dimanche 3 blogs, 26

brèves incursions dans le pays des vagues sous l’horizon – avec Philippe Castelneau, Seb Ménard, Lucette Desvignes, Benjamin Dumond...


| en guise d’intro |

Étrange manque, à ne pas avoir continué depuis trop de semaines cette rubrique pourtant bien installée, pour les petites merveilles qu’on débusque dans les navigations quotidiennes et qu’on se jure bien de ne pas perdre, mais surtout pour les questions qu’éveille le fait de les rassembler, l’empreinte des possibles qu’on en tire pour soi – comment la pensée sur le web est collective et que notre invention personnelles, ce que nous autorise à chacun le blog poussé à tâtons et se révélant à mesure, se démultiplie à se confronter à celle des autres.

Alors, très arbitrairement, pour cette reprise (mais aussi parce que ces derniers temps il ne m’est littéralement plus possible de dégager mes dimanches matins pour nerval.fr, provisoirement en roue libre), et parmi la totalité des blogs régulièrement suivis, une petite sélection de 3, plus 1 d’art ou photographie – parce que cette transversalité des disciplines, que je découvre d’encore plus près via cergyland.fr est une question qui interroge de plus en plus près notre intervention littéraire, dont le livre n’est plus une finalité en soi, et un des médias coexistant avec les autres. Mais ça va plus loin, c’est aussi la mise en avant de ce que Dominique Viart nomme « dispositif », dans récente vidéo supprimée par Verdier pour mieux permettre le débat intellectuel – sigh... – en quoi la tâche littéraire n’est plus une position de description ou d’observation (refabrique d’image mentale, processus que décrit Simondon dans son cours de 1965, Imagination & invention), mais s’élabore en intervention directe sur le réel qui deviendra l’expérience d’écriture.

Voici donc à nouveau 3 blogs et 1 coda...

 

| 1, Philippe Castelneau |

Philippe Castelneau, No direction home. Dans un site sous l’intitulé Rien que du bruit, qui se dit sorte de laboratoire d’écriture, un cahier où j’écris, la création rétrospective d’un journal de voyage, basé su un voyage effectivement fait mais qui se constitue dans une dimension neuve par l’élaboration web (« épuiser le réel pour retrouver le chemin d’un rêve »). Et belle leçon d’ergonomie et web-design avec une élégance qui paraît une condition de plus en plus primordiale dans la politesse web, ou pour la facilité à glisser dans les univers photographiques ou se repérer dans les arborescences (on est sous WordPress). Sur Twitter @castelneau.

 

| 2, Seb Ménard |

Seb Ménard, Diafragm, ici on est sous spip, une expérience web que je suis depuis rencontre à la BU d’Angers en 2010 – avec pour base des journaux de voyages (le vieux Canon 5D usé et cabossé d’Ancé T, voir exemple), et le choix, plutôt que la publication incrémentée au quotidien, de rassembler en un seul billet qui se clôt chaque mois, donc par exemple celui d’octobre 2014. Seb passe désormais à l’étape du livre, mais on est – comme chez Maïsetti, Séné, Vissac et les autres, dans une élaboration blog qui constitue oeuvre par son organisation même. Sur Twitter @SebMenard.

 

| 3, Lucette Desvignes |

Écrire au quotidien à 88 ans : Lucette Desvignes, belins, belines (ce n’est pas le titre du blog, mais c’est ainsi qu’elle appelle ses lecteurs). Je laisse à chacun de déchiffrer pourquoi hier soir seulement l’indiscrétion plutôt triste quant à une oeuvre qui – à moi en tout cas – est essentielle, et portant sur ce que nous avions de longtemps intégré, concernant cette oeuvre, comme paramètre essentiel (la multiplication des noms d’auteur, y compris le principal ou plus repérable, non pas comme pseudonymes mais comme stade nécessaire d’effacement de la notion obsolète d’écrivain [1]). Ma propre mère est née en 1931, et lutte au jour le jour pour sauvegarder indépendance et autonomie dans la disparition désormais presque totale de mémoire, Lucette Desvignes est née en 1926 et sa biographie est sur Wikipedia – quelle rage de la voir dans ce dernier billet s’attrister de l’envahissement de pub chez « overblog » alors qu’un hébergement moins pourri, pour 30 euros par an, l’en débarrasserait. Mais quelle langue, quelle rigueur et générosité de pensée. Et quelle leçon dans ce rapport de l’écriture web au chemin de vie qu’est la littérature – lire comme indice cet extraordinaire Jour de légèreté.

 


| et coda, Benjamin Dumond |

Et coda non pas un photographe mais un designer graphique. C’était un message vers avril dernier, quelque temps après que j’avais mis en ligne ma traduction du Commonplace Book, le carnet d’idées de fiction tenu sur 15 ans par Lovecraft. Des emprunts et réutilisations sans respect de la licence Creative Commons (pourtant souple : juste le contrat moral disant qu’on indique la source originale et qu’on n’utilise pas le texte emprunté dans un but commercial) ont fait que pour ces traductions je suis revenu au © traditionnel. Mais là c’était l’exemple typique de la simplicité web : un mail très discret et poli me demandant autorisation d’utiliser cette traduction pour son diplôme DNEP, évidemment qu’on dit oui, mais c’est tellement mieux d’échanger avant. Puis, vers le mois de juin, la réception d’un PDF avec un travail étonnant : la phrase anglaise en repère principal, l’utilisation d’un trait noir épais comme marque rythmique de la page, ma traduction en appui, et le reste laissé en blanc comme incitation au lecteur à écrire. A vous de visiter le blog de Benjamin Dumond et d’y retrouver cette proposition Lovecraft, que le PDF soit téléchargeable fait partie de l’élégance graphique. Merci Benjamin et bonne route sur les nouveaux chemins – voir aussi sa proposition Michaux, ou son collectif Loulou Desmond.

 

| haut de page |

Photo en haut de page : deux jours avec Guénaël Boutouillet à l’école d’archi de Nantes, séminaire projet dirigé (collégialement) par Maëlle Tessier, Territoires traversés, paysages inventés. La surprise de cet immense bâtiment à rampes extérieures, donnant directement sur Loire, où la disproportion de taille facilitait tellement la distance intérieure...

[1Pour moi c’est différent, puisque je connais au moins 7 François Bon, nous sommes tous dissous dans notre absence de singularité patronymique.


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1ère mise en ligne et dernière modification le 9 novembre 2014
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