Moulon cherche inventeur de nom

de la question des toponymes


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Comment nommer les villes nouvelles ?

Dans les années 70, combien de cités bâties dans lieux vierges parce qu’anciens lieux relégation (Maladrerie, Sanitas...) et qui en garderaient le toponyme. Dans l’étalement urbain neutre des temps pavillonnaires, on décline par catégories : vous mettrez un écrivain (espace culturel Rimbaud derrière la rue Anatole France), puis les noms d’arbres et les noms d’oiseaux...

On sait ce que dans la Recherche Proust extorque aux vieux toponymes normands, faisant disserter l’ancien curé de Balbec et rêvant lui-même à ce qu’il entend dans les vieux noms.

Dans la ville d’en bas, à Palaiseau, on trouvera de curieuses jonctions sémantiques : ainsi le bloc Cosmonaute Flaubert fait vis-à-vis au bloc Cosmonaute Stalingrad.

Non pas, pour le plateau, que les désignations manquent : elles se forgent par l’usage, et pour cela il suffit du nom des arrêts d’autobus. — Tu descends aux Algorithmes ? — Non, je monte jusqu’au Christ.

Dans la topographie rurale, chaque recoin a bien sûr sa dénomination, mais elle n’est pas sur les cartes. Parfois, le toponyme se fait l’hériter de l’ancienne appellation rurale. Mais la ruralité, ici, c’est la concentration des terres en 3 ou 4 grandes exploitations, des champs remembrés et donc plus aucune appellation.

Appellations toponymiques par la fonction : les panneaux routiers s’en contentent, aux ronds-points, et vous proposent direction INSTN ou NEUROSPIN au choix – ça vous va, pour y habiter ?

Pour l’instant, on définit les toponymes par la négative : là où tout le monde dit Polytechnique, Supelec, Danone CEA, plus question d’utiliser des noms d’école ou d’établissements pour désigner ce qui sera la ville de tous. Alors comment faire ?

Le Moulon, c’est d’abord le nom d’une des 4 fermes (le Moulon, l’Ermitière, les Granges), contrairement aux hameaux (Saclay, Saint-Aubin, Corbeville). Quand on y marche, autour de la vieille halle à essais comme une mère tutélaire, des bâtiments de brique rouge proposent aux chercheurs et labo de l’université Paris-Sud (je m’améliore, voyez, je ne dis plus fac d’Orsay) le voisinage immédiat de la forêt.

Maintenant qu’ici la ville rampe, c’est un des premiers enjeux de la ville nouvelle : bâtir dans la forêt. Sauf que si c’est bâti il n’y en aura plus, de forêt, alors mieux aurait valu se pousser un peu ? Jamais trop compris ce principe.

Je repense à ce bâtiment le plus au sud du petit campus du Moulon, où nous avons rencontré l’homme-volcan : un couloir très calme, au 1er étage, toutes portes ouvertes (en tout cas, les 3 portes donnant du bâtiment sur la forêt, quelque chose en soi de presque exceptionnelle dans notre monde de codes, vigiles et accès vidéo-surveillés. Mais, dans les ordinateurs de ce couloir, parviennent en direct les informations transmises des éruptions et mouvements sismiques des 1546 volcans dénombrés de la planète.

Dans le projet déjà diffusé de nouvelle ville, la forêt et la frange rurale deviennent un étrange alphabet de X et de O ou de I de L, mais une écriture qui couvre d’abord la surface, englobe les vieux bâtiments de brique vient presque jusqu’à celui des voicans.

Il y aura donc ici une ville. En 40 ans, si on repense à Cergy-Pontoise, Evry Ville-Nouvelle, Corbeil ou Créteil, on s’est en partie guéri des plus grosses maladies. Ici, on négocie, on pense durable, on confère avec les hydrologues, on se préoccupe des espèces protégées (un insolent petit triton). N’empêche que l’écriture blanche recouvre les parties vertes, et les bâtiments en noir qui avaient cru profitable de s’installer à l’écart. Probablement qu’on pourra garder Corbeville. Mais on ne pourra pas garder Paysage intermédiaire. Et Moulon ne va pas sans son génitif, ferme du Moulon (parce qu’y était la meule à grains ?). On cherche donc le nom, pour la ville qui s’étendra de part et d’autre de la ligne de métro aérien rêvée, dessinée en rouge.

Vos propositions ? Je ne sais pas s’il y a une récompense, à qui trouvera. A moins de donner à chaque lettre dessinée en blanc le nom d’un volcan, pour se souvenir du vieux bâtiment rouge dont les chercheurs auront probablement déménagé ?

 


responsable publication François Bon © Tiers Livre Éditeur, cf mentions légales
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1ère mise en ligne et dernière modification le 30 avril 2012
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