une proposition de construction narrative depuis un lieu collectif, en 14 étapes
– sommaire général du cycle « roman maison »
– sommaire général des ateliers Tiers Livre
– accès direct plateforme de publication
– sur Patreon ((pas d’extrait à télécharger, voir directement La vie mode d’emploi).
#07 & #08 | le répertoire des noms, l’index des histoires
Un cycle d’écriture à partir, quatorze fois, de La vie mode d’emploi ? Si vous êtes parti sans votre exemplaire, on vous envoie volontiers, chers abonnés, la version numérique !
Sinon, vous le savez, dans l’édition Hachette de La vie mode d’emploi, les 90 pages qui suivent le chapitre 99 et son épilogue avec le mot fin sont consacrés aux index et tables des matières, plus un plan en coupe de l’immeuble.
Deux de ces index sont presque des oeuvres en soi, puisque leur statut est bien sûr d’abord utilitaire, mais littéraire en tant que tel, si chacun est un inducteur d’imaginaire qui ne se distingue pas de l’appel à lire du roman lui-même.
C’est cet aspect que nous voudrions aujourd’hui explorer, et l’explorer pour lui-même.
Au départ, je pensais à deux exercices distincts, mais ils relèvent d’une même idée et d’un même protocole, je vous propose donc de fondre ces deux propositions, la #07 et la #08, mais de garder distinctes vos deux contributions, et les publier séparément.
La première s’appuie sur l’index des lieux et personnages (réels et fictifs confondus) du livre de Perec. La deuxième sur son « index des histoires ».
Pour la première, nous n’allons retenir que les noms propres. Nous allons peupler le lieu en cours d’écriture, celui que chacune et chacun développe dans ce cycle. Mais, provisoirement, effectuer comme un recensement, une vue d’ensemble de ces noms propres. Ils sont les occupants présents, ils ont été les occupants à chaque période de temps, ils ont été toujours là ou simplement de passage. On ne raconte pas leur vie, ni leur histoire. On en reste au dictionnaire, la deuxième partie du dictionnaire, les noms propres.
L’enjeu : nous connaissons certains d’entre eux. La part concrète de notre construction va faire un saut en avant, parce que nous les nommons. Avec une bifurcation : devoir de réserve, vie privée, peut-être ne souhaitons-nous pas, ou n’avons-nous pas le droit, de donner à ces personnages leur vrai nom. Il faut le leur inventer, mais que cette invention soit suffisamment discrète pour ne pas sentir à dix pas son pseudonyme. D’autre part (je cite Balzac ou Modiano), les personnages d’une fiction, ou même d’un récit directement lié à son univers de référence, s’octroient souvent de concaténer plusieurs personnages réels (liés à ce référentiel) dans un seul personnage de la narration (donc fictionnel).
Et c’est là où nous introduirons, non pas une nouvelle bifurcation, mais un univers symétrique : ce lieu collectif que nous ébauchons, comme Perec son immeuble, bien des figures nous en sont restées anonymes. Ou trop provisoires. Alors, ces noms, et leur fonction ou leur lieu propre (comme dans l’index de Perec on rappelle en une ligne et demie qui ils sont), on les invente, pour peupler, oui, notre lieu, lui donner son épaisseur et sa multiplicité humaines, même pour celles et ceux dont jamais nous n’avons rien su. Et ces deux strates, noms de ceux qu’on a connus ou dont on peut reconstruire l’identification, même s’il faut leur forger un nom fictionnel, et les noms de ceux qu’on n’a pu identifier mas qui constituent ce peuplement du lieu collectif, on les rejoint dans un même index alphabétique (ou pas, selon l’ordre seulement où vous les écrivez), chacun avec une ligne ou une ligne et demie qui précise leur rôle, leur époque, leur fonction ou statut ou occupation.
Et puis cette immense singularité de La vie mode d’emploi : entre 110 et 120 histoires imbriquées dans le livre, qui lui donnent son épaisseur au sens strict, mais aussi pour l’hétérogénéité et les barrières infranchissables de l’une à l’autre, la façon aussi dont elles rejoignent, se fondent, ou gardent un statut indirect par rapport aux habitants de l’immeuble dont elles investissent le chapitre.
Un point commun à cet index des histoires : eh bien, le titre justement. De les classer selon une terminologie fixe : Histoire du..., Histoire de.... Et que pour autant on n’a pas besoin de la raconter, cette histoire. Toutes ensemble, elles forment un paysage. Un puzzle au pays du faiseur de puzzle (l’histoire si principale du faiseur de puzzles, qui préside à tout le livre, figure dans le répertoire des histoires). Des voyages, des aventures sentimentales ou professionnelles, des spéculations, des disparitions, des événements particuliers, mais aussi des métiers, des allégories concernant l’écriture même : relisez l’histoire de l’effaceur de mots !
Et nous, alors ? De même qu’on a peuplé de noms propres notre lieu, noms connus, noms inventés, pour en proposer le répertoire, on invente autant d’histoires possibles, il suffit de se laisser porter par l’incantation des titres de Perec, les 120 histoires autonomes imbriquées dans son livre. Pour notre propre aventure, on n’aura pas à reconstituer ni écrire ces 120 histoires : mais chacune des histoires vers lesquelles, dans la suite de ce cycle, on va glisser, s’inscriront dans cet index où elles seront potentiellement bien plus nombreuses, potentiellement infinies.
Ces deux index, dans La vie mode d’emploi, viennent à la fin du livre. Mais, dans l’écriture, est-ce que ce ne sont pas des outils génétiques, deux ensembles qui se constituent à mesure même qu’on avance dans sa propre rédaction, réserve des idées autant que des histoires, que ce soit inclus dans le fichier même, ou via fichiers séparés ?
C’est bien l’enjeu de ce double répertoire, les noms propres, les histoires, que je vous invite à entreprendre dès maintenant, et qui resteront bien plus larges que ce que nous en réaliserons, mais c’est justement leur fonction que de créer un imaginaire des possibles, et de le faire résonner autour de chacun des récits que nous allons maintenant commencer d’accumuler.
Écrire ces noms, et désigner ces histoires, sera comme autant de promesses pour l’écriture, autant de traces aussi pour le souvenir. Et, en même temps, un outil qui sera dès à présent ouvert en permanence pour développer nos récits.
Hommage aux cent dernières pages de l’objet-livre si singulier de Perec : ses index et répertoires, leur rôle de tenseur et d’amplificateurs dans le temps même de l’écriture.
1ère mise en ligne et dernière modification le 25 décembre 2024
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