Jérémy Liron | notes d’atelier

quand un peintre d’aujourd’hui prend la parole pour décortiquer l’art, la vie, l’écriture, le voir – "Autoportrait en visiteur" à L’Atelier contemporain



lectures à la lampe de poche, série

C’est à Cergy l’autre jour que ça me travaillait, dans cette façon qu’on a de se jeter dans le vide avec les étudiants, parler littérature, faire collectivement des exercices, scruter des jaillissements : arrivent aujourd’hui à la publication, Jérémy Liron donc, mais aussi Béatrice Rilos, Anne Collongues et d’autres, des étudiants que j’ai croisés en 2006 ou 2007, il faudrait à l’écriture ce temps de maturation, qui probablement se serait amorcé indépendamment de nos expériences dans l’école ? Jérémy était déjà diplômé à l’ENSBA les 2 ans où j’y suis intervenu, c’est avec Pierre Bergounioux qu’il a surtout travaillé (l’écriture, s’entend, ou tout simplement la littérature) et c’est Bergou qui signe la préface (à quoi sert une préface ça je n’en sais rien, mais ça rassure et au moins cela contraint-il pour une fois Bergou à parler d’art et de définir la peinture : « marier, dans la lumière nuptiale de l’évidence, les deux ordres de l’étendue et de la pensée ». Je suis lecteur depuis son émergence du journal en ligne de Jérémy. les pas perdus, je ne peux même pas dire que je l’aie vu évoluer. Ce type-là a l’écriture aussi chevillée à lui que la peinture, la question après c’est juste d’être prêt à en payer le prix, entre les résidences dans des gourbis sans chauffage, puis les heures de collège à ménager dans la grande métropole qu’est Lyon avec l’arrivée des deux enfants, ce qu’on arrache de soi pour continuer à peindre, aménager un atelier – et puis progressivement ça s’affirme. Le travail se fait connaître, il y a des expos, on le retrouve sur sa route de plus en plus souvent par ses textes aussi, puis un bouquin qui lui est consacré auquel bien sûr je participe etc. Mais le journal, lui, ne change pas, il creuse. Et seulement dessine peu à peu son territoire : il y a d’étranges remontées vers l’histoire de l’art, les statuettes modelées devant des torches qui ont pu animer les silhouettes géantes de Lascaux ou Chauvet, il y a la fascination pour le saut mental qu’est l’invention de la perspective et les boîtes que sont les toiles de Piero della Francesca, mais de là on saute dans Soulages ou Viallat et d’autres. Et puis il y a ce creusement du temps même de l’atelier. Que les peintres soient forts pour écrire, parce qu’ils savent voir, pas d’aujourd’hui qu’on le sait. Fétiche qu’est pour moi le journal d’Hélion. Quelque chose d’aussi important se joue là. Qui n’est pas un journal de peintre, qui est seulement écriture dans et dedans la ville, et qui, pour creuser l’écriture, creuse sa propre démarche de voir et de peindre. Jérémy Liron n’a pas besoin qu’on lui dise que ce livre est important, il doit forcément au-dedans de lui le savoir. L’étonnement, par rapport à la lecture fractionnée du blog, et sans avoir cherché à regarder de près le mûrissement, le retravail, ici c’est la langue, sa précision, et l’étendue de ce qu’elle arrache au même niveau en littérature que ses mains le sont en peinture. L’étonnement, dans le monde qu’on vit, c’est plutôt qu’existe un éditeur capable de ne pas attendre la grande rétrospective posthume au Grand-Palais pour en faire un livre, et un livre de qualité – c’est le pari à contre-époque de François-Marie Deyrolle, aidons-le. Dans ce livre, tout simplement, le fil continu de notes d’atelier. Mais tout ce qui est dit ici vaut pour l’écriture. J’en ai lu trois, ça aurait pu être dix, ou vingt. La preuve de l’arbitraire c’est qu’un de mes trois post-it s’était envolé et que la troisième c’était complètement au hasard. Après ça, à vous de voir.


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 Jérémy Liron sur Tiers Livre : commencer, quand on est peintre et sur son travail, par moi-même : architecture éducation nationale, ou suivre mot-clé :
 le site LironJeremy.com et notamment ses images inquiètes ou ses paysages qui sont dès à présent un fort repère dans l’univers de la peinture contemporaine ;
 son blog les pas perdus avec le journal dont est issu le livre Autoportrait en visiteur ;
 Autoportrait en visiteur sur le site de l’Atelier contemporain, la maison d’édition fondée par François-Marie Deyrolle ;
 illustrations haut de page : Jérémy Liron, Paysages.

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1ère mise en ligne et dernière modification le 23 avril 2015
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