répondez à mes e-mails, 2

parmi les e-mails reçus ou envoyés


1

Reçu d’un ami, mais je ne dirai pas qui c’est. C’est l’avantage du mail, transmis comme comme ça dans la nuit, on peut se dire tout ce qu’on veut, même des trucs qu’on ne se dirait pas face à face. Par exemple, le rêve dont on sort, et qui vous hante encore la cervelle.

Le rêve de cette nuit on en a pas retenu des bouts entiers. Image d’un désert cactéen en Amérique du sud, il s’agit de manger des champignons hallucinogènes. Je me souviens d’un ami d’enfance mort d’une overdose à 17 ans, qui me disait alors qu’il avait avalé de la psyllocibine, petit champignon magique qui pousse en automne sous la bouse de vache dans le Jura, qu’il se voyait comme un torse, glissant sur un miroir.

Ensuite lumières électriques, fluo, le rêve saute, c’est Shangai, où j’habite avec ... Je suis vieux, c’est une vie, heureuse, dilatée.

2

Proposition d’intervention dans le stage "formation d’animateurs" d’un organisme d’atelier d’écriture :

...cette formation se fait sur une année, un week end par mois.

je trouverais vraiment bien, à tous points de vue, que vous interveniez
dans notre formation !
Nous avons un dernier week end les 4 et 5 juin . les séquences se
déroulent le samedi de 14 à 20 heures et le dimanche de 9 à 16 heures. (
dans nos locaux, cinquième arrondissement, cluny la sorbonne)
Seriez vous d’accord pour intervenir, une heure, deux ; plus, moins,
selon vos envies et disponibilités... dans la tranche horaire qui vous
irait le mieux !
simplement pour leur parler de comment vous menez un atelier d’écriture
tout en étant un écrivain !

Pourquoi TOUT EN ÉTANT un écrivain ? et pourquoi tout en étant UN écrivain ? C’est précisément ce que l’atelier d’écriture renverse : l’écriture devient chose publique, c’est l’intensité qui compte. Et pourquoi avoir publié me rendrait inapte à ce partage, par rapport à des gens qui veulent exercer cela comme métier ? Et la corporation des "écrivains" est-elle donc si monolithe et grise ? J’ai refusé bien évidemment, un peu trop violemment bien évidemment, ma réputation va pas s’arranger.

3

Autre courrier (postal) auquel j’ai répondu (par mail) de façon un peu virulente, mais c’est bien, aussi, le côté impulsif du mail. Là c’est moi qui parle :

Objet : Le livre des héros de la Vienne au XXème siècle, Le Pictavien éditeur.

Chère madame,

Suite à votre courrier du 3 mai 2005, je vous prie et vous demande instamment de bien vouloir retirer toute mention de mon nom et de mon travail dans votre ouvrage Le livre des héros de la Vienne au Xxème siècle. Sans toutefois vous adresser cette demande par recommandé avec accusé de réception, je vous prie de prendre acte que je considèrerai un éventuel non respect de cette demande comme un préjudice.

Le seul élément comique de votre lettre c’est cette idée de “réserver aux principaux intéressés et à leurs proches une édition spéciale à un prix préférentiel”, je vous souhaite de bonnes affaires avec tous les héros que vous publierez.

Avec l’assurance de ma meilleure considération

F Bon

D’ailleurs, rigolo, depuis au moins 10 ans c’est le Who’s Who qui m’envoie une régulièrement chaque automne une lettre, invitant à remplir les renseignements pour figurer dans leur bouquin, quel honneur, avec incitation comme quoi on pourra même l’acheter à prix réservé : pour vérifier qu’on y est, même s’il n’y a que soi que ça puisse intéresser ? Je ne suis pas dans le Who’s Who !

4

J’avais déjà cité dans le précédent Répondez à mes e-mails un message reçu de Jérôme P. Je ne l’ai jamais rencontré, mais cela fait deux ans qu’on correspond ainsi, de Tours à Poitiers (c’est pas loin), sans d’ailleurs que les e-mails appellent une réponse. C’était le cas de celui-ci :

Je suis allé au château d’Avanton, où avait lieu une sorte de fête médiévale. Ma fille y participait, avec un groupe de musiciens spécialisés dans le répertoire de la Renaissance, élèves et professeurs du Conservatoire.

