cendres dispersées de Julien Gracq

tandis que l’Interloire au matin suit le fleuve qu’il regardait


1 (intro)

 

J’ai si souvent pris ce train qui part de Saint-Pierre des Corps le matin à 9 heures et vous laisse 2 heures plus tard à Nantes. On suit la Loire (d’ailleurs le vieux Corail s’appelle l’Interloire, il est soit vide, soit bondé selon l’heure et le sens, servant d’outil de transport quotidien aux gens de Saumur travaillant à Angers ou ceux d’Ancenis à Nantes). Du vivant de Julien Gracq, passer juste devant L’Île Batailleuse et Saint-Florent le Vieil était un discret et respectueux salut intérieur : on traversait son territoire. Comme ensuite, lorsqu’il va vers Le Croisic, le train traverse le pays de sa Presqu’Île.

Julien Gracq est mort, et a demandé que ses cendres soient dispersées. Tout ce que contenait sa maison a été vendu aux enchères, même le petit carton avec une ficelle qu’il accrochait à la porte signalant qu’il était parti au journal et au pain. Sa maison est en train de se réinventer comme lieu culturel (voir leur nouveau site, et meilleurs souhaits à Cathie Barreau qui porte ce projet), mais moi je me souviens du fauteuil, des photographies, de sa télé avec le lecteur DVD pour les documentaires d’histoire ou les opéras. Je regrette aujourd’hui de ne m^’être pas porté acquéreur de ce fauteuil où il faisait asseoir ses invités, son fauteuil de lecture, et comment je m’y étais enfoncé moi qui devait faire une fois et demi son poids, mis en vente pour 150 euros à l’encan.

Ce matin, dans l’aube de Loire, est-ce à cause du colloque Montpellier qui commence à me tarabuster l’entendement, comme aurait dit Rabelais (jamais entendu Gracq écrire ou témoigner d’une lecture de Rabelais), d’un texte à faire pour un livre collectif (est-ce que j’aurai le culot de le mettre en ligne dès qu’écrit, ou est-ce que je dois attendre la parution), ou par le fait même d’être accueilli à Rezé pour un moment de partage à voix haute (non pas rendre compte de mon Proust, mais partir en impro sur sa démarche et ses contenus, y compris sa négation par Gracq), quelques phrase arrivent sur livre et web...

En hommage donc au salon de l’ancienne maison Gracq quand on lui rendait visite. Quel beau site web c’était.

Je pense beaucoup à Gracq en ce moment, et que finalement sont trop rares les ouvrages à le saluer. Ce sera probablement ma lecture d’hiver, dans la pause de fin décembre, tout reprendre chronologiquement depuis Argol. Pour les traces dans ce site, suivre à droite le mot-clé Julien Gracq.

Ci-dessous la série non préméditée de 11 twitts émis dans la raversée du territoire Gracq. Jamais été possible depuis cinq ans de prendre l’Interloire, au niveau de Saint-Florent le Vieil, sans penser que le train agite sur le ballast une part minuscule, mais une part quand même, des cendres dispersées de Julien Gracq.

Chaque clic sur une des 11 pages à suivre donne accès à un des fragments.

 

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2

 

avant dans le train de 8h04 pour Rezé en passant devant chez Julien Gracq je pensais à Gracq, maintenant on roule sur ses cendres dispersées

 

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3

 

penser que le livre n’aurait été que la haute, belle et singulière trace d’atteindre à l’Internet avant l’existence technique du web

 

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4

 

penser le web d’aujourd’hui comme le livre de ces premiers instants dans un appartement neuf avec tous ces travaux à faire

 

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5

 

ou le livre numérique par rapport au web comme livre se regarder dans le petit miroir rapporté de la maison d’avant, et un peu jauni

 

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6

 

les écritures étaient belles, ambitieuses et vastes, mais il leur manquait l’outil de publication qui les visse à leur temps

 

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7

 

prendre un roman entier de Dostoïevski ou Stendhal et le publier en blog respectant leur fragmentation génétique du continu

 

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8

 

le livre était un univers de rétention magnifique avant que surgisse la dispersion immédiate de l’écrit dense

 

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9

 

quand la #BNF daignera numériser ses manuscrits de Gracq au lieu de s’empêtrer dans #ReLIRE : quel blog magnifique c’était

 

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10

 

rouler en train sur les cendres dispersées de Julien Gracq prouvant que nature éphémère du web n’est pas différente : sites et livres durent

 

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11

 

rouler en train sur les cendres dispersées de Julien Gracq homothétique au tweet qui l’énonce (en cet instant je fais les deux)

 

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12

 

le salon détruit du vieux Gracq avec sa télé ses DVD son journal ses photos calendriers courrier sa casquette était un site web magnifique

 


responsable publication François Bon © Tiers Livre Éditeur, cf mentions légales
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1ère mise en ligne 18 septembre 2013 et dernière modification le 24 novembre 2013
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