29 | métro Cadet avec Dominique Grandmont

tags : Paris, 1981, Dominique Grandmont


Ce texte est un fragment d’un travail en cours, amorcé le 20 décembre 2020 et non destiné à publication hors site (pour l’instant).

Le principe est d’aller par une phrase par lieu précis de remémoration, et d’établir la dominante sur la description même, si lacunaire qu’elle soit, du lieu — donc public, puisque bar, bistrot, resto — de la remémoration.

La rédaction ni la publication ne sont chronologiques, restent principalement textuelles, et la proposition de lecture s’appuie principalement sur la navigation par mots-clés depuis la page des index lieux, noms, dates.

Point régulier sur l’avancée de ce chantier dans le journal #Patreon.

 

29 | métro Cadet avec Dominique Grandmont


Si les pics et traverses sont liés à des événements biographiques, la publication du premier livre en est une certainement : pour les deux années précédentes je revois cette grande brasserie à l’intersection de la rue Rochechouart et de la rue Lafayette — moi j’habite rue Rochechouart après avoir habité rue de Trévise et les quelques mois en piaule partagée au sixième rue Lafayette presque cinq ans dans le même mouchoir de poche du IXe arrondissement, il y a la station de métro avec encore son bandeau suspendu « métropolitain » sur la 7 et un minuscule kiosque à journaux, maintenant la brasserie c’est un McDo’ mais si on commence à le signaler on n’a pas fini, à l’époque un intérieur clair, des banquettes que je revois plutôt marron et pas rouge et souvent les débuts d’après-midi j’y prends un café avec Dominique Grandmont qui est le premier écrivain avec qui j’ai vraiment rapport, j’avais dû fissurer la carapace quelques mois plus tôt pour l’aborder (il habite lui aussi rue Rochechouart, et moi, après démissionné de Sciaky Vitry, je passe mon temps dans bouquinistes, librairies, la bibliothèque municipale au-dessus de la piscine rue Rochechouart (Grandmont, lui, y va pour les douches, son minuscule appart n’en disposant pas), et puis les lectures organisées à Beaubourg, au Musée d’art moderne ou à Action poétique, mes matins sur la petite et bruyante machine à écrire électrique Corona mais la machine est en route : Dominique écrit un livre qui s’intitulera Ici bas, on fait très progressivement et lentement connaissance, dans la brasserie il m’en lit les nouvelles pages et je lui en suis reconnaissant, c’est voir un texte de l’intérieur et une rupture en soi-même prodigieuse, elles sont rédigées à la main dans un sous-main de cuir qu’il balade avec lui partout, pour je ne sais quelle occasion il me demande si je peux dactylographier un extrait et on en prendra l’habitude, il y aura moins souvent la brasserie mais lui directement là dans ma piaule de l’autre côté de ma table et puis on va marcher, est-ce que ce sera jamais réciproque certainement pas, il trouve certainement très bien qu’un clampin de ma sorte s’escrime à écrire et ait cette révérence pour la poésie, il me parle de Yannis Ritsos, de Vladimir Holan et beaucoup d’Aragon, quand mon manuscrit sera terminé certainement pas question qu’il fasse l’intermédiaire pour Digraphe dont il assiste aux réunions et où sera publié son livre, je parcours donc à toute allure un rouage qui me manquait dans l’apprentissage et il m’en voudra toujours, comme si je lui avais volé un morceau de chair vive, ou alors une sorte de malentendu de départ, que Sortie d’usine paraisse chez Minuit, ensuite une sorte de reproche et d’aigreur comme si, lesté d’articles de presse comme je l’étais, il aurait dû être sur la selle de la moto ça n’a pas été facile à constater ce changement puis cet éloignement.

 


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1ère mise en ligne et dernière modification le 13 janvier 2022
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