répondez à mes e-mails, 6

trouvé dans le courrier


Bien forcé, vu le temps qu’on y passe et l’importance que ça prend dans la gestion du quotidien, de trier la boîte mail. J’y ai un dossier curiosia, ou j’archive les mails singuliers.

Par exemple, celui-ci :

Concerne : Généalogie Charles BAUDELAIRE

Bonjour Monsieur,
Je viens de lire à l’instant Rencontre avec le dernier descendant de Charles
Baudelaire.
Et si je prends la liberté de vous contacter, c’est simplement pour vous poser
une seule question :
Accepteriez-vous, si vous possédez l’information, de me communiquer les noms des
père et mère de Jean-François Didier FOYOT, Procureur au Parlement, né à BARGES
(70) le 8 janvier 1733, décédé à NEUVY(51) le 13 octobre 1797. Il est l’arrière
grand-père de Charles BAUDELAIRE (Revue française de généalogie avril-mai 2006) ?
En effet, passionnée de généalogie, je me suis découvert récemment une ancêtre
Anne FOYOT, qui s’est mariée à VERNOIS SUR MANCE (70), à côté de BARGES, entre
1751 et 1775, et je souhaiterais savoir si Anne FOYOT et Jean-François Didier
FOYOT Pourraient être apparentés.
Vous remerciant par avance de votre réponse,
Cordialement

Il va de soi que mon texte Rencontre avec le dernier descendant de Charles Baudelaire, que j’avais écrit pour le Serpent à Plumes en 1990, était parfaitement fictif. Il y a encore un an, j’aurais mis ma correspondante en relation avec Claude Pichois, qui savait tout. En mai dernier, mais par le nom Dufay, j’ai croisé un véritable descendant de Baudelaire : ils existent. J’ai transmis le message, sait-on.

On ne s’adresse pas, dans un journal Internet, à un public. On écrit pour soi, et c’est le fonds de beaucoup de discussions, privées ou en ligne. Ce qui est montré, accessible au public, c’est cette posture de travail. On accepte d’être vu au travail, on ne travaille pas pour ceux qui viennent voir. Le média Internet, qui gomme l’écart temps des anciennes publications de lettres ou de journal d’écrivains, c’est un saut technique qui mérite d’explorer quelle écriture il suscite. A la limite, si on prend des risques parfois plus que ce qu’on souhaiterait, c’est que justement il s’agit d’interroger le statut même de cette publication. Question ouverte. Kafka disait : La littérature est assaut contre la frontière. On y est, à la frontière, parce qu’on n’a pas le choix.
Donc parfois je parle de Balzac, mais c’est pour moi, sans rien demander. Une fois, j’ai indiqué mon regret de ne plus jamais trouver, de l’ancienne Correspondance de Balzac rassemblée dans la collection « jaune » de Garnier Flammarion, le tome I de cette Correspondance, celui où on mesure le mieux la genèse narrative : comment Balzac accède à lui-même. Et vrai de vrai, encore là au mois d’août, à Grignan, où j’ai acheté un Claudel non réimprimé et un Giraudoux publié en pleine collaboration, j’avais regardé si par hasard... Il y a moins de 5 jours, je reçois ce mail :

Monsieur,
il me semble avoir lu, il y a quelque temps, sur votre blog ou votre journal, que vous regrettiez de n’avoir pu trouver le tome 1 de la correspondance de Balzac, chez Garnier. Si c’est toujours le cas, je me ferais un plaisir de vous le faire parvenir - je l’ai trouvé récemment. Outre qu’il ne faut pas manquer l’occasion de faire plaisir, il ne faut pas non plus oublier les livres qui nous ont touchés : ancien élève d’une vieille institution située à la rue d’Ulm et ayant soutenu il y a peu une thèse sur les formes du monologue dramatique contemporain, j’ai consacré une place non négligeable à Parking, dont les vingt et quelques pages comptaient — et comptent toujours — pour moi.
Dites-moi donc simplement, s’il vous intéresse, à quelle adresse le livre peut vous parvenir.
Cordialement.

J’ai répondu plutôt interloqué par la gentillesse et la générosité de ce correspondant, et j’ai proposé un échange de livres. Eh bien, hier matin, j’ai reçu le Garnier jaune. Me reste à m’acquitter, passer chez Minuit prendre un exemplaire de La Folie Rabelais dont je n’ai plus à la maison.

