#40jours #21 | agir sur le réel pour changer le récit

au défi d’un exercice quotidien d’écriture pendant 40 jours


 

 

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#40 jours #21 | agir sur le réel pour changer le récit


La référence à Guy Debord vaut surtout pour jeunesse, insolence, mais historiquement cette première mise en jeu de soi-même dans la ville pur qu’en naisse une écriture née de l’expérience même, et non pas de notre pré-acquis du réel.

La référence à Georges Perec pour cette notion d’exercices pratiques, mais justement : ce sont des exercices d’écriture, formes, situations, et aussi mise en jeu de soi-même bien sûr par l’expérience, mais qui ne touchent pas au réel lui-même, nous donnent simplement des outils pour le décrire autrement, ou de plus près.

Perec semble non pas ignorer mais tenir à distance les psychogéographies de Debord, il frôle cependant le seuil qui pourrait mener à ce chemin qu’on va nous emprunter quand il cite ce fameux numéro 32 de la Révolution surréaliste (j’en avais fait une vidéo), la proposition concernant le Panthéon : le trancher verticalement et éloigner les deux moitiés de 50 centimètres.

On va rester plus modeste, mais reprendre cependant l’idée d’une transformation du réel selon un protocole décidé en amont, l’écriture s’effectuant comme constat de ce que le protocole aura débusqué du réel le plus immédiat, le plus ordinaire.

C’est une bascule qui s’est révélée considérable pour l’art contemporain (passerelle directe via Jasper Jorn par exemple), menant aux Statements de Lawrence Weiner ou aux dessins exécutés de Sol Le Witt — voir sur tout cela, et les modes de littérature qui ont pu en découler, au moins côté conceptuel, Kenneth Goldsmith, De l’écriture sans écriture, où ces notions sont centrales et omniprésentes.

Bien sûr, cette bascule irrigue en profondeur le champ littéraire, mais rarement nommé comme tel. Grande exception, Oeuvres d’Édouard Levé, mais d’un auteur qui s’est lui-même formé aux protocoles dans ses expériences photographiques.

Et c’est cette idée des statements reprise de Lawrence Weiner qui va nous servir de piste. On va établir un campement, ce n’est pas une expérience facile (parce qu’encore inhabituelle, mais commencez une esquisse, nourrissez-la ou complétez-la dans les jours à venir), à la croisée de ces différents socles.

Je cite longuement comme exemple deux étudiantes que j’ai pu accompagner, dans des promos différentes d’ailleurs, je ne crois pas qu’elles se soient connues, qui ont mis au centre de leur diplôme — il y en a eu d’autres, et si c’était bien admis dans l’école, y compris qu’une pratique puisse s’établir d’abord dans l’espace public, elles deux c’était beaucoup plus perecquien — des actions construites depuis des protocoles.

Pour l’une, un livre intitulé Programmes, qui rassemblait les idées à la sources des expériences tentées, lesquelles, documentées soit par objets soit par photographies, constituaient le diplôme, et pas possible d’en saisir les enjeux sans ce bref livre intitulé Programmes, lequel en présentait une trentaine.

Pour l’autre, un livre présentant successivement 80 expériences, effectuées sur 3 mois (90 jours), entre la porte de l’immeuble parisien où logeait l’étudiante, et l’escalier de la station de métro la plus proche, à 250 m de là. À 80 reprises, elle décide, en amont ou sur le chemin même, d’une action qui est soit d’observation (type Perec) : relevés, dénombrements, ou soit d’action ou intervention (type Debord) : perdre volontairement un objet, nettoyer un rebord de vitrine. Je donne plusieurs exemples, il m’en revient un autre : dire ostensiblement bonjour, avec le sourire, à toute personne croisée ce matin-là sur le trajet.

Je souhaite uniquement insister sur cette bascule : on agit sur le réel, sans savoir préalable de ce que va déranger ou changer cette action, qui peut être minuscule, ou totalement risquée. Le récit qui en surgit n’est donc pas un voir mieux, un voir autrement le réel — une toute petite part, le fameux timbre-poste de Faulkner — mais contraindre le réel, parce qu’on le dérange, à révéler une part de ses invisibles épaisseurs.

Bien sûr, cette piste qu’on ouvre, on va la maintenir, y revenir. Trop de choses inexplorées dans Debord, notamment — que j’aime ces titres comme Construisez vous même une petite situation sans avenir (1955), aussi pas de panique : on commence petit, on commence tranquille. On commence par les idées, la liste. Les choses à faire.

Et si vous vous donniez vous-même une contrainte, un protocole pour vos protocoles, par exemple : « dix idées de choses à faire à ... dans le mois à venir... », ou ce que vous voulez, pourvu qu’il y ait un lieu ou un trajet assigné précis, et le nombre dix !

Et nul doute que tout ça va prendre élan, et fort.

Bonnes écritures.

 


responsable publication François Bon © Tiers Livre Éditeur, cf mentions légales
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1ère mise en ligne et dernière modification le 30 juin 2022
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