#LVME #05 | vue extérieure, le paradoxe Perec

une proposition de construction narrative depuis un lieu collectif, en 14 étapes


 

 

roman maison #05 | vue extérieure, le paradoxe Perec


Donc phase 2 pour ce cycle, rythme resserré des propositions, donner de l’élan à ce « lieu-roman » en phase d’élaboration pour chacun·e des participant·e·s.

Et partit pour cela d’un paradoxe : l’immeuble de La vie mode d’emploi devient un livre, tout rempli de cases entre lesquelles on circule, d’étage à étage ou d’année à année, sans relâche tout au long des 99 chapitres. C’est aussi un lieu monde : par l’élaboration de ces puzzles avec vues rapportées de la totalité du monde, assemblées sur place et dont la fin du livre signifiera la destruction. L’immeuble, par le jeu de ces puzzles, est devenu allégorie-monde.

Mais à quoi il ressemble vu du dehors ? Quand on passe devant la porte ? Ou question symétrique : dans chaque pièce dans laquelle on entre, il y a une ou des fenêtres, on voit, sinon la ville, la rue, la cour, les immeubles voisins ?

Eh bien non. Perec construit un immeuble-grotte, si rempli d’histoires et de circulations que l’absence d’un dehors nous reste invisible, d’autant que chacune des histoires imbriquées nous fait voyager dans le monde entier, et que le chemin des puzzles, pour être peints sur place, rapportés ici et reconstitués, fait de l’immeuble un gigantesque labyrinthe terrestre qui remplace cette peau extérieure invisible.

Est-ce différent dans le rêve ? Cette question suffirait à donner l’enjeu fictionnel de ce paradoxe.

Et nous, on va tricher. On va balayer ça de la main, et le lieu élu par chacune et chacun, lieu d’habitation, immeuble, tour, hameau, rue ou quartier, ou bien lieu associé au travail, galerie commerciale, atelier d’usine, espace administratif, ou bibliothèque ou établissement d’enseignement, on va aujourd’hui, pour cette cinquième proposition, en déterminer la vie extérieure — une vue extérieure.

La vie mode d’emploi est comme tapissée intérieurement de représentations graphiques, ou imagières : affiches, journaux, toiles ou gravures. Et 69 occurrences du mot photographie.

Photographies parfois décrites, parfois pas. Mais massivement des usages conventionnels ou archétypes de la photographie : événements et rituels de famille, portraits.

D’où le petit écart que je vous propose : Un cabinet d’amateur est le livre publié immédiatement après La vie mode d’emploi : 1979, un an d’écart. Au point qu’on pourrait avoir l’impression d’un chapitre enlevé, simplement parce que devenu trop long.

Mais une histoire dont les 80 pages se lisent d’un trait. Histoire compacte, malgré l’éclatement et les imbrications de ses figures. Histoire à la Perec : le principe même de la collection d’images, les ventes et dispersions de cette collection, comme sa constitution aussi, et le fait que les images décrites puissent être fictionnelles (tableaux représentés dans les tableaux, mais qui n’ont pas existé, dès le début).

Dans Un cabinet d’amateur, sur le permanent feu d’artifice des « images » décrites, ou en tout cas surgissant et s’effaçant dans le récit, un certain nombre constituent des scènes urbaines ou des paysages, ce sont cinq de celles-ci que je vous propose dans la fiche téléchargeable.

Et puis une mention spéciale : non pas une toile, mais soudain un objet. Deux rouleaux parallèles, et la toile peinte qu’on déroule de l’un vers l’autre. Décor de théâtre de marionnette, sans doute vu réellement (où et quand ?) par Perec lui-même ? On les trouve attestés à Londres en 1880 (pas trouvé d’image cependant, mais je n’ai pas visité le musée de Charleville-Mézières ? Lisez, lisez au moins ce passage : et si vous y placiez ce lieu que vous construisez ?

C’est cela qui serait le plus important, et où nous nous inscrirons quand même dans une fidélité à La vie mode d’emploi : non pas une vue descriptive du lieu en cours d’écriture, mais un dispositif optique (photographique, cinématographique, photos d’archives, articles de journaux, caméras de surveillance, passage de Google Car à quelques années successives de distance) dans lequel on perçoit cette vue extérieure est présente — tout ou partie —, figée ou éphémère.

 


responsable publication François Bon © Tiers Livre Éditeur, cf mentions légales
1ère mise en ligne et dernière modification le 17 décembre 2024
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