à propos des lunettes de Jeff Bezos

une mise à jour du navigateur Silk du Kindle Fire avec, entre autres améliorations de vitesse, ergonomie, affichage, introduction de la petite fonction "LECTEUR" des iPhone et iPad...


Jeff Bezos, qui a dépensé 40 millions de dollars pour enterrer sous une montagne du Texas une montre censée fonctionner 10 000 ans (fantasme révélateur, Edgar Poe aurait souri), qui vient de s’offrir le joujou d’un des principaux organes de presse des US, qui ne met pas la clim’ dans ses entrepôts et embauche dans des conditions à peu près identiques aux cultivateurs de fraise espagnols les intérimaires qu’il lui faut pour ses expéditions de Noël, a pris dans l’imaginaire ou le légendaire contemporain la place du défunt Steve Jobs, qui lui avait le mérite d’être un technicien plutôt qu’un épicier, même de génie.

Il a aussi réussi que le livre, s’il reste le produit symbolique d’Amazon, n’est que la partie émergée d’un vaste conglomérat où les services de nuages Cloud, par exemple, pèsent bien plus lourd.

Du coup, tout ce que fait Amazon semble brouillé par des nuages d’une fumée aussi potentiellement infernale que ce que font subir les méchants à Harry Potter. Il faut dire aussi que le Département de la justice américaine vient de lui offrir un boulevard en sanctionnant Apple d’avoir préféré un système où l’éditeur seul fixe les prix de ce qu’il vend. Amazon reste le loup dans la bergerie, mais les bonnes âmes qui gardent la bergerie n’ont jamais levé le petit doigt pour tenter de venir sur le seul terrain qui compterait, celui de la qualité des services, les widgets, les offres partenaires, la part de recherche engouffrée dans les algorithmes de recommandation et ainsi de suite. Je laisse de côté les services d’auto-publication, puisque toutes les plate-formes essayent de se créer le leur, à qui fera le pire pour le pire, – ça aussi me semble à brève échéance un ballon de baudruche en voie de dégonflage progressif.

Il faut dire qu’au jour où on annonce que Google consacre à sa Recherche & Développement un budget qui dépasse celui que l’État français consacre à la recherche nationale tout entière, ou qu’accessoirement notre iPhone consomme annuellement plus d’énergie que notre réfrigérateur, il y a de quoi se brouiller l’entendement, même avant la purée septembrale chère à Rabelais.

Ainsi, un événement très mineur, la mise à jour du navigateur web embarqué sur le Kindle Fire, provoque un tas de petites vagues comme si ça participait de la conspiration majeure, sauf qu’en général ceux qui en parlent n’ont pas d’appareil avec eux pour tester... Pensez : dans la nouvelle mise à jour, on supprime ce qui entoure le texte... Presque déjà une censure.... La mort de la pub, tous ces machins vulgairement racoleurs qui encombrent tant et tant de sites, ceux qui les acceptent avec complaisance, sans se douter des dégâts sur la lecture de leur propre contenu...

Prenez trois ou quatre blogs, notamment ceux qui proposent des textes courts, et regardez la masse de mots, liens, encarts de forum, icônes de flux et autres indications qui parasitent ou simplement se juxtaposent à la lecture principale, celle qui fait le coeur du message, le contenu proprement dit...

Eh bien moi, ce que je NE PARDONNE PAS à Jeff Bezos, alors que tout le monde est intéressé à lire confortablement sur tablette sa presse, ses infos, ses échanges réseaux avec la famille ou les potes, ou venir jouer dans les blogs, nous symbolise ça par... des binocles, une vieille paire de binocles, à côté de la loupe de grand-père qui indique la fonction recherche... Je vous entends bien mal, attendez que je chausse mes lunettes, disait Rabelais...

