoit dans son petit atelier près
de la Bastille. Petit atelier, mais gros son: le violoncelle électrique,
entre deux concerts avec "M"
("Exprime-toi, Vincent!") est de sortie avec le boucleur Akaï HeadRush,
la boîte à distorsion et écho, sur son ampli Bass Man
Fender 1967. A l'âge
de 11 ans, alors qu'il fait ses gammes classiques au conservatoire de Reims,
quelqu'un laisse chez son père "The song remains the same",
Led Zeppelin en concert... Après l'Ircam, l'Intercontemporain, du
jazz au Canada, du rock aux USA, de la basse avec les grands musiciens
africains, Vincent
joue de mémoire tous les classiques du Zep. C'est un bonheur, et
un sacré
cadeau qu'il nous fait. Il va nous falloir couper dans plus d'une heure
de bande, ne garder que vingt minutes... Surtout, surtout, ne manquez pas
cet épisode (le n°13, donc ce sera le 17 novembre). C'est lui
que vous entendez en fond de page, raconter sa découverte de Dazed
and confused. Dans l'épisode 13, il décortique aussi Whole
Lotta Love,
Kashmir, In the light... Un des plus exceptionnels et
créatifs
improvisateurs d'aujourd'hui, que vous pouvez retrouver sur T
Bone Guarnerius, un disque pour happy few, à commander de confiance
(je rembourse si pas satisfait): Vincent accueille son copain flûtiste
Malik dans une chapelle d'une île
bretonne isolée à marée haute, ils y restent toute
la nuit, d'une marée à l'autre.
Ou bien avec Seb Martel ils se rendent sur périph parisien
à 4h du matin, avec violoncelle et guitare, et jouent avec le bruit
tournant des voitures, etc...
Troisième semaine. On a le studio 110. Une régie en mezzanine, et dans l'antre souterrain toutes les possibilités de bruitage de l'âge d'or de la radio. Parquets, carrelages, fausses portes et fenêtes, faux escalier. Jean-François m'a bâti un système de paravents et deux micros, je lirai les textes directement sur l'ordi, pour faire les modifs entre les prises. Quand on enregistre, on éteint toutes les lumières, et Claude Guerre est à quelques dizaines de centimètres, des fois danse dans la musique, ou me guide comme un chef d'orchestre. Il veut que ça aille plus vite, que je dise fort: tout le contraire de France Culture, quoi. Et moi qui lui dis timidement: "Oui, mais après c'est à moi qu'on fera des remarques..." Et toujours les arpentages de couloirs, la machine à café reste un lieu névralgique, et les indications au mur, censées guider le néophyte, mènent souvent à des "écrans" qui ne sont plus que du béton nu avec gravats: France Inter a provisoirement déménagé dans la rue d'à côté, et il faut bien passer au numérique...
Semaine 4 et semaine 5: là, je ne viens que par intermittence. Bruno Mourlan et Jean-François mixent sur les deux écrans du Sadi. C'est une cellule plus moderne que la première, où l'instrument majeur c'est les deux enceintes, Claude Guerre au milieu pour fermer les yeux. Il y a même une prise Ethernet, c'est pour dire... Et eux, pendant ce temps-là? Curieuse sensation parfois qu'ils sont dans la pièce à côté, équipés des mêmes casques, même micros, pour travailler pareillement un instant de rythme. On entendra beaucoup de musiques rares, des instants de gene Vincent, Muddy Waters ou Elvis, des impros à deux, Eric Clapton et Jimmy Page, des moments choisis de Led Zeppelin, la toute première version acoustique de Stairway to heaven, avec les chiens qui aboient dans le printemps de Bron Yr'Aur, ou comment John Paul Jones apprend aux trois autres, depuis sa ligne de basse, la marche en avant de Black Dog... On revisitera les enfances, les apprentissages: l'éternelle question du hasard et du destin. Et pour nous, trente ans plus tard, la vieille loi du conte, de l'imaginaire par les mots et les sons: magie de la radio, loin de la tentation talk show... FB, octobre 2004 |