retour François Bon, journal
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ciel bleu sur les friches à minuit 18 décembre 2003, à Grenoble, pour
les 60 ans de Keith Richards François Bon, le journal images |
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ciel bleu sur les friches Grenoble, 18 décembre 2003. Parti en train ce matin 6h30, changé à Lyon, arrivé midi. Déjeuner avec Jean-Paul Angot, directeur adjoint de la Maison de la Culture (ex Cargo). La scène nationale de Grenoble, historiquement fondée par André Malraux en 1968, est en travaux, et réouvrira (majestueusement, on l'espère, et Jean-Claude Gallotta y contribuera) en septembre 2004. Pour la saison hors les murs, le Cargo s'est installé sur une curieuse friche industrielle, ancienne usine d'armement, qui au soir semble fourmiller d'ateliers de danse, répétitions de musique. La "baraque" en bois construite là accueille, 23 soirs de suite, pour les 23 soirs du calendrier de l'avent, 23 spectacles de toutes disciplines. Gallotta évidemment, mais j'aurais bien voulu être là pour la performance du violoncelliste ami Vincent Ségal, ou 4 litres 12 ou, un autre soir, accompagné de son fils Olivier, le vénéré Michel Portal. C'est un peu le hasard: quand Jean-Paul Angot m'avait invité, c'était en me proposant une performance Rabelais, et la date du 18 décembre. C'est en raccrochant que j'ai pensé que ce serait le jour même des soixante ans de Keith Richards, et qu'on pourrait bien le marquer ensemble, et que le grand Rabelais pouvait bien laisser la place aux Rolling Stones... Découverte du lieu, le provisoire qui s'ancre sur l'abandonné, pourtant tout cela inséré dans le tissu urbain grenoblois, avec en perspective les premières neiges, toutes étincelantes...
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A 14h, je découvre la salle. On a installé pour moi un écran où un vidéo-projecteur projette par l'arrière des images en 4 mètres sur 6. J'installe l'iBook sur une petite table, j'aurai mon micro, et c'est de la petite machine de plastique que je piloterai, tout en parlant, les extraits musicaux via iTunes, un diaporama d'images fixes des archives Stones, et qu'on passera quelques extraits des 3 grands films de notre histoire Stones: One + One de Godard, la scène d'Altamont dans Gimme Shelter des Maysles, enfin un extrait du sulfureux Cocksucker Blues de Robert Frank, bravant l'interdit: mais c'est évidemment pour réfléchir et partager ensemble. A la nuit tombée, un autre vidéoprojecteur fait défiler des nuages dans un ciel bleu sur un des murs de la friche, la salle se remplit et j'ai la trouille, malgré la présence d'amis (Etienne Arlot, Miguel Aubouy...). Puis une fois lancé, c'est ce vieil art de conteur qui me semble toujours un abîme. L'iBook assure solidement, on remonte en musiques rares, portraits et anecdotes la formation des Rolling Stones: au lieu des 1h20 prévues, ce sera plutôt 2h non-stop...
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et quelques réflexions sur les intermittents du spectacle Hervé, dans le métier, qui
ne le connaît pas ?
Dans la caravane, on boira le café de l'amitié. Je prends le droit de mettre en ligne ces quelques photographies, sans son autorisation, pour quitter la tonalité hargneuse ou répétitive de tout ce qui concerne les Z'Intermittents comme si on ne parlait que protocole et argent: c'est ce qu'on voit sur ces photos, là, un "intermittent", de façon très concrète, et c'est peut-être bien aussi de montrer pour tous les amis étrangers qui fréquentent remue.net - Hervé, en six semaines de présence, aura supervisé la construction du lieu, sa viabilisation, sa sécurité, l'accueil des artistes, la mise en place des 23 spectacles, les équipes qui s'y succèdent. L'organisation du "spectacle vivant", justement pour que ce soit vivant, suppose que ceux-là y consacrent du métier bien sûr, mais une mobilisation, du temps, de la vie (jour et nuit) et tout ce qu'ils savent faire ou apprennent sans arrêt à mieux faire. Dans la caravane, fax, imprimante, un iBook G4 (moi je n'ai qu'un G3!), et une vraie bibliothèque: manuel, certes, mais vrai lecteur. Ceux qui connaissent l'esprit Tanguy n'en seront pas surpris!
Hervé est certes un cas (très) particulier, appelé sans arrêt d'un festival à l'autre. Il va prendre pour deux ans la direction technique de la tournée Zingaro, précèdera Bartabas et ses chevaux à New York, Barcelone et Tokyo, ou La Rochelle et Nancy. Mais comment celles et ceux qui, à 19h45, entrent dans la chaleur de la "baraque" cabaret pour les 2 heures de partage sauraient la caravane garée derrière dans la friche, toutes ces semaines de décembre? Comment imaginer seulement, si on éprouve comme nécessaire à ce qui nous rapproche dans notre communauté, ces spectacles danse, musique, théâtre, et un peu de littérature, sans veiller à la seule possibilité sociale de ceux qui en sont l'armature souterraine? Dans la fraternité du spectacle, on le sait bien, qu'on est artistes ensemble, que la magie des 2 heures on l'aura préparée ensemble... Si Hervé ne risque pas de tomber sous le seuil des "507 heures" qui valent pour leur assurer continuité d'existence, combien d'autres vont se voir priver de la liberté, à nous aussi essentielle, d'organiser leur vie de façon à ce que ces événements singuliers, mais ponctuels et nomades, puissent nous être encore accessibles... Et comment transmettre ce savoir, former ceux qui débuteront, avec des caravanes sans doute un peu moins fournies et des variations saisonnières plus marquées ? Les gens comme Hervé assurent aussi cette transmission et cette mémoire : sinon, pensez bien, les équipes locales des théâtres se débrouilleraient sans l'appeler... |
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Chose sûre, depuis l'été dernier, les débats, actions, réflexions n'ont laissé personne de toute cette communauté du spectacle à l'écart. Et c'est toujours à leur façon, pas forcément du discours, mais de geste et d'image: ainsi, dans l'entrée de la caravane que remorquera bientôt de Grenoble à Aubervilliers/Zingaro le camion d'Hervé, ce grand panneau fresque, autour du "No Pasaran"... FB, 19 décembre 2003 |