retour François Bon, journal images
les pages personnelles de François Bon

itsume batsune no
kokochi koko sure

comme si c'était la première fois
mon émotion à tout cela secouée
Kamo no Chomei (Mumyosho)

du 20 au 29 janvier 2004, Tokyo et Kyoto

François Bon, le journal images

le hors temps de l'avion... premier rai de jour sur la vieille terre, depuis le 747, avant le soleil levant, puis fascination pour la Sibérie qui défile, infiniment montagneuse et déserte, fleuves gelés, rares établissements humains juste devinés...
"Cette solitude passive est toujours l’occasion de faire le point, de réfléchir au sens des choses qui la produisent. On essaye un moment, on se force un peu, mais on n’essaye pas longtemps devant le monologue intérieur qui en résulte et donc on laisse tomber, on se pelotonne et s’engourdit", c'est un extrait de Je m'en vais d'Echenoz...



immersion dans la grande ville - les taxis sont des micro-mondes - comme partout, je photographie les stations-services, j'en ai une vaste collection - le riz du matin servi dans la chambre d'hôtel, où l'usage du bain collectif est évidemment un alphabet étrange pour l'européen juste débarqué -

le soir même il faut plancher, mais c'est bien volontiers, on peut toujours prendre auparavant une petite vitamine à l'épicerie de la rue d'à côté:

suivi le lendemain de ma première journée de stage à Waseda, avec les étudiants d'Odile Dussud – on s'offre une pleine journée Perec

pendant que les étudiants écrivent sur espace et topologie (exercice d'écriture polymorphique depuis différents états publiés de la "rue Vilin" chez Perec), à même pas cinquante mètres de la fac je m'efforce moi-même, dans un petit carnet acheté sur place, d'inscrire les signes de la ville, dans son état arbitraire, juste en faisant le tour du carrefour

mais c'est notre logique même d'appréhension des signes qu'il faut globalement remettre à zéro, accepter de se laisse rporter, prendre le rythme et la politesse de ces corps qui jamais ne vous frôlent

appréhender autrement les couleurs, penser surfaces au lieu de penser lignes, et mettre 120 yens dans les distributeurs à canettes de thé vert

affaire, oui, de perception des signes et symboles, et pour s'orienter d'abord - ne pas savoir se déplacer seul dans la ville et elle vous devient en entier inaccessible - c'est le premier obtsacle à vaincre, et quand on reste en Europe on ne le sait pas


à gauche le plan de mon quartier, au cas où je ne saurais pas retrouver le Hobokkan (mon petit hôtel à la japonaise) et à droite le métro - les 2 premiers jours je cale et finis souvent par stopper un taxi, lui montrer le plan qu'on m'a donné avec le schéma qui ramène à l'hôtel, à la fin du séjour je connais presque mon métro courant


premières marches dans Tokyo, et évidemment la fascination à rentrer dans les temples, le son des flûtes et tambours des rites boudhiques, l'abstraction des ex-voto
PS: étrange, je découvrirai au retour que ce temple, entre Akihabara et mon hôtel, que j'ai dûment et longuement photographié est spécialisé dans les "porte-bonheurs pour ordinateurs"


voyage vers Kyoto - dans le train, mon autre récurrence pour l'accumulation d'images: "paysage fer" à la japonaise, les usines et la ville immensément continue, jamais défaite...


aspects de la différence Tokyo / Kyoto, ou simple hasard? les vélos à l'entrée de la fac de Kyoto, et mieux rangés ceux de l'entrée de la fac Tokyo Waseda


à Kyoto, j'ai la chance d'être logé dans le petit studio réservé aux artistes en haut de l'Institut Français du Kansaï (merci Jean-François Hans et Pierre Fournier) - coucher de soleil sur la ville - entourée partout de montagnes, à la lisière de la ville, tout autour, la ceinture des temples, c'est pour demain



Kyoto, longue marche depuis le Gingaku-Ji, pour se familiariser et s'imprégner - bestiaire fantastique des autels, ombre des cimetières, labyrinthes et or de l'Eikando-Kan - très très peu de touristes japonais (c'est l'hiver) et encore moins d'européens, juste le silence - et puis, au Nanzen-Ji, les jardins - on est prêt à les accueillir et c'est l'impression, comme au premier voyage, en plus fort et plus serein, que la tête s'ouvre -



si dans Tokyo on marche aussi inlassablement qu'à New York, la puissance mentale de Kyoto et l'élévation abstraite de ces endroits, où le râteau dessine les mêmes arrangements depuis cinq cents ans, en Europe c'est Rome qui en serait la seule évocation comparable - plus la fragilité et l'humilité de ces bois parfois millénaires



apparition du Mont Fuji (seulement depuis le Shinkansen, malheureusement) - il y a ce magnifique haïku de Bashô, un jour que le Fuji était pour lui resté dans la brume - pour moi, ciel pur et bleu - venant le caresser jusqu'au pied, le Japon moderne et industriel - au hasard des photos que je fais depuis le train, cette tentative d'emballer le volcan dans des échafaudages - cela corroborerait la théorie de Jacques Roubaud comme quoi il ne s'agit pas du vrai mont Fuji décrit par les poètes, mais d'une projection vidéo faite à but promotionnel et touristique sur les vitres du train - oui, Jacques, mais l'aigle qui, à ce moment-là, a surgi sur la toute dernière photo?