Par mail aussi, dans la nuit d’avant-hier, que se propage l’annonce de la disparition de Daniel Znyk, pour moi via Claude Guerre, et lui d’André Velter. Le dernier travail avec Znyk, c’était pour l’inauguration du Printemps des Poètes, il y a 2 ans. Sa technique, à lui, c’était de dormir dans les loges, pas beaucoup, dix minutes, mais juste avant d’entrer en scène. Quand il a été nommé au Français, il a commencé par installer une couchette dans sa loge : peut-être seulement qu’une fois il s’est réveillé devant une autre scène, la scène inconnue, comme chez Hoffmann. En plus je découvre qu’il était plus jeune que moi, je n’aurais jamais cru. Pensée pour Valère Novarina aussi : Znyk est un des piliers du DVD La Scène édité par POL.

Deux échanges que je ne cite pas, mais que j’évoque pour moi, pour mémoire.
Le premier, un message de la revue Encres de Loire : ils interrogent les écrivains vivant à proximité de la Loire, pour quelques phrase sur leur rapport au fleuve. Message très cordial, mais spécifiant qu’il s’agit d’un entretien téléphonique de quelques minutes : eh bien non, je décline systématiquement tout entretien téléphonique, et encore moins de regret s’il s’agit de quelques minutes. On n’est pas des pruniers à parole. Je réponds qu’effectivement j’habite près de la Loire, mais que je regarde plutôt mon écran, et ne la vois que sur le chemin de la gare. C’est faux bien sûr. Rien de plus surprenant que ce paysage qui vous enveloppe, et change à l’infini chaque jour, d’ailleurs ça traverse souvent mes images. Et le matin même, dans l’embouteillage du pont, sur le chemin du collège, une fois de plus photographie de l’horizon fleuve. Je recommande de s’adresser à Paul Badin, de Bouchemaine, ou à Jean-Marie Laclavetine, dont j’avais lu il y a quelques mois dans Libé un texte sur ce thème.
Qu’on nous demande d’écrire sur, pourquoi pas. Mais non pas parler au téléphone de. Et, effectivement, la Loire est pour moi, ici au pays de Balzac et Rabelais, un élément important, mais mon travail, les perceptions esthétiques qui me requièrent pour un livre, n’interfèrent pas avec elle.
Photo ci-dessous, avant-hier, la Loire à Tours à 7h45, avec le soleil juste au-dessus de la bibliothèque municipale, engoncée dans son bâtiment classé historique, reconstructions de l’après-guerre, mais complètement inadapté. Je n’y vais pas : mais c’est parce que je préfère avoir les livres ici, dans mon garage. L’an passé, ils avaient trouvé une belle invention : radio Nostalgie en sourdine dans les salles de lecture. Protestation d’une lectrice, et réponse : — C’est pour le personnel. Je ne sais pas s’ils continuent.

Le second, encore à cause de Libération. En juillet, j’avais été surpris que le hasard me mette en main une photographie signée Temps Machine. Je m’étais dit : — Tiens, ce photographe-là, soit il n’est pas gêné, soit il ne s’est pas beaucoup renseigné. Avant-hier, le photographe prend contact avec moi : le nom de leur agence est effectivement lié à mon livre. Mais moi, si je fais ça dans Tumulte, je signale ma dette à André du Bouchet. Je réponds assez vertement. Leur site s’appelle tempsmachine.com. Message d’excuse ce matin : « Nous sommes cinq jeunes photographes et nous travaillons tous pour la presse (libé en effet, le monde, télérama etc...) En marge de cette activité nous menons des projets d’auteurs à caractère documentaire et sociaux que nous réalisons dans le cadre de résidences, avec des bourses et/ou avec notre argent. C’est donc pour valoriser ces travaux que nous avons créé temps machine. Nous avons choisi ce nom en référence au livre que vous avez écrit, et le terme technique auquel il renvoie nous va également assez bien. De plus, le nom temps machine pourrait être le pendant du mot photographie (écrire avec le temps ?). Dans tous les cas je suis vraiment désolé de cette interférence, nous aurions dû vous écrire pus tôt, je vous prie donc d’accepter toute nos excuses. » Dont acte, et tant mieux : finalement, c’est un cadeau, non ?

Enfin, non par e-mail, mais hier à Pantin, pour le projet Arte qui va m’occuper dans les 3 mois à venir, une enseignante me montre les réponses à un questionnaire qu’elle a fait circuler auprès de la classe coiffure avec laquelle nous avions travaillé l’an dernier. Des phrases surprenantes : Dans un espace plus grand, on pense plus grand. Et même, toujours sur le fait qu’on travaillait à la bibliothèque municipale plutôt que dans l’établissement : un espace bien espacieux. Mais surtout, cette phrase avec le lapsus verbe nom, par quoi le nom écrivain surgit dans l’emplacement grammatical du verbe : tout d’un coup je suis guéri de Fontevraud. Une récompense (voir en haut de page) cet amusement où on écrivain tous.


responsable publication François Bon © Tiers Livre Éditeur, cf mentions légales
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1ère mise en ligne et dernière modification le 14 septembre 2006
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