#40jours #29 | langage et catalogue de la vie mutilée

au défi d’un exercice quotidien d’écriture pendant 40 jours


 

 

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#40 jours #29 | langage et catalogue de la vie mutilée


Ce serait la face, mais non pas nouvelle, de la vie actuelle : reconstruire espace de résistance, indépendance, trouver les marques neuves et libres que chacun·e établit dans sa relation aux autres et à lui-même n’est pas séparé de l’ensemble des strates qui constituent le lien social, mais s’expriment en lui et par lui, même sous le registre de la contradiction ou de l’opposition.

Banalités certainement, mais sous-jacentes à n’importe quel récit, fictionnel ou pas (ou se construisant sur la cessation de ce lien, du Bartleby de Melville à la Salle de bain de Toussaint. Et donc à mettre en travail.

Mettre en travail : sortir de son camp fictionnel ou poétique, et aller labourer dans ce champ a priori hostile à toute poétique.

Sauf qu’en art contemporain, depuis Duchamp pour simplifier, via collage et montage chez les Cubistes, ou l’insertion à la Rauschenberg (mais d’autres) d’éléments arrachés aux routines du quotidien, y compris mercantiles (ou les signes qui subsistent sur les affiches déchirées de Jacques Villeglé, récemment disparu), cela fait partie de la palette générale du vocabulaire.

Donc certainement un enjeu sociétal pour la langue, mais peut-être un enjeu plus direct, et nôtre : se saisir, quel que soit notre champ de fiction ou de poétique, de la masse stratifiée du réel, tel qu’il intervient dans nos relations et les conforme (ou que nous résistions à cette conformation), dans ses données non visibles (les nappes symboliques, mais aussi les données économiques, les responsabilités éthiques ou écologiques), et bien sûr la tension du quotidien.

C’est plus facile à voir pour Emma Bovary et Albertine Simonet (avec un seul n) ? Pour cela que nous allons nous aussi y voir, avec insolence et en nous revendiquant directement du champ contemporain, dans ses formes et performances : ainsi, au fil de la vidéo, ces toiles grand format peintes à la cire, avec application ultérieure de fer à repasser, que sont les rayons de supermarché de Philippe Cognée.

Je m’appuie sur un autre texte de référence, mais totalement marginal dans le champ littéraire : Mon catalogue, performance textuelle où l’artiste Claude Closky dresse l’inventaire le plus précis et exhaustif des objets de son domicile, en remplaçant la description par le rédactionnel utilitaire d’un catalogue commercial (ou pour nous d’un site de vente en ligne), et remplaçant la troisième personne ou l’énonciation neutre par une énonciation à la première personne.

Et, encore plus près de nous, la performance en cours de Sébastien Bailly, sous forme de la propulsion chaque matin d’une vidéo de moins d’une minute, format carré, sur l’ensemble des réseaux sociaux, où le défi annoncé c’est de reprendre sur 365 jours les 365 objets disponibles du catalogue en ligne de la marque LIDL, et d’y associer un prénom : l’objet devenant par cela même l’embrigadement et la sculpture du personnage lié.

Le document source de Sébastien Bailly, qui s’intitule donc Le catalogue 2022 est disponible en ligne ici.

Alors, consigne ? Image ou pas image (chez Closky c’est sans), voix off ou pas (chez Bailly c’est avec), c’est l’idée de catalogue qu’on va reprendre. Il y a quelques années encore, de formidables outils de rêve, autant que de conditionnement social de l’ensemble des communautés qui forment nos sociétés : catalogue de la Manufacture de Saint-Étienne, catalogue de la CAMIF, et plus près le catalogue de la Redoute (indissociable des solidarités ouvrières du Nord) ou celui des Trois Suisses...

Maintenant les adresses en ligne des catalogues pour les Drive de supermarché. Mais aussi les versions culturelles, marchands de vacances et voyages, marchands de loisirs et la course au matériel du moindre cycliste du dimanche, même les marchandises scolaires, même la triste homogénéité des jouets pour enfants, et leur résilience genrée... Même les méthodes de construction alternative ou développement personnel ont leurs catalogues tout aussi rapidement réifiés.

Allez, on se dit qu’on boucle la troisième série de dix, et c’est formidable, éprouvant. Là, toute cette série, on travaillait directement le fond, le profond. Alors aujourd’hui collage, provoc, allons-y : merci personnel et amical à Sébastien Bailly, je sais ce qu’il en coûte au profond de soi pour tenir ces marathons. Mais, ensemble, dans la distorsion de société qui peut en naître, on s’y met toutes & tous, souffle et reprise d’élan pour notre ultime boucle.

Et bonnes écritures.

FB


responsable publication François Bon © Tiers Livre Éditeur, cf mentions légales
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1ère mise en ligne et dernière modification le 9 juillet 2022
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