#LVME #06 | commencer par la fiction, trois fois

une proposition de construction narrative depuis un lieu collectif, en 14 étapes


 


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roman maison #06 | commencer par la fiction, trois fois


La vie mode d’emploi toujours, c’est le chapitre 89, titre Moreau, 5.

L’histoire : notre madame Moreau vieillissante a accueilli chez elle une demoiselle Trévins, amie d’enfance a-t-on appris dès Moreau, 1. On va la retrouver dépositaire de cinq nièces imaginaires, et les surfaces vont se décoller comme des décalcomanies, mais en se multipliant. Un livre est présent dans la chambre de cette madame Trévins sans prénom (c’est la seule de la tribu), lequel est une biographie de ces cinq soeurs. Et nouveau dépli : les aberrations narratives présentes dans cette biographie fait que la madame Trévins en titre, celle qui vit chez son amie Moreau, écrit sa propre autobiographie, en réponse et pour restituer la vraie vérité de chez les Trévins (je simplifie un peu, mais c’est un des chapitres les plus complexes de La vie mode d’emploi. N’empêche que chaque détail de la fausse biographie révèle une chaîne d’emboîtements qui revient jouer avec le dispositif du livre, exemple, voici donc :

[...] un livre d’environ quatre cents pages, recouvert d’un protège-livre en papier flammé : c’est La Vie des Sœurs Trévins, par Célestine Durand-Taillefer [chez l’auteur, rue du Hennin, à Liège (Belgique)].

Puis la suite et rebond :

[...] et Célestine Durand-Taillefer ne saurait habiter rue du Hennin à Liège, car il n’y a pas de rue du Hennin à Liège ; par contre, Madame Trévins avait une sœur, Ariette, qui fut mariée à un monsieur Louis Commine, et en eut une fille, Lucette, laquelle a épousé un certain Robert Hennin, lequel vend des cartes postales (de collection) rue de Liège, à Paris (8e).

Et ultime rebond via la vie de la vieille dame Trévins :

Madame Trévins mit plusieurs années à écrire cette histoire, profitant des rares instants de répit que lui laissait Madame Moreau. Elle apporta un soin tout particulier au choix de son pseudonyme : un prénom très légèrement évocateur de quelque chose de culturel, et un nom double dont l’un est d’une banalité exemplaire et dont l’autre rappelle une personnalité célèbre. Cela ne suffit pas à convaincre les éditeurs qui ne savaient que faire d’un premier roman écrit par une vieille fille de 85 ans. En fait Madame Trévins n’avait que quatre-vingt-deux ans, mais pour les éditeurs cela ne changeait pas grand-chose et Madame Trévins, découragée, finit par se faire imprimer un exemplaire unique, qu’elle se dédia.

Je crois que c’est la seule occurrence dans La vie mode d’emploi d’un dispositif aussi complexe concernant le livre en tant qu’écriture et en tant qu’objet.

Et ce sera ma proposition #06 : ce lieu qui commence à prendre forme dans vos textes précédents, on va y installer — non pas ces cinq soeurs nées quintuplées en dix-huit minutes, et devenues artistes de cirque sous le nom des Filles du feu, tiens tiens... — trois fois une brève fiction concernant un des coins et recoins du lieu à naître, ou des personnages qui l’occupent (ou l’occupèrent).

Et puis, comme le livre-réfutation qu’écrit la tante elle bien réelle (oui, bien réelle en tant que personnage du livre !), on va établir, en face des trois brèves fictions, trois réfutations concernant la part réelle de ces coins et recoins, ou la part réelle des personnages qui ont constitué la source de ces fictions.

C’est du dépli, et de la décalcomanie avec multiplication ? oui, et c’est bien ce à quoi procède Perec dans ce Moreau, 5.

Mais, lieu réel, lieu fictionnel, on aura progressé d’un pas considérable : c’est la fiction qui inventorie le réel, et ce qu’on écrit c’est à la fois la fiction qui révèle le lieu objet du texte (j’y insiste lourdement : pas possible d’acheter des chaussettes dans Au bonheur des dames de Zola, quelle que soit l’illusion de réel il s’agit de sa construction, en tant que lieu réel, dans un livre) et les petits timbre-postes de réels qui ont permis la construction de la fiction, en sont la part non fictionnelle.

Une proposition #06 qui sera donc constituée de trois bribes de fiction liées à des coins et recoins ou personnages du lieu qui est le sujet-objet de votre récit en construction, et trois réfutations qui sont le réel-source où s’ancrent ces trois bribes de fiction.

Attention : je vous rappelle mon titre, commencer par la fiction, trois fois. Merci d’y veiller, sinon ce sera du rien de rien : on ne passe pas du réel-source à une reconstitution fictionnel, ça s’écroule de suite. D’abord la fiction, et ensuite, seulement ensuite, la réfutation qui convoque les éléments du réel-source qu’on va aller retrouver depuis le saut fictionnel. D’abord la fiction, ensuite la réfutation.

Et, dès maintenant, une bifurcation décisive pour l’existence de votre lieu en tant que ce « roman maison » qu’on poursuit !

 


responsable publication François Bon © Tiers Livre Éditeur, cf mentions légales
1ère mise en ligne et dernière modification le 20 décembre 2024
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