Patrick de Friberg | Rodina, roman d’espionnage

3 temps 1 seul mouvement, et un beau page turner dans les mains en pleine politique contemporaine


lectures à la lampe de poche, série

Qu’est-ce que ça fait du bien un bouquin bien torché, qu’on ne peut pas lâcher. J’allais dire polar mais non, c’est indiqué sur la couv : roman d’espionnage et les lois sont différentes, même s’il y a aussi pas mal de cadavres dans les placards, et que ce qui fait tourner les pages c’est l’enquête. L’enquête que mène le narrateur sur le terrain, ou ceux qui veulent la mener plus vite que lui. Et l’enquête de nous-mêmes, lecteurs, à mesure que se compose l’histoire. Pas la première fois loin de là que je lis du Patrick de Friberg et je sais à quoi m’attendre, son speed, le rock’n roll des répétitions ou des il un peu flous, mais ce mec connaît la musique. Celles qu’il met comme bande-son dans l’arrière du texte, sa technique de faire voir du paysage et de nous coller littéralement les objets dans les mains, et surtout sa technique du récit – pas de problème, ça fait aussi partie du job mais on ne la voit jamais, la technique. Seulement c’est imparable : trois temps, 1981, 1991, et notre brave maintenant à 24 ans de distance, 3 micro-chaînes linéaires qui se reconstituent comme d’augmenter progressivement la résolution, mais en interagissant les unes avec les autres. Les rôles aussi : les gentils ont bien des imperfections, et les méchants quand ils étranglent un brave homme à mains nues c’est comme de vous en rendre directement complice. C’est de la mécanique roman avec plein de cambouis sur les mains quand on entre dedans. Et on entre. La manière de Friberg, c’est le speed : ça va vite. Peut-être pour ça aussi qu’on accroche. Des séquences réglées, 3 pages, 4 au max, comme celle que je lis ci-dessus, départ d’un sous-marin dans la nuit. Et donc la frustration chaque fois que ça s’arrête, c’est de ça qu’il joue, avec ça qu’il nous remorque comme à l’hameçon. Après, roman d’espionnage, c’est le contraire de la littérature. Mais lui aussi, de Friberg, travaille à la Flaubert, sur du rien : un squelette retrouvé en 2015 et qui remonte à 1991, vague souvenir d’un sous-marin russe échoué sur les côtes suédoises, et faites avec ça. Alors lui, il fait. Dans ce genre de bouquin, pour être crédible, tout se joue dans les détails, c’est ça qui nous colle à la peau et nous fait marcher pile dans les murs où il veut qu’on se cogne. Et sûr que Patrick de Friberg est armé pour ça, même s’il n’aime pas en parler trop. Les commandos, mais le fric et les jeux louches. Un sous-marin ou le bureau d’un fonctionnaire, la bouffe comme les systèmes radars dernières normes. Ce côté-là du cambouis, quoi. Nous bien sûr on reconnaît tout : les retours d’Afghanistan, le nom d’Andropov, qui vint avant Gorbatchev et l’ombre implacable derrière qui grandit, Poutine déjà tel qu’en lui-même en plein sur la couv du livre. C’est la mécanique, diplomatie, gros sous, jeux d’indépendance de la Lettonie hier comme de l’Ukraine aujourd’hui, tout d’un coup le petit oeilleton de la serrure s’agrandit, et ça on ne peut pas le faire soi-même, c’est le romancier qui s’en charge, mais parce que, pour écrire le mot dossier dans le titre de son livre, sûr que les siens sont au point... Et que ça va très bien dans la météo en ce moment, celle du ciel, celle des hommes. Sachez juste que le reste de ce que vous avez à faire risque d’attendre un peu (et pas hésiter à cliquer ci-dessus si c’est trop bien caché chez votre libraire habituel).


acheter ce livre

 comment devenir auteur de romans d’espionnage en 10 leçons, questions à Patrick de Friberg (2013) ;
 le blog de Patrick de Friberg
 Le dossier Rodina sur le site des éditions Nouveau Monde ;
 mais surtout, pour suivre son actualité et celle du livre, le suivre sur Facebook ;
 lien connexe : images de Riga sur Dreamlands, l’extraordinaire site d’Olivier Hodasava ;
 photo haut de page : le port de RIga, et ci-dessous celui de Liepaja, évoqué dans l’extrait lu ci-dessus.

 


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1ère mise en ligne et dernière modification le 8 mai 2015
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