Avanton se trouve au-delà de Migné-Auzances, sur la route de Neuville, à mi-chemin entre Poitiers et Mirebeau, au milieu des champs de colza (cette drôle de couleur artificielle, ce jaune chimique).

Il y avait une espèce de vide-grenier dans le village. Je suis allé y jeter un coup d’oeil, bien qu’en principe ce genre de brocante m‚attriste plus qu’autre chose, avec ces gosses qui vendent leurs vieux jouets, dînettes, petits personnages. Leurs parents, qui essaient de se débarrasser des romans Henri Bordeaux, des "voyages" de Roland Dorgelès, qui pourrissent dans leur grenier depuis plusieurs générations, etc... J’ai demandé à un marchand s’il avait du Pierre Benoit. "Ah non, on n’a rien du Père Benoit". OK...

Puis j’ai rejoint le château. De vieilles femmes en habits médiévaux, genre téléfilm yougoslave, s’apprêtaient à gagner le bourg, accompagnées par l‚ensemble Renaissance, composé d’un excellent joueur de cornemuse, de deux flûtistes, dont ma fille, et de deux autres musiciens.

Le cortège s’est mis en route. Je les ai accompagnés. Ils ont gagné le vide-greniers, toujours jouant, s’époumonant. Le « cornemusier » est considéré comme l’un des meilleurs de France. Il joue avec Denez Prigent. Il sera cet été à Lorient, au festival inter celtique. C’est un type d’une trentaine d’années, assez grand, avec un début de calvitie et beaucoup de présence. Licence de lettres et de breton. Sa compagne, bien que musicienne classique, est coiffée punk. Elle était habillée en punkette Renaissance. Une Siouxsie en robe de brocard. Ils ont été rejoints par le percusionniste qui s‚est mis à marteler un tambour brésilien. Très surprenant. Du plus bel effet. On aurait dit à lui seul Adam and the Ants au grand complet, ou les tambours du Burundi !

Puis j’ai visité le château, l’extérieur et l’intérieur. On a creusé une piscine a été à côté d‚un bosquet touffu, impénétrable. Des murets à moitié éboulés la bordent et donnent sur la plaine.

Derrière la bâtisse, des ceps encore nus descendent vers un autre bouquet d’arbres. Ils feraient bien d’élaguer leurs bois, sinon les arbres vont s’étouffer.

Dans les caves, ils avaient aménagé deux salles de spectacles, tendues de velours rouge. Marionnettes et théâtre. Mais je ne m‚y suis pas attardé. Je voulais voir ma fille, l’entendre jouer.

Au second, il y avait une exposition d’objets insolites. J’ai félicité le sculpteur sur métaux. Il avait assemblé un magnifique brochet préhistorique, et un énorme coelacanthe avec des yeux globuleux, ou une baudroie, dans le goût de Jérôme Bosch. « El Bosco », comme disent les Espagnols. Je l’ai complimenté, en toute sincérité. « Vous avez beaucoup de talent et une riche imagination », ça a eu l’air de lui faire plaisir, d’autant plus qu’il avait l’air timide. Tant de visiteurs passent l’air morne, bovin ou indifférent, devant les réaqlisations de ces artistes comme s’ils longeaient les rayonnages des hyper.

Au dernier étage, sous les combles, parfaitement aménagés, il y avait une espèce d’atelier d‚écriture, une gigantesque arnaque. L’animatrice y faisait une séance de "sophrologie", en bandant les yeux des participants, leur infligeant des musiques pseudo planantes. Elle avait dû en trouver quelques CDs d’occase chez « Natura » entre les huiles essentielles, les baromètres sophistiqués et les appeaux pour les oiseaux. « Concentre-vous sur un objet que vous avez vu par la fenêtre »... Cela m’a fait fuir à tout berzingue. Je suis complètement réfractaire à ce genre de truc. Je me suis barré vite fait !

J’ai retrouvé l‚immense salle où jouaient les musiciens. Ils nous ont fait danser des espèces de menuets, interactivité oblige... J’avais pour partenaire une grosse dame qui avait l’air triste. J’avais du mal à suivre le mouvement. Je devais avoir l’air ridicule. M’en fous. Puis le Brésilien du groupe, multi instrumentiste, a présenté tous les instruments. Il nous a montré sa vielle à roue, sorte de sitar médiéval, avec son bourdon et son chien. Il a joué d’une cornemuse espagnole, la « gaita », d’une façon efficace, mais avec moins de dextérité que l’autre « maître sonneur ». Celui-ci nous a fait une démonstration de cornemuse écossaise, époustouflante, assourdissante, réjouissante.

