façon commode de traiter les morts à New York

simple, rationnel, complet


Dans ces nouvelles tours qui faisaient l’émerveillement de la ville, on avait trouvé le moyen d’anticiper sur cet éternel problème des cimetières qui mangeaient tant d’espace, et de la crémation qui était triste, si triste, et rien qui disait quoi faire des cendres, rien qui disait quoi faire des traces numériques.

Le problème avait souvent été évoqué, on aurait bien appelé ça cendres numériques mais ce n’était pas juste. Les disques durs encastrables étaient une solution si commode : tout de ta vie, tout ce que tu avais laissé, tous tes codes, tes textes, tes lettres on les encastrait dans un seul disque dur – ils les faisaient maintenant de belle capacité, rustiques et solides.

Alors tout se simplifiait de soi-même : tout en bas des bâtiments, où autrefois il y avait les boîtes à lettres (qui se servait encore de boîte à lettres), on avait installé ces cryptes propres, austères, rigoureuses, où chacun trouvait sa place dans une égalité respectueuse.

Dans la petite niche à glissière, les cendres étaient débarrassées de ces urnes d’un autre âge, venues de tradition si lointaines et obsolètes. Les urnes, scellées dans une enveloppe horizontale de plastique épais, formaient un petit paquet souple et compact, fait pour durer des siècles (sauf agression ultérieure). On le déposait dans la niche avec l’identifiant (en général, l’ancienne adresse mail du mort), et dans le rabat métallique était encastré le disque dur.

On créait des rangées comme, autrefois, on savait le faire pour les bibliothèques. Rien de plus facile qu’en augmenter le nombre. De plus, on vous enterrait (on avait gardé le mot) là où vous aviez vécu. Votre histoire et celle de la tour fusionnaient. Incidemment, cela dissuadait de cette mobilité constante qui semblait toujours affecter une partie – même réduite – de la population.

J’aurais pu vous photographier les autres travées, je voulais aussi m’approcher pour photographier les identifiants sur les couvercles, mais à ce moment-là le vigile du 8, Spruce Street avait bondi de l’intérieur, s’écriant no picture, no picture et tu avais dû t’éloigner, tant pis pour Frank Gehry.

Mais gloire à l’architecte, le modèle faisait très vite tache d’huile. On rajoutait même des couleurs.

 


responsable publication François Bon © Tiers Livre Éditeur, cf mentions légales
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1ère mise en ligne et dernière modification le 11 mai 2013
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