bonne retraite, monsieur Zacharias

du monde joyeux, pour une fois


Je n’ai rien contre monsieur Zacharias. Je ne le connais même pas, je n’avais pas entendu prononcer son nom. Vinci, le groupe, oui. Pas Léonard : d’ailleurs l’emprunt est bien audacieux. Quand on entre dans un parking souterrain, qu’on glisse sa carte bleue, Vinci. Quand on laisse sa voiture à la gare ou à l’aéroport, Vinci. Et les grands viaducs en construction qu’on photographie depuis le train, pour une nouvelle autoroute ou le nouveau viaduc TGV : Vinci.

Et le beau cadeau que faisait l’été dernier à ces gens-là Villepin, en privatisant les autoroutes, comme s’ils n’étaient pas assez riches et nous trop ? C’est Vinci qui avait ramassé le gros morceau, capable de payer 9 milliards d’euros le rachat d’ASF, Autoroutes du Sud de la France, et sur dix ans chaque fois que nous on roulera sud ce sera désormais pour la poche de Vinci et même pas le bien national. En ce moment, je n’aime pas les gens qui disent qu’on est victimes d’une politique folle, de grands commis hallucinés : non, ils sont cohérents et logiques, les grands commis, dans les intérêts qu’ils servent. En ce moment, on est épuisé de ces bousculements au quotidien à quoi nous contraignent la furie obscurantiste des grands commis : mais le visage de leurs consanguins n’apparaît pas dans les télévisions.

Donc monsieur Zacharias prend sa retraite : et le groupe Vinci, satisfait de ce que monsieur Zacharias a obtenu de Villepin (au jeu de Monopoly, un tiers des autoroutes du pays) lui offre son cadeau de retraite. Quand j’étais à l’usine, autrefois, on en plaisantait, de ces cérémonies où on se cotisait pour offrir canne à pêche ou fauteuil ergonomique. Monsieur Zacharias préfère le cash ; une prime de treize millions d’euros. Après tout, un pour mille de ce qu’il a négocié avec Villepin pour s’attribuer les juteuses autoroutes.

On a l’impression que c’est énorme (il pourra s’en payer plusieurs, des cannes à pêche, monsieur Zacharias). Non, d’ailleurs on nous précise, ce 5 avril 2006, que c’est très précisément trois fois le montant de son salaire annuel brut : il se payait bien, monsieur Zacharias, sur nos cartes bleues et nos petites pièces quand on reprend sa voiture à la gare, ou dans le parking souterrain du centre-ville, quatre millions d’euros et quelques. Et puis il garde de quoi s’occuper : il sera encore président du conseil d’administration, du comité stratégie et investissement et du comité des nominations : soit probablement environ 130 000 euros de rémunération annuelle, bons de présence et tout ça.
Et ce qu’il y avait déjà dans le bas de laine [1]... !

Il faut avoir ça en tête, quand on traverse les facs, qu’on voit les chaises accumulées contre les portes vitrées. On aurait tendance à l’oublier, la famille derrière les grands commis : leurs frères, leurs consanguins, ceux à qui on donne sans même qu’ils demandent.

Bonne retraite, monsieur Zacharias.

[11er : Bernard Arnault (LVMH) "a levé pour environ 60 millions de plus-values d’acquisition en 2004. Et, avec 2,25 millions d’options depuis quatre ans, il a 20 millions de gains potentiels sous le coude."

2e : Antoine Zacharias (Vinci) "a levé 1 million d’options depuis le début de 2004, à un prix moyen d’un tiers du cours actuel. Résultat : une plus-value d’acquisition de 38,8 millions."

3e : Jean-René Fourtou (Vivendi). "Après trois ans chez Vivendi, il est déjà à la tête de 27,5 millions de gains potentiels. Sans oublier les options Aventis levées en 2004 (14,4 millions de plus-value) et en 2001 (8,1 millions)."


responsable publication François Bon © Tiers Livre Éditeur, cf mentions légales
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1ère mise en ligne et dernière modification le 6 avril 2006
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