vers une écopoétique #10 | Roger Caillois, notes pour l’écriture des minéraux noirs

écopoétique et éthique : une chance pour l’invention de récit ?


 

vers une écopoétique, #10 | Roger Caillois, notes pour l’écriture des minéraux noirs


Bien connu, ce livre majeur qu’est L’écriture des pierres de Roger Caillois, en 1966, inclut dans le volume au titre encore plus simple : Pierres.

Mais me frappent deux déplis temporels : le premier, qu’il soit à équidistance de ce qui nous sépare du Galet (1928) et de Introduction au galet (1935) de Francis Ponge dans Le parti pris des choses. La seconde, que ce livre soit comme un aboutissement du parcours de Caillois, après des livres dédiés aux insectes (sa mante religieuse), ou sa célèbre pieuvre, et un véritable continent d’essais sur le rêve, l’imaginaire, le fantastique.

Me frappe aussi, dans cet ensemble comme disjoint et disloqué (cela n’empêche pas la cohérence d’ensemble : des cailloux mis ensemble ne se mêlent pas), l’absence de toute rhétorique de liaison. On a des pierres quasi précieuses, voir l’onyx, des minéraux du plus commun, le calcaire, comme d’autres bien moins saisis par le langage, la météorite.

Et puis, comme si pas possible de s’y confronter par une écriture du même type, un texte distinct, comme orphelin dans L’écriture des pierres, sous-ensemble terminal de Pierres, un sous-titre qui vient interrompre la collection de minéraux, Notes pour la description des minéraux noirs.

Ce qui d’emblée, justement nous sépare de la « description », nous contraint à un « amont » de la description qui ne la rejoint pas — dans le même effet de coupe tenté par Ponge avec son Introduction au galet plus longue que son Galet initial, mais qui ne l’annulait ni ne le remplaçait.

Et puis qu’il s’agisse de minéraux « noirs », donc, outre la dureté et l’opacité, le black-out visuel.

J’ai sélectionné, à télécharger depuis le Patreon ou dans l’espace abonnés, trois approches distinctes : l’agate, le calcaire, et ces notes. Et j’y ai ajouté l’en-tête même des pierres, la « dédicace » qui le précède, et pourrait être comme l’établissement même du champ, aujourd’hui, de notre travail : une écriture et des pierres, et l’auteur qui a été la médiation du langage et de ce à quoi il s’affronte s’est retiré de cette médiation — ici la principale coupure épistémologique avec le Ponge du Parti pris des choses ?

Et ce sera cela, au plus simple, ma proposition. Dans ces Notes pour l’écriture des minéraux noirs s’assemblent près de vingt versets brefs, de une ligne à trois lignes, parfois juste une indication, parfois un embryon de développement.

Rupture avec Caillois : ah bon, dans votre espace d’écriture, il n’y a pas une, au moins une pierre, quelle que soit l’histoire qui vous relie à elle ? Bien sûr que si. Ou partez sur le premier chemin et allez en ramasser une. Mais si cette pierre c’est la vôtre, uniquement vôtre, c’est quoi, vos vingt notes disjointes pour cheminer vers cette description, qu’on se refuse pourtant à bâtir ?

Et vous me direz qu’on n’est pas en terrain neuf ?

 


© François Bon & Tiers Livre Éditeur, cf mentions légales & e-mail
1ère mise en ligne et dernière modification le 11 novembre 2024
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