#écopoétique #06 | Saint-John Perse, pluie, impératifs, versets

écopoétique et éthique : une chance pour l’invention de récit ?


 

vers une écopoétique, #06 | Saint-John Perse, pluie, impératifs, versets


L’eau et les rêves, L’air et les songes, La terre et les rêveries du repos, Vers une poétique du feu : dès qu’on aborde les « quatre éléments » nous revient notre dette aux livres-poèmes de Gaston Bachelard (le vaste paysage des citations qu’il recompose).

Et c’est l’enjeu aujourd’hui, de venir à ces frontières. Un thème simple : non pas la pluie, mais pluies. Oser le mot récollection, accaparé à tort par les pratiques religieuses ? Oui, garder dans le mot ce qu’il porte de méditation, ou bien ce à quoi il n’accède que par cette médiation du chemin intérieur.

Se souvenir des pluies, de nos pluies, par l’âge, le lieu, les intensités — et les saisons, et les villes, ou les forêts. Ou le chaud et le froid. Ou le vent et l’hostilité, ou au contraire ces euphories discrètes. Ou l’immobilité, ou la marche (ou ces fois en voiture qu’il fallut s’arrêter tant on n’y voyait rien, etc.).

Après, ce sera à vous : une pluie, et peut venir le texte. Je cite, pour ces textes où il pleut, ces deux textes majeurs et contemporains à quelques mois près : L’été 80 de Duras et La nuit juste avant les forêts de Koltès. Mais je relisais ces jours-ci La steppe de Tchekhov et la séquence de l’orage y est évidemment centrale. Et vous, votre bibliographie des textes sous pluie ? Elle est aussi précise et large que votre filmographie des scènes sous pluie ?

Mais ce n’est pas l’esprit maison, que se contenter de souvenirs. Quand on avait abordé, en tant que tel, le thème de l’eau, pour le prologue au cycle été 2021 (« Faire un livre »), on avait cité Méthodes de Francis Ponge « Le verre d’eau » avec cette phrase « inquiétude de l’eau »), Les eaux étroites de Julien Gracq, et on y avait juste ajouté, pour en faire une publication collective [1].

Je vous propose, pour aller vers ces pluies, de revenir au texte éponyme de Saint-John Perse. Nous l’avons déjà convoqué dans ces ateliers : c’était pour un « hors-série » sur la notion de l’impératif. En quoi l’usage de l’impératif change la vieille hiérarchie sujet-verbe-complément, et qu’est-ce qu’on peut en tirer pour la poétique comme pour la force nue du texte. Et de cette proposition aussi on avait fait livre collectif, et drôlement tonique à relire. Mais, du texte-source, donc le chant VII de Pluies de Saint-John Perse, nous n’avions retenu que l’usage du temps verbal.

Aujourd’hui, pour rejoindre ces pluies, je vous propose de reprendre (téléchargement sur la page Patreon), le PDF interactif de Pluies (qu’on retrouve dans le NRF/Poésie avec Anabase et Exil), et d’y suivre cette montée progressive des occurrences de l’impératif, dès le chant I, puis dans le V, avant de s’établir comme règle dans le VII, et de revenir encore à la toute fin.

Mais porter attention aussi à la notion de verset : si c’est la coupe, grammaticalement, qui définit le vers, la coupe dans le verset s’applique à une lancée en prose, et l’unité qui en découle n’appartient pas au vers. On peut le suivre à la lettre dans Pluies, avec présence du vers dans le chant I, puis ces lancées d’une ligne et demie ou plus par la suite, enfin, au chant VII, non plus le verset mais lui-même devenu paragraphe de prose.

Est-ce que chaque verset pourrait s’appliquer à une de ces pluies dont vous avez commencé la récollection, depuis le fond des âges, depuis l’éloignement ou la spécificité des lieux, ou l’intensité des situations ?

Ou préférez-vous, comme chez Koltès ou Duras, à vous en tenir à une particulière de ces pluies, pour en faire la totalité de votre texte ?

Dans la vidéo, je reviens aussi sur le contexte biographique de l’écriture par Saint-John Perse de ce texte, en 1943, lors d’un voyage en Louisiane.

Et pas à revenir sur les enjeux symboliques, mythologiques, du retour à ces pluies, et que dans le texte de Saint-John Perse s’y associe de ce qu’elles lavent. Et pas à revenir, encore moins, sur les urgences écologiques dans notre irratrapable anthropocène. Oui, à entrer dans notre récollection des pluies, une urgence d’aujourd’hui.

Et c’est là où la double contrainte, un du verset, deux des impératifs, va nous rassembler, dans le principe même qui justifie ce cycle.

 

[1On peut lire en ligne ou télécharger l’ensemble de ces publications collectives dans le dossier des ressources abonné·e·s de Tiers Livre.


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1ère mise en ligne et dernière modification le 6 octobre 2024
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