[5] j’entendis avec joie une automobile sous la fenêtre

c’est Proust qui fit connaître l’automobile à Baudelaire


 

On dit que c’est la seule et unique fois que Baudelaire eut l’opportunité d’un voyage en automobile. Qu’il refusa la fourrure et le bonnet de cuir que lui proposait Marcel Proust, lequel s’enveloppa de son habituelle vigogne et ne lui en tint pas rigueur. De s’en tenir à son demi manteau usé, mais noir avec écharpe, faisait partie du personnage Baudelaire. Il se tint d’ailleurs raide et silencieux toute la promenade, sur les hauts de Honfleur jusqu’au promontoire du grand estuaire. Il semble que Marcel Proust ait considéré sa proposition, et qu’elle soit acceptée, comme quelque chose d’aussi haut et singulier que l’estime qu’ils partageaient pour l’art de la phrase – et c’est peut-être pour cela qu’ils n’en prononcèrent pas. Il semble que dans un message pneumatique à un proche, mais dont nous n’avons pas trouvé de trace matérielle, Proust ait qualifié d’arrogance ce mutisme obstiné, ce refus aussi d’accepter la moindre convention (la fourrure et le bonnet). Et que Baudelaire, ramené à Honfleur au retour, dans un adieu parfaitement civil, ait seulement marmonné : — C’est bien bruyant, pour peu de vitesse.


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1ère mise en ligne 17 novembre 2012 et dernière modification le 17 février 2013
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