30 | rue Daguerre avec Mathieu Bénézet

tags : Paris, 1983, Mathieu Bénézet, Jean-Paul Goux


Ce texte est un fragment d’un travail en cours, amorcé le 20 décembre 2020 et devenu assez massif, mais non destiné à publication hors site (pour l’instant).

Le principe est d’aller par une phrase par lieu précis de remémoration, et d’établir la dominante sur la description même, si lacunaire qu’elle soit, du lieu — donc public, puisque bar, bistrot, resto — de la remémoration.

La rédaction ni la publication ne sont chronologiques, restent principalement textuelles, et la proposition de lecture s’appuie principalement sur la navigation par mots-clés depuis la page des index lieux, noms, dates.

Point régulier sur l’avancée de ce chantier dans le journal #Patreon.

 

30 | rue Daguerre avec Mathieu Bénézet


Et versant symétrique, le livre paru en septembre, mon intérêt pour la même revue Digraphe, les auteurs pas beaucoup plus âgés que moi que j’y révérais comme Jean-Paul Goux ou Philippe de la Genardière — même si ça s’en tiendra là (une amitié longue et solide avec Goux, ça c’est un appui fort dans une vie) organisées à Beaubourg, au Musée d’art moderne ou à Action poétique, je fréquente beaucoup Mathieu Bénézet : il habite juste derrière la rue Daguerre mais les bistrots qu’il affectionne sont de minuscules troquets en longueur, les débuts d’après-midi parce qu’il va chercher ensuite son fils à l’école, je passe le prendre chez lui et des troquets on en fait ensuite plusieurs, il me parle aussi d’Aragon mais plus de Breton et puis d’Artaud, je prends ce qu’il y a à prendre et cette radicalité je lui en sais gré, il écrit Pantin canal de l’Ourcq ou Ceci est mon corps, ou bien ce sont les textes dont on parle, Mathieu lève le coude avec une sorte d’opiniâtreté mauvaise, je comprends que je dois faire attention, bientôt marche arrière — surtout, faisant des piges dans plusieurs journaux (il n’est pas encore impliqué dans la radio comme il le sera plus tard), il reçoit des tas de service de presse pour les livres d’art, mais dans cette partie de Paris toutes les boutiques le connaissent et s’entendent pour lui en proposer des prix dérisoires, alors j’en prends quatre ou cinq et, moi qu’on ne connaît pas, vais les proposer aux bouquinistes, lui remets la monnaie, ensuite je partirai pour cette année à Marseille et ça se distendra un peu mais on gardera cette sorte de fraternité, ne serait-ce que savoir la part sombre de l’autre et qu’on en tient le secret, la dernière fois c’était aux Ondes face à la maison de la radio, je suis assis avec l’ordi en attendant l’émission où je dois me rendre, il est au comptoir mais les yeux fixes, tient à peine debout, agressif parce que je le vois dans cette condition-là, puis des larmes quand on évoque les belles années, une bonne accolade pour se prouver que rien n’a changé, il a mauvaise haleine, je ne le reverrai plus : quand je passe rue Daguerre ou traverse le quartier environnant j’essaye de retrouver ce rade en longueur où il m’attendait quand j’allais vendre ses services de presse et lui rapportait la thune mais jamais plus possible de l’identifier.

 


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1ère mise en ligne et dernière modification le 10 janvier 2022
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