Stones, 41 | Dirty Mac, Keith Richards on bass

50 histoires vraies concernant les Rolling Stones – un légendaire moderne


On est le 11 décembre 1968. Avant le Rock’n Roll Circus, la grande idée des Stones qui n’ont pas joué en public depuis 2 ans, les répétitions. Tout ira de travers, mais leur passage, Richards Les Paul en avant, et l’effacement de Brian, comporte le meilleur Jumping Jack Flash qu’ils aient peut-être joué, on en a parlé.

On a les Who, Jethro Tull et d’autres, mais on n’a pas pu avoir les Beatles. Quand à Toronto John Lennon lancera le Plastic Ono Band, Eric Clapton sera le guitariste en titre, promesse éventuelle pour le rebond d’après Beatles, qui ne se fera pas.

Ce soir, Lennon va chanter cet hymne du double blanc ((The eagle picks my eye / The worm he licks my bones / I feel so suicidal / Just like Dylan’s Mr. Jones / Lonely wanna die / If I ain’t dead already) et il aura à son service Mitch Mitchell (le génial accompagnateur de Jimi Hendrix) à la batterie, Eric Clapton à la guitare solo, et Keith Richards à la basse.

Parce que n’importe quel guitariste peut se saisir d’une basse et en jouer ? Tous les bassistes disent le contraire : disent qu’on reconnaît facilement si le type est d’abord guitariste, ou joue la basse pour elle-même.

Peut-être que c’est dans le son et l’obsession rythmique de la basse qu’il faut chercher la cave, le son de basse que portent en eux, même quand ils jouent de la guitare, les as de la 6 cordes. Jimi Hendrix non seulement tient la basse dans nombre d’enregistrements de la dernière période, mais dans les after de clubs avec l’Experience, Noel Redding prend la guitare et Hendrix accompagne, ce sera d’ailleurs un des motifs de tension. Combien aussi de photos de Dylan avec basse.

La photo ci-dessous est importante. Parce que c’est Ian Stewart qui la prend. Et il la prend depuis l’intérieur du studio Olympic. On est fin novembre 1966. Richards a le droit, parce qu’il a composé Let’s Spend The Night Together, sur une idée de petit riff qu’il joue d’un doigt au piano. C’est sa chanson. Mais ce jour-là, dans le studio, il prend la basse et réenregistre la partie de Bill Wyman. C’est le regard de Wyman que fixe Stewart, un regard qui n’aurait pas été donné à quelqu’un d’extérieur au centre sismique du groupe.

A noter qu’il n’emploie pas la basse de Wyman, toujours un modèle à manche court, mais la traditionnelle Fender Jazz Bass. Dès ce moment-là, on a des déclarations de Richards : il a appris à la basse, dit-il, tous les plans de Willie Dixon. On en aura la preuve dans Beggars Banquet : Richards fait tout. Autre preuve dans Godard One + One, la basse sous-tendant le morceau avant même qu’il commence à entasser les pistes de guitares, puisque dès lors il en colle cinq ou six aisément.

Wyman n’est pas de cette génération de bassistes harmoniques, comme Jack Casady ou même John Paul Jones. Un son mat, des licks dépouillés, mais si parfaitement synchronisés avec la batterie de Watts que l’obsession est là tout de suite. On verra ça de près en décortiquant le concert de Hampton. Qu’on écoute d’autre part les prises bootlegs des répétitions d’avant la tournée de 72 (72 Rehersals, un monument), ou les 4 CD des Woodstock Tapes, pas d’hésitation : Wyman est partie prenante de l’invention même des Stones. Pas le genre à recopier une ligne de basse qui est celle qu’on a mise dans le disque. Mais qu’on décortique les prises studio de Gimme Shelter, qui tient la basse ? Personne pour l’affirmer avec certitude [NOTA : voir commentaire Jérémy Jeanguenin ci-dessous, et merci à lui !]. Sauf quand eux le disent : à partir du jour de cette photo, pour Let’s spend the night together, Richards a quasiment refait en overdub toutes les parties de basse en studio. Petit à petit (pour Dirty Work par exempleà, ce sera crédité comme tel sur la pochette. Et son premier 45 tours solo, le Run Rudolph Run de Chuck Berry, c’est un soir de studio, resté tout seul avec un technicien, et qu’il enregistre lui-même basse et batterie, guitare et chant. D’habitude c’est pour les maquettes qu’on reprendra, là il sort le disque.

Pour en venir où ? A rien de spécial, juste ce truc qui me concerne moi, subjectivement, quand on parle guitare basse – tenez, cette proposition de Vincent Segal – en hommage aux Rolling Stones –, lui qui prétend ne jamais répéter la basse chez lui tout seul, que sur scène ça se joue juste avec la tête – Under My Thumb joué sur son violoncelle (dans son disque T-Bone Guarnerius) : ce qu’entend un guitariste à l’intérieur, c’est basse et guitare tout ensemble ?

Quand Bill Wyman, à bout de mépris, quitte les Stones en 93, des voix bien intentionnées se mettent à prier en choeur : ah, donnez la bass à Ron Wood (il la tenait, et parfaitement, dans le Jeff Beck Group, comme d’ailleurs Jimmy Page un temps joua les remplaçants à la bass dans les Yardbirds époque Jeff Beck), et reprenez Mick Taylor... Idée à l’époque saugrenue, tant l’équilibre entier des Stones repose sur le binôme Richards-Wood. Mais je me demande toujours ce qu’aurait donné l’idée suivante : aux guitares, Wood et Taylor. A la bass, Keith Richards. En plein milieu devant, pas sur le côté comme l’excellent Darryl Jones.

Quelle musique ça nous aurait fait... Réécoutons, juste avec quelques images plan fixe, Richards bassiste dans Yer Blues, avec Lennon, Clapton, Mitchell...


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1ère mise en ligne et dernière modification le 23 août 2012
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