Puis on a dansé des sortes de rondes médiévales, ou du XVIème siècle, au son d’une des trois cornemuses.

J’ai passé un bon après-midi.

5

Reçu de l’ami Thibaud Saintin, ce mail que lui-même a reçu au lycée français de Manille, via son site. Je laisse les coordonnées, s’il y a des intéressés.

Madame, monsieur,

Pour la saison 2 de notre série documentaire « le Pensionnat », nous recherchons pour le mois de juillet prochain des professeurs de diverses matières dont un professeur de Français Latin.

"Le Pensionnat" est une série documentaire qui sera diffusée sur M6 et qui plonge élèves et professeurs dans les années 60.

Objectif pour ces élèves : obtenir le BEPC de l’époque.

Nous recherchons de vrais et talentueux professeurs.

C’est pourquoi, je me permets de vous contacter car votre site internet a retenu mon attention.

Je reste à votre disposition pour tout complément d’informations.

Très cordialement,

Sidonie Bonnec - 01 55 93 78 53

Extra box - Bât 134 - 50 av président Wilson - 93 214 La Plaine Saint Denis Cedex

6

Ai été très impressionné par ce mail transmis par la liste Perec, auquel j’ai donné réponse citée ensuite :

On sait que les architectes de la rue Simon-Crubellier (La Vie mode d’emploi) sont les frères Auzère.

J’avais remarqué l’analogie avec Hauser (Gaspard) "le faiseur de maison", et
que ce nom se lisait à rebours "réseau", mais voici que mon attention a été
attirée par le nom de Rezeau, celui de la famille de "Vipère au poing" de
Bazin.

RE-ZE-AU, AU-ZE-RE, une autre forme de réseau palindrome.
Quelques notes de lecture (rapide) :
 le premier droit retiré aux frères Rezeau est celui de "l’ourson", de se
promener dans le parc (cf W où l’un des souvenirs de Perec est de dévaler la
rue des Couronnes en criant "les oursons !")
 les Rezeau ont leurs armoiries "de gueules au lion d’or passant" (cf VME
43)
 la rivière qui coule dans le domaine des Rezeau est l’Ommée, où les fils
tentent de noyer leur tyrannique mère (l’Omègue et le Chalde de W)
 Jacques Rezeau père a un ami nommé Poli (cf Jacques Poli ami de Perec)
 "Et le train démarra, tandis que je faisais des efforts désespérés pour
savoir si le numéro du wagon, AH 459 457, était un nombre premier."

Ma réponse, transmise aussi via la liste :

A rapprocher du passage de Poesie :, dans lequel Jacques Roubaud part à la recherche des rues de Paris sans la lettre “e” - je cite : “Guyot, Haussmann (boul’vard) (je reste dans le neuvième arrondissement), Jadin (vraiment ? Il y a une rue Jadin ? Je ne suis jamais passé, je crois, rue Jadin (il faut que j’y aille voir de près, au cas où ce soit une rue inventée (si je devais faire un guide des rues, elles seraient ordonnées d’une manière moins élémentaire que par l’ordre alphabétique, et il y aurait au moins une rue qui aurait dû exister, mais n’existe pas en apparence)))” - p 126, fin cit.

La rue Jadin est je crois la seconde rue nommée dans LVME, et ce jeu avec le réel ou le livre dans le livre dans Poesie :, que Perec traverse dans bien d’autres passages, la question ce serait en quoi ces jeux formels, quand ils tendent à l’invisible, sont comme les couches successives de vernis d’un instrument de musique, et deviennent l’instance même de l’imaginaire dans la phrase ?

F Bon

7

Un autre point d’interprétation qui nous pose à quelques-uns de par le monde de sacrés problèmes d’exégèse.

Tout part de l’entretien en ligne d’un nommé Jimmy Johnson (il doit y avoir pas mal de Jimmy Johnson), qui était l’ingénieur du son lors des 2 jours que les Rolling Stones, juste avant Altamont, passent au studio Muscle Shoals, et ù ils enregistreront Brown Sugar, Wild Horses avec le piano désaccordé de Jim Dickinson plus I gotta move, voir le film Gimme Shelter des Maysles Brother, qui les y accompagnent : de l’Histoire (en tout cas, la nôtre).