De même que le traitement de texte Pages du Mac a pour icône une bouteille d’encre et un porte-plume (un vrai bon traitement de texte pour le travail littéraire, mais quel scandale qu’Apple ne le fasse jamais évoluer, avec sa désastreuse gestion des bas de page et son rechercher/remplacer type marteau-piqueur des années 30), que le copier-coller a pour icône une paire de ciseaux, sans parler de l’intouchable corbeille à papier, Apple ne pèche que par manque d’imagination. Mais quand Jeff Bezos nous met ses binocles sur nos navigateurs, c’est à nous les myopes et mirots qu’il s’en prend comme à des amoindris, qui ne sauraient pas se payer 250 000 dollars l’aller-retour dans les zones péri-atmosphériques, puisque c’est aussi un de ses business...

En fait, l’astuce existe depuis presque 2 ans sur l’iPhone et l’iPad : Amazon n’a fait que copier sur l’épaule du voisin. Depuis 2 ans, quand on a chargé une page de navigateur (Safari pour Apple), apparaît dans le menu, avec la barre d’URL, une petite icône marquée LECTEUR. On n’affiche plus alors que ce coeur de contenu, le texte du billet, les liens, et ses images recadrées, en oubliant les marges et menus parasitaires.

Ce qui est important, c’est qu’on se retrouve alors avec les mêmes et exacts paramètres d’affichage que lorsqu’on lit un livre numérique : réglage de la taille des polices, réglage des marges.

Le navigateur, en devenant lui-même un outil de lecture livre, fait du site web l’équivalent d’un livre numérique (un peu comme ces mooks qui transforment les magazines en expérience sur le terrain même du livre imprimé). Cette fonction, qui permet sur l’iPhone de lire à la volée et confortablement, dans le train ou même au soleil, articles de journaux ou textes élaborés, aussi indifféremment à la longueur que lorsqu’on attaque un polar sur son Kindle, devient un réflexe.

Bien sûr, ce n’est pas sans conséquence pour nous, blogueurs : nous luttons pied à pied contre ce qui naît d’un web bipolaire. Ceux qui se contentent des fonctions gratuites de Wordpress, par exemple (sites en mondomaine.wordpress.com) peuvent emprunter les thèmes tout faits, mais ne pourront pas les modifier, intégrer leur ISSN en head, et leur référencement moteurs de recherche sera bien moins évalué que si vous avez intégré wordpress dans votre propre hébergement (type mondomaine.com). Pour ceux qui utilisent spip, le développement de la lecture sur tablette induit d’être très attentif au paramétrage des polices, des colonnes, à la rapidité et fluidité de l’accès (par exemple, si vous lisez cet article sur Tiers Livre, il a été transféré en multi-cache dans les serveurs de CloudFlare, et au lieu de le télécharger par une requête émise vers le serveur unique de mon hébergeur (ovh), il arrive tout pré-chargé à votre machine, iPhone, tablette ou ordi, depuis le serveur le plus proche de votre propre lieu d’accès). L’enjeu, apprendre à gérer en amont cette fonction par laquelle le navigateur devient un livre et devient la vraie instance de lecture (sans besoin de fichier epub ou pdf), pour que nos sites soient compatibles au mieux avec ces nouvelles fonctions. Très important aussi, en ce sens qu’on reste sur le web via le navigateur, sans passer par une application tierce (les prix exorbitants de ces marchands d’apps dont désormais nous limitons soigneusement le nombre sur nos appareils).

Cela implique pour ces navigateurs d’appareils mobile (et probablement par retour sur les navigateurs pour ordi, comme Chrome ou Firefox), des fonctions extrêmement complexes, pour la réinterprétation des images (chargement brut, algorithmes de brillance) et le reformatage du texte, en fonction des balises intégrées dans nos textes (oui, le livre numérique a été de ce point de vue une sacrée bonne école, même si désormais il faut aller plus loin).

Tout ça pour dire quoi ? Oh, rien. Juste parce que je reste depuis novembre dernier dans l’idée que la tablette 7’’ a été un saut décisif pour la lecture individuelle. J’utilise toujours mon gros iPad, mais pour la scène, pour les confs, pour réserver un train ou un hôtel depuis la maison, sans me rasseoir au bureau. Mais la lecture, pour moi, c’est iPad mini ou Kindle Fire, il y a les 2 ici.

