l’Académie française s’installe sur le plateau de Saclay

l’initiative d’un échange de parc immobilier a été unanimement saluée


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On sait que l’Académie française dispose, par legs interposés et à l’ancienneté, d’un vaste patrimoine immobilier (d’aucuns le disent disproportionné à l’égard de sa mission, mais taisons ces voix critiques ou jalouses) dans la partie du Ve arrondissement parisien jouxtant la Seine.

On sait que, l’Académie française ne rétribuant pas ses quarante bénéficiaires (un peu moins, il y a des morts, et ceux qui s’y présentent sont de moins en moins recommandables), la libre mise à disposition de ces dizaines d’appartements, à chacun de ses membres, pour leur usage personnel mais bien sûr tolérant depuis toujours la sous-location privée à des tarifs de gré à gré qu’il n’appartient pas de révéler, en représentait le bénéfice essentiel – dans l’acception du mot bénéfice dont l’article de leur Dictionnaire à ce mot joue d’un second degré non exempt d’auto-ironie très plaisant.

La décision prise discrètement et récemment (zeugme, mot qu’on trouverait dans le Dictionnaire de l’Académie à cette lettre, si un jour ils y parvenaient) d’un échange consistant de ce parc logement avec ceux de l’EPPS (Établissement Public Paris Saclay) est donc unanimement saluée comme d’abord le modèle d’une honnêteté et d’un renoncement à de vieux privilèges qui rehausse considérablement l’Académie française dans l’esprit public.

L’Académie française le justifie quant à elle y compris d’un point de vue économique : ces logements avec vue sur Seine, miroirs au-dessus des cheminées, planchers qui craquent et vue sur Seine (donc humidité) sont lourds à entretenir, il est difficile d’y amener le confort moderne (le coût des double-vitrages par exemple devenait prohibitif, et ils n’étaient jamais d’accord s’il fallait mettre un s à double ou pas) – et qui fréquente désormais ce bas du Ve arrondissement ? Les belles parties de la ville sont hors la ville : voyez Neuilly (et Neuilly n’est plus ce que c’était). L’Académie française a donc confirmé que cet échange de m2 entre ses appartements parisiens et la quantité équivalente d’appartement dans les immeubles tout neufs qui se construisent au Moulon, plateau de Saclay, était un pari d’avenir sur la valeur immobilière.

Dès à présent on mesure les avantages : pour les vieilles personnes de l’Académie française, s’éloigner de leurs obligations d’écrivains périmés. Venir au bon air, respirer le colza, voir la forêt (il reste quelques arbres). Avoir de bons ascenseurs et un bon chauffage, à proximité immédiate des sources électriques (le CEA Saclay). Avoir à portée de main hypermarché, médiathèque de quartier (ils pourront recommencer à lire des livres), une vie calme favorable à la rédaction de leurs mémoires, et un large bassin d’étudiants volontaires, ou disponibles moyennant faible rémunération, disposant d’un niveau scientifique conséquent, pour rédiger les articles de leur Dictionnaire et lui conférer un peu plus de pertinence quant au présent : ils en étaient à la lettre N, et allez savoir, quai de Conti, ce qu’est un neutrinos (on se souvient de la déclaration de la présidente de l’Académie, récemment disparue à la tâche : « Un jour, un de nos collègues nous déclare, en pleine séance : – Allez savoir, qu’est de Conti, ce quai un neutrinos...., ce jour-là nous avons compris que nous devions agir. »).

Les logements n’ayant pas été habités, chaque académicien pourra le décorer à son gré, même en moderne, mais oui a-t-on répondu à un de leurs membres, mais ce n’est pas obligé, hein, demanda un autre, qui reçut réponse favorable lui aussi.

Et dès à présent le Ve arrondissement de Paris bénéficie de la visite régulière de nos étudiants et chercheurs, ils ont le plaisir de redécouvrir Paris, des navettes d’autobus font le lien avec les labos, la librairie Gibert et d’autres commerçants ont confirmé l’intérêt qu’ils trouvaient à voir de nouveau déambuler dans la ville des gens curieux de livres et de savoir.

Merci à l’Académie française d’avoir pris une initiative résolument confiante dans l’avenir du Plateau de Saclay, sa nouvelle ville, son campus, et de manifester ainsi, à 28,4 km du vieux centre de Paris, ce rééquilibrage plein de sens.

La Communauté d’agglomération du plateau de Saclay a donc refusé, à l’unanimité, en sérénité et en vitesse (autre zeugme), la publication dans son bulletin de la protestation du soi-disant Comité pour la dissolution de l’Académie française – si tant est que ce Comité ne soit pas une sombre plaisanterie de tout aussi sombres écrivassiers aigris et rancunassiers, dit-on.

 


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1ère mise en ligne et dernière modification le 29 avril 2012
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