Seulement voilà : Keith Richards joue toujours sur Gibson Les Paul, et sur scène (à Altamont en particulier) avec cette guitare à corps transparent. Mick Taylor joue d’une Gibson SG (modèle à double pointe) et on n’a jamais, jamais vu une seule photographie de Keith avec une SG, jusqu’à aujourd’hui, 35 ans plus tard, où Jimmy Johnson nous affirme que Brown Sugar est enregistré à la SG...

Keith se promenait l’autre vendredi après-midi dans les rues du vieux Tours avec son pote Jagger, puisque le bonheur a l’air revenu au beau fixe entre eux deux, et que c’est ici, à Amboise, cet hiver, qu’ils ont enregistré leur prochain disque, et qu’apparemment c’est pas de la frime : ils y ont passé du temps, se sont procurés du matériel années 60 (un orgue Hammond B3, une console analogique...). Zut, il aurait fallu vite le lui demander.

Keith sur une SG pour la version originale de Brown sugar... J’ai reçu l’article hier soir et je suis seulement en train de m’en remettre. 20 ans de ma vie viennent de changer de couleur. Ce gars de Muscle Shoals a inventé pour moi la machine à remonter le temps.

L’interview de Jimmy Johnson donne quelques autres pistes, les petits amplis Fender Twins poussés à fond et repris par un micro à 12 cm, la façon dont Jagger enregistre les vocaux tout seul dans une pièce à part...

Dialogue échangé, un de plus, avec un ami inconnu de la galaxie stonienne :

Mais en fait, ça cadre parfaitement, ce son râpeux, lourd mais sec, une Les Paul, c’est presque trop propre, même avec seulement le micro de chevalet, même en saturant le Twin. En plus, accès facile pour le sol ouvert à la 12ème case...

Mais je n’ai jamais vu Keith avec une SG, pas une photo, pas un récit, rien ! Et toutes ces photos avec des Les Paul, même une Flying V à Hyde Park, les diverses Gibson sur scène aux dernières tournées, mais une SG, jamais !

Mince, il va falloir que je réécoute tout les enregistrements fin 60s début 70s, il y a peut-être la réponse à des questions que je me pose depuis un moment sur certains sons d’Exile...

Bref, bon article, je vais me mettre à la traduction cette semaine, je n’aurai pas le temps ce soir pour la lettre de demain.

Amicalement,

Arnaud

8

Et pour finir, un petit bonheur de passage, y en a pas tant que ça. Lettre reçue de Rimouski, pour aller voir l’estuaire au printemps, le grand estuaire, celui qui a fasciné Jacques Cartier.

Depuis on a avancé un peu, on parle d’un stage d’écriture, d’une lecture Rabelais... En tout cas, ça aidera le moral !

Nous aimerions vous inviter à prononcer une conférence dans le cadre d’une rencontre interuniversitaire qui regrouperait les étudiants des cycles supérieurs et les professeurs des programmes conjoints en études littéraires offerts par trois constituantes de l’Université du Québec. Cette rencontre aura lieu les 21 et 22 avril 2006, dans la ville de Québec.

Vous auriez toute latitude quant au sujet de votre conférence, qui pourrait durer une heure et serait suivie d’une période de questions d’une vingtaine de minutes. Vous auriez devant vous un auditoire d’une cinquantaine de personnes bien au fait de vos travaux et enthousiasmées à l’idée de vous entendre. Vos frais de déplacement et de séjour, de même qu’un per diem, seraient assumés par notre comité de coordination des études de cycles supérieurs.

De façon à pouvoir organiser cette rencontre, nous aimerions recevoir votre réponse définitive dès que possible. D’ici là, nous demeurons à votre disposition pour discuter plus avant des modalités de votre venue au Québec.

Avec la réitération de notre intérêt à l’endroit de vos travaux, nous vous prions d’agréer l’expression de nos sentiments les meilleurs.

Le comité de coordination des études avancées en lettres

Frances Fortier, Université du Québec à Rimouski

Hélène Marcotte, Université du Québec à Trois-Rivières

Luc Vaillancourt, Université du Québec à Chicoutimi


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1ère mise en ligne et dernière modification le 14 mai 2005
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