villes | de ces dix maisons de biais

mystère des maisons de biais au long du RER de Nanterre à Houilles-Carrières


texte initialement publié sur le blog Pendant le week-end dans le cadre des vases communicants

 

Houilles de biais (dix maisons)


Ici la ville avait peigné les maisons de biais. Le train filait droit, les rues étaient à l’oblique, les maisons s’étaient une par une succédé dans les angles.

 

On disait de la maison un qu’elle avait été prévue pour un homme seul : un homme seul peine moins à se déplacer et s’installer dans une maison de biais.

 

On disait de la maison deux qu’elle avait été prévue pour n’abriter personne, mais seulement des objets : les objets on les regardait de plus près dans une maison de biais.

 

On disait de la maison trois que chacun vivait dans son étage et les enfants à la cave et que ceux-là auraient bien voulu la faire pousser et pousser encore mais que voulez-vous, ce n’est pas toujours facile, dans une maison de biais.

 

On disait de la maison quatre qu’on y vivait tranquille, qu’elle s’était mise au carré dans l’espace en triangle et qu’ainsi on oubliait : mais qu’ils avaient tellement oublié qu’ils ne savaient même plus qui ils étaient, ni qu’ils étaient dans une maison de biais.

 

On disait de la maison cinq que personne n’avait jamais vécu là, que c’était impraticable, qu’on l’avait juste mise là par symétrie, pour compléter l’alignement des maisons de biais.

 

On disait de la maison six que les habitants y étaient mais ne sortaient plus, qu’il n’est pas facile toujours de trouver les portes et qu’elles ne soient pas coincées – qu’en tout cas si longtemps qu’on ne les avait pas vus, dans leur maison de biais.

 

On disait de la maison sept, au contraire, que vers la ville, pour la rue et pour le train elle émettait des signes : rideaux aux fenêtres, arrangement soignés du jardin, et quand bien même personne ne s’en préoccupait, c’était leur façon de vivre dans une maison de biais.

 

On disait de la maison huit qu’elle trompait son monde : qu’elles étaient au moins quatre maisons à trouer la vieille peau de ciment et bitume de la ville par les périscopes étroits des pignons façon haut de siècle, et que dessous était un immense dédale de cavernes cimentées quasi vides où on faisait peintre et musique, sous la maison de biais.

 

On disait de la maison neuf qu’on la transportait là parfois : si les gens vieillissaient il n’était pas si bon qu’ils restent dans leur voisinage habituel, on tirait leur maison ici dans l’angle et on repoussait les bords pour qu’elle tienne dans l’oblique, alors ils pouvaient bien tenir le temps qu’ils voulaient, dans la maison de biais.

 

On disait de la maison dix que personne jamais n’avait pu la finir, quelle se construisait depuis l’éternité des éternités mais que le chantier lui-même état révision permanente, dernière maçonnerie utilisée, et qu’on n’avait pas encore creusé l’intérieur, que c’était juste un mausolée de brique, une maison par imitation, précisément en leur honneur, aux maisons de biais.

 


responsable publication François Bon © Tiers Livre Éditeur, cf mentions légales
diffusion sous licence Creative Commons CC-BY-SA
1ère mise en ligne et dernière modification le 22 juillet 2014
merci aux 410 visiteurs qui ont consacré 1 minute au moins à cette page