Le Kindle Fire est une bonne bête bien pesante, qui peut tomber par terre sans se faire mal, avec en haut un menu qui met à égalité les livres, le web, les docs perso, ainsi que (je ne m’en sers pas, moi c’est juste les livres achetés ou chargés, le web et la presse, facebook et twitter – je garde le mail pour l’ordi de bureau) musique, photos et applications tierces. Loin des services que rend l’iPad, mais à 2 fois moins cher, on se concentre sur l’essentiel. Il y a des trucs qui m’énervent, où le Kindle Fire est nettement en-dessous de l’iPad : pas de possibilité de virer l’onglet jeu (comme si j’avais une tronche à jouer – encore que sur l’iPad on ne peut pas virer l’app Bourse, ce qui est encore plus dégénérescent), pas de possibilité, dans la page d’accueil du navigateur, de virer les sites en vogue (quelle belle traduction), soit donc la daube ordinaire. Par contre, très belle invention du carrousel, qui permet de retrouver d’un glissé, sans même l’appui du bouton home de l’iPad, les dernières applis utilisées et commuter d’une à l’autre, ou d’un livre à l’autre.

Comme les sites qui ont propagé cette mise à jour du navigateur Silk, qui gagne encore en fluidité et rapidité (pas encore exploré les changements dans l’ergonomie des onglets et signets), se sont focalisés sur cette petite paire de lunettes qui, exactement comme sur l’iPhone et l’iPad, transforme la page du blog en page de livre, voici quelques images, mal photographiées sous la lampe, directement sur mon MacAir... Le rendu des images est un plaisir aussi... Plus, pour rappel, une photo de la même fonction LECTEUR sur mon [vieil] iPhone 4S de juillet 2010 (une éternité).

Pour en savoir plus sur le Kindle Fire ou bien le recevoir chez vous en 48h, c’est ici :

Je rappelle, parce qu’on lit beaucoup de bêtises là-dessus aussi, qu’un des points forts d’Amazon c’est la présence de leur application Kindle sur l’ensemble des téléphones et ordis, y compris iPhone, iPad et MacAir alors qu’Apple nous interdit de lire nos achats iTunes sur ses propres ordis – on a le droit à 5 appareils par compte, donc la possibilité de partage familial des achats, et quand vous en avez marre du Kindle et souhaitez switcher sur autre tablette ou revenir à l’ordi, vous retrouvez votre compte à l’identique même si vous n’avez plus de Kindle. Et l’autre killer avantage : l’adresse mail liée à la machine, qui vous permet d’expédier à n’importe lequel de vos 5 comptes vos documents perso, texte ou PDF, ou photo etc, sans passer par le sempiternel synchroniser.

Allez, merci d’avoir lu jusqu’ici, ça veut dire que vous êtes de la boutique. Après tout, c’est dans le lire qu’il se passe un événement, et considérable. Et on n’a pas affaire à des tendres, hein, monsieur Jeff Bezos qu’aime pas les binoclards ?

 

le carrousel et les menus du Kindle Fire, on s’y fait vite – et, entre "acheter" à gauche" et "offres" à droite, on ne risque pas de s’égarer sur les bords
affichage par défaut d’un billet site Tiers Livre sur le Kindle Fire, mode "luminosité automatique"
apparition des besicles de Jeff Bezos : moi j’ai toujours considéré ma myopie comme mon principal atout de lecteur
Kindle Fire, mode LECTEUR : les menus sont supprimés, les affichages simplifiés, avec le même rendu qu’un livre numérique
affichage mode web direct de mon site spip, on peut élargir la colonne centrale à la taille de l’écran via pincement des doigts, idem iPad
mode d’affichage web direct : grosse police, pas de marge (idéal pour scène ou conf)
mode web direct : affichage police moyenne, marge étroite
très impressionnant la fluidité d’affichage et la qualité de rendu des images site via le Kindle Fire
iPhone : affichage direct Tiers Livre via le navigateur Safari, et apparition du bouton "lecteur" dans la barre des URL
affichage iPhone du même billet Tiers Livre en mode "lecteur"

responsable publication François Bon © Tiers Livre Éditeur, cf mentions légales
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1ère mise en ligne et dernière modification le 19 août 2013
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