publie.net, éditeur à réaction

dédié aux Assises numériques du Syndicat national de l’édition


Elen Riot enseigne (la stratégie !) à l’école de commerce de Reims (Reims Management School), d’où la teneur de cet échange portant sur la naissance et la structure de publie.net, en regard des maisons d’édition traditionnelles. Un grand merci à elle, ça permet évidemment, en ce contexte chargé et mouvant, de faire le point avec soi-même.

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Note du 7 novembre 2011 : ayant à répondre aux questions d’Anaëlle Grondin pour 20 Minutes, j’insère ci-dessous [1]
mes réponses, cela complète ce premier entretien.

 

François Bon, Elen Riot | publie.net, éditeur à réaction


Quand as-tu perçu le virage vers le numérique et comment se fait-il que tu aies été si en avance sur la majorité du monde littéraire ?
Je n’ai jamais perçu le numérique comme un virage. D’ailleurs, même avant l’ère des ordis personnels, les machines à écrire commençaient à intégrer des fonctions digitales. Ensuite chaque âge du numérique est né du précédent : quand j’ai établi ma première connexion web en 1996, c’était pour télécharger les Fleurs du Mal et j’ai aussitôt participé à un réseau bénévole pour numériser des classiques dont la circulation numérique me semblait indispensable, dans un contexte où même les grandes institutions comme la BNF n’avaient pas encore de site. Et l’avancée s’est plus faite par une suite de sauts imprédictibles, l’arrivée de l’ADSL, l’arrivée de l’iPad, que par virages progressifs. De même, je ne me suis jamais senti en avance – ma gratitude envers le web c’est d’y avoir toujours trouvé des veilleurs, des éclaireurs, souvent prêts à mettre la main à la pâte pour nous aider à maîtriser tel ou tel outil, à commencer par spip en 2004. Et même en 1996, le web littéraire, très fruste évidemment si on compare aux mondes scientifiques, avait déjà une structuration. Dès ce moment j’ai toujours eu plutôt l’impression de recevoir et partager, sur le web – on dit que l’intelligence est collective, ce n’est pas une bravade. Ce qui me travaille, ce n’est pas le retard ou l’absence des auteurs papier, c’est plutôt que je suis à un âge, et d’une formation qui me rend difficile de suivre les étapes actuelles, des fois j’enrage.

 

Comment expliques-tu l’absence de réaction des éditeurs français jusqu’à très récemment ?
C’est un énoncé trop schématique : la numérisation globale des processus d’édition, pour toutes les maisons, remonte à 94-96. Pour la plupart, ces quatre dernières années, refonte aussi de la structuration intérieure, notamment informatique, pour tenir compte du décloisonnement des métiers. Ensuite, c’est du point de vue commercial et éditorial qu’il y a eu une résistance délibérée, retarder une transition dont tout le monde sait qu’elle est irréversible. C’est encore le cas actuellement, avec la réticence à rendre disponible l’ensemble de leurs ressources numérisées, et de les proposer à un tarif commercial qui soit au-dessus du poche. Ce n’est pas une absence de réaction, c’est une politique très construite pour retarder l’échéance d’une bascule, avec risque évident de remplacer une transition progressive par un basculement plus brutal. À leur décharge, l’impossibilité manifeste de transférer dans l’économie web leurs infrastructures très lourdes, liées à l’écosystème de la distribution papier – effectifs, entrepôts, camions mais tout aussi bien services de presse, représentants, tout est lié à l’écosystème actuel, alors que nous travaillons sur le web en micro-structures très souples, sans heure, sans lieu fixe, où chacun garde son statut de micro-entrepreneur. Les seules analogies qui me viennent ne proposent pas de solution miracle : en France, en 1914, 70% de la population vivait de l’agriculture, encore 30% en 1968, moins de 6% aujourd’hui – on n’a pas sauvé les aciéries ni les mines, et le seul discours qu’on entend dans leur chasse aux subventions, c’est que le livre « n’est pas un produit comme les autres », quand justement, dans la période très récente où l’édition est devenue industrielle, elle en a fait un produit comme les autres. Le texte, le savoir, ce qui ancre la transmission, tout a migré sur le web, et côté web c’est une myriade aussi de nouveaux métiers, y compris dans le livre numérique, de structures associées à ces métiers, donc beaucoup plus une mutation par redéploiement, que ce à quoi on a assisté pour sidérurgie ou mine – pas forcément de quoi avoir peur. Mais des conséquences importantes, je pense par exemple à toutes les formations métiers du livre qui n’ont pas encore compris que le numérique c’est là où est le taf, et que ça inclut aussi les métiers de la recommandation, la gestion et le droit des bases de données, l’éditorialisation d’applis etc.