retour à Tokyo la moderne (Tokyo Dome, et Shin Ju Ku night and day) - les visages ouvriers sont très denses et beaux - Fumio Chiba me fera découvrir le livre Persona de Kokai Hiroh...


La Douceur dans l'abîme et Paysage fer étaient projetés mardi à l'Institut Français de Tokyo, mais les sans-abri ne sont pas un monopole français, étranges habitations de carton qu'ils se font... j'aurai quand même la chance de disposer de 3 heures de marche quotidienne en moyenne dans la ville


le jeudi 29 au soir, préparation et vérification du Mac sur vidéo-projecteur - les deux chaises sur la scène de l'institut sont pour moi-même et Toshihiro Kokubu, qui a commencé la traduction de Rolling Stones, une biographie - Toshihiro, pour cette soirée, a aussi traduit un passage de Parking et un autre de Mécanique...

avec Toshihiro Kokubu - spécialiste et traducteur de Raymond Roussel, c'est lui qui traduit Rolling Stones, une biographie dont on fera lecture à deux voix... (photos P Rebollar)

dans les deux instituts français et les deux facs, plus les deux journées de stage, l'accueil, les visages... c'est évidemment ce qui restera d'abord
mais je ne suis pas photographe, et si mon petit numérique est parfait pour les paysages et la doc, je m'en sers peu pour les gens
quand même Patrick Rebollar : l'activiste Internet bien connu existe pour de vrai! - d'ailleurs on fêtera nos retrouvailles en s'immergeant dans les arcanes de l'Electronic Village - il faut une certaine dose de vice enracinée, mais quand on sait que l'autre est contaminé au même degré... d'ailleurs, il y en aura toute la semaine des échos dans le journal en ligne de Patrick sur France-Japon.net...


dans les gens à remercier, Christine Ferret, la responsable de la médiathèque de l'institut français de Tokyo, c'est elle qui a tout organisé (ci-dessous à droite, au milieu Odile Dussud, et moi harnaché du micro HF+ oreillette de traduction simultanée - photo P Rebollar) - mais tout un monde d'attentions qui ne sont pas seulement professionnelles...

les enseignants: Odile Dussud à Waseda (conférence sur écriture créative et enseignement, puis stage Perec) et Thierry Maré à Gakushuin (notre belle séance Baudelaire avec atelier voix), mais d'autres rencontres laisseront des traces pour la suite, ainsi Ryûkô Saeki, le traducteur de Koltès (à gauche), ou Fumio Chiba, qui a traduit Leiris ou Michon et créé avec ses étudiants, collègues et assistants, un vrai pôle de littérature française en prise sur le contemporain (à droite avec Odile Dussud - et dans le bureau de Fumio, un fonds surréaliste qui m'a impressionné)


à Kyoto, retrouvailles avec Yasusuke Oura, mon initiateur à la culture japonaise il y a 4 ans, grand spécialiste de Sade, à gauche avec Luc Lang, que je retrouverai à Tokyo (avec Agnès Disson pour compléter l'entreprise de discussion littéraire), et à droite avec Philippe Adam : publié à Verticales et nouveau résident à la villa Kujoyama, le Tourangeau a encore quelque problème avec la position en tailleur qu'exige le tatami ! la cuisine de Kyoto est particulièrement raffinée, mais quand c'est Yasu qui vous a conduit là, on doit s'y attendre

retour Tokyo, Luc Lang en plus net, cette fois avec Thierry Maré, inlassable théoricien même dans la nuit de Shin Ju Ku, et un instant du stage d'écriture à l'institut français, explication avec Artaud (à nouveau photos P Rebollar)...

à l'institut de Tokyo, Jacques Soulillou, le directeur, me fait signer le livre d'or, mais avec Echenoz, Daeninckx, Cadiot et Michon c'est juste compléter le tableau de famille... le mot commun aux cinq, c'est MERCI


retour évidemment, il faut bien : dans la même journée à laquelle on rajoutera 13 h, aux limites du pôle nord, au-delà des côtes sibériennes, la banquise... étrange les premiers pas dans Paris dans la fin d'après-midi, entre RER et Montparnasse, après 10 jours d'une politesse jamais en défaut