 

Y a-t-il renégociation autour du numérique et des droits d’auteurs, et si oui, quelles instances agissent pour les auteurs ?
Le ministère de la Culture a toujours eu trois temps de retard (voir quelques bides récents à coup de 500 000 euros nettoyés en pure perte, programmes d’aide à la numérisation des éditeurs centrés sur les oeuvres les plus commerciales et qui pourraient s’en passer, ou cette caricature de bout en bout qu’est cette loi inapplicable, dont d’ailleurs plus personne ne parle, le « prix unique du livre numérique », ou #Prisunic). Les sociétés d’auteurs se sont braquées sur une défense du droit d’auteur sans prendre en compte sa nécessaire mutation, liée à des principes d’accès différents (abonnements, lecture streaming) et évidemment une répartition des coûts totalement bouleversée. Tout ce petit monde se goberge de journées d’études, assises rassises, grand-messes et colloques, rapports sur rapports, pendant ce temps-là au moins on est tranquilles. Il n’y a eu que cette année un ensemble de prises de positions, notamment côté SGDL, qui cessaient d’être asservies au Syndicat national de l’édition. Mais aucune négociation collective. Ni d’ailleurs lorsqu’il s’est agi que nous discutions avec iTunes ou Amazon pour la distribution – et après tout, peut-être tant mieux. Il y a encore 2 ans, la plupart des maisons d’édition tradi proposaient à leurs auteurs des droits numériques au même taux que les droits imprimés (tant pis pour ceux qui ont signé les avenants trop tôt), maintenant il y a consensus autour du créneau 20/25 % mais à chacun de se débrouiller. Deux points juridiques me sembleraient essentiels à déverrouiller : la fin de l’exception aux contrats commerciaux pour le contrat d’édition, donc limitation à 10 ans comme dans tous les autres pays européens, et la possibilité du paiement à la recette, encore une exception strictement franco-française, dans le dispositif légal actuel de la propriété intellectuelle. Ce dernier verrou est une incitation permanente, pour publie.net, à nous transférer à Bruxelles, comme la plupart des boîtes web (ce qui ne changerait rien pour nos lecteurs, d’ailleurs, en plus du fait que j’aime beaucoup cette ville et y suis souvent).

 

Comment l’idée de la coopérative d’auteurs est-elle venue ?
En marchant sur une plage, fin novembre 2007. L’idée d’une plateforme avec rémunération minimum pour toutes ces ressources que chaque auteur stocke dans son disque dur, conférences, textes parus en revue, en appui à nos livres imprimés. Mais très vite le centre de gravité s’est déplacé vers la création contemporaine. Et ça a coïncidé avec ce qu’on devinait, mais sans pouvoir en mesurer la rapidité ni l’ampleur : 3 ans d’évolution continue des supports, l’arrivée des liseuses puis des tablettes, le mûrissement du format epub. Donc désormais la volonté d’explorer avant tout des formes de création directement conçues pour le numérique. Du coup, chaque année à même date je retourne faire la même marche, sur la même plage : si j’avais imaginé le quart de ce que me conduirait à faire cette plateforme, je n’en aurais jamais eu le culot.

 

Comment les "coopérants" ont-ils été choisis ?
J’avais tout simplement envoyé un courrier à l’ensemble de mes amis auteurs, du monde de l’imprimé. Quelques-uns ont répondu, vraie générosité. Mais vrai que je ne m’attendais pas à une telle réserve, ou la décision d’attendre que leur éditeur tradi prenne en charge leur existence numérique – alors que tout prouve que la mise en place d’une dynamique dans la diffusion numérique n’affaiblit pas, mais nourrit au contraire, le corps d’oeuvre pour ceux qui restent d’abord liés à l’imprimé. Il nous faut des textes pour expérimenter, nous familiariser, inventer, et pas des résidus ou fonds de tiroir.

 

Pourquoi ont-ils coopéré (quelles raisons ont du moins été invoquées) ?
En même temps, je venais de passer 2 ans à expérimenter une collection de littérature contemporaine au Seuil, j’étais en contact, par des manuscrits que le Seuil ne pouvait accueillir, avec toute une génération d’auteurs dont le travail reposait nativement sur leurs sites et blogs. Une sorte d’osmose s’est créée entre la création littéraire telle qu’elle s’exprime sur le web, et nous-mêmes. L’édition tradi n’est plus en mesure d’accepter et soutenir la création contemporaine comme elle le faisait lorsque ceux de ma génération, dans les années 80, ont accédé à l’édition. Les choses changent à nouveau aujourd’hui avec la montée en pression de la distribution, le fait que nous soyons présents sur l’ensemble des librairies numériques, dont iTunes et Amazon, et que le taux d’équipement en liseuses et tablettes commence à devenir significatif.

 

Par quel processus avez-vous déterminé la rémunération moyenne des auteurs de la coopérative ?
C’était mon idée toute simple dès le départ, sur le modèle des galeries d’art : partage à parts égales, 50/50, entre l’auteur et la structure. La grande hésitation, permanente d’ailleurs, c’était la sortie du modèle du web gratuit, la machinerie lourde d’une EURL (compta, contrats, alors que nous ne sommes qu’une poignée de bénévoles). Mais si je n’avais pas fait ce saut vers un modèle économique, je ne saurais pas aujourd’hui financer la préparation éditoriale, et le codage epub, donc rémunérer ceux qui le font pour nous – tout simplement aussi parce que l’invention c’est d’abord des heures et des heures le nez sur l’écran. L’autre versant de l’expérience s’est présenté quasiment dès le départ, via la BPI (Beaubourg) et la BU d’Angers : comment mettre ces ressources à disposition des lecteurs de bibliothèques ? Cela me semble décisif pour que la création la plus expérimentale trouve son oxygène. Aujourd’hui une quarantaine de bibliothèques, grosses, moyennes ou petites, en France ou à l’étranger – et des énormes campus comme Nice, Montpellier, Strasbourg –, proposent les textes de publie.net en streaming, parfois avec accès à distance, donc permettant à leurs usagers la lecture là où ils sont, sur l’appareil qui leur est familier. L’engagement que nous prenons étant la redistribution de 30% des recettes nettes abonnements à nos auteurs, par péréquation des pages lues (la technicité de ces mises en place suppose une médiation beaucoup plus active de notre partenaire L’Immatériel-fr).

 

Quelle a été la réaction de vos éditeurs traditionnels ?
Je n’aurais pas lancé publie.net sans un certain nombre d’avant-projets les années précédentes, que je souhaitais en partenariat avec l’un ou l’autre de mes éditeurs. Aucun n’a voulu s’y risquer, j’ai franchi le pas : si on ne s’était pas jeté à l’eau on n’aurait rien appris. Du coup on a pris un bon tour d’avance. Mais mon éditeur depuis bientôt 14 ans, Olivier Bétourné (que j’ai suivi de Fayard à Albin-Michel, puis au Seuil), a toujours été un spectateur impliqué de ces expériences et de ces orientations, cela m’est précieux, et cette relation de labo en complicité nous permet des expériences comme, en ce moment, mon essai Après le livre en version imprimée et numérique au Seuil, cohabitant avec version numérique sur publie.net. On pourrait aller beaucoup plus loin dans la complémentarité papier-numérique, et ce serait un beau geste vis-à-vis des libraires indépendants, qui sont à la peine, et ne participent quasiment pas à la diffusion numérique. Maintenant, l’idée à défendre, c’est qu’un éditeur tradi qui ne défend pas numériquement son auteur, tout simplement le lèse. Il faut répéter et répéter qu’un auteur papier garde l’intégralité de ses droits numériques pour les ouvrages déjà publiés, s’il n’a pas signé d’avenant spécifique. Il faut inciter les auteurs à récupérer leurs droits (la plupart des éditeurs l’acceptent d’ailleurs) si le livre n’est plus présent en librairie ou laissé en désaffection par l’éditeur original. Dès cet hiver nous allons d’ailleurs proposer pas mal de « reprints » de ces livres en déshérence, mais qui pour nous-mêmes sont notre histoire et notre vie. On finalise un atelier scanner artisanal, mais qui va nous le permettre sans que ce soit trop une corvée.

 

Pourquoi ne pas avoir intégré d’autres types d’art dans la coopérative ?
Question essentielle, dans le décloisonnement évident de nos outils personnels d’écriture. Le web, en lui-même, est cette plaque où les différents langages et techniques se mêlent. Avec l’epub 3.0, et surtout l’iPad (les autres tablettes pour l’instant n’ont pas les mêmes capacités pour l’intégration du son, par exemple), on entre tout juste dans l’ère où ces conceptions peuvent devenir des objets éditorialisés, puis distribués et commercialisés. Le livre imprimé lui-même n’est jamais qu’un ensemble de fichiers xml, masque css et métadonnées, donc un fragment de site web qu’on remet à l’imprimeur. La frontière entre le monde des « applications », dédiées à un seul titre ou famille d’objets, et celui du livre numérique, s’efface graduellement. Pour notre part, Arnaud Maïsetti et Jérémy Liron proposent une collection PortFolios avec des artistes graphiques, ou des binômes auteurs plasticiens. Dans l’intérieur de plusieurs de nos epubs, l’auteur a travaillé avec des musiciens pour un tissu sonore immergé, dont le mode de surgissement en chaque point du texte peut être modulé. Reste à ce que ça se sache : jamais vu encore une école d’art s’abonner à nos ressources, quel dommage...

 

Faudrait-il une édition des contenus et si cette édition/ cette création de collections était faite, qui devrait le faire ou comment devrait-on s’y prendre (de manière collégiale, bénévole, ou instituée par exemple) ?
Si on s’intitule coopérative d’auteurs, ce n’est pas une fuite des tâches de l’édition, bien au contraire... D’ailleurs bien des auteurs, dans les maisons d’édition, travaillent comme lecteurs, correcteurs, graphistes free-lance, ce n’est pas nouveau. Je n’aurais jamais pu lancer publie.net sans mon expérience d’éditeur au Seuil, même minimale. Le processus de préparation du texte, le dialogue avec l’auteur – le passage au collectif, en amont, qu’est le geste éditorial, ne diffère pas selon qu’on est papier ou numérique, et c’est pour nous la part la plus lourde à assumer. La seule différence, c’est que l’ergonomie de lecture, donc le dialogue avec le créateur epub (pour publie.net, Gwen Catala et une nouvelle collaboratrice depuis hier), vient dès cette première phase, tandis que le « passage à la fab » dans l’édition tradi est plus cloisonné. Pour notre part, un collectif informel, mais où chacun dépiste les projets dans ce que nous répérons côté blogs et sites – un des paramètres qui m’apparaît le plus essentiel, pour l’édition numérique, c’est comment l’auteur s’insère lui-même dans le jeu et la médiation. Ce qui n’est pas une hérésie, au regard de n’importe quelle phase de l’histoire de l’édition. C’est retrouver la pleine effectivité de notre vie d’auteur, et non pas être mangé par la machine (on le saurait). Pour finir, c’est très impressionnant comment, en quelques années, s’est volatilisé l’espèce de (fragile) cocon culturel qui nous procurait des commandes radio ou articles, collaborations avec l’éducation nationale. L’enjeu à court terme, pour nous, c’est aussi l’indépendance matérielle. S’insérer sans complexe dans le jeu de la distribution, pousser nous-mêmes nos textes. Mon séjour d’un an au Québec m’a aidé à être un tantinet moins réservé sur ces questions, toujours dans un univers confidentiel et secret en France. Oui, nous sommes prêts à diffuser un nombre bien plus grand de textes, oui pour nous l’enjeu c’est d’atteindre une véritable diffusion de ces textes.

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Anaëlle Grondin (20 minutes) | le livre numérique est-il la fin d’une culture ?


Dans un récent article La Tribune a écrit : « Si aux États-Unis, le livre numérique pèse déjà 12,5 % du marché de l’édition, dans l’hexagone, il n’a toujours pas dépassé les 1 %. » A votre avis, quelles en sont les raisons ?
Si on pose ce genre de question vis-à-vis de l’industrie du livre en général, je ne sais pas si c’est intéressant. Ce qui m’intéresse, moi, c’est la progression de nos propres téléchargements : en 2010 on avait passé les 10 000 le 28 décembre, là on va atteindre les 16 000... Et pour la littérature contemporaine, c’est d’autant plus vital que l’édition traditionnelle se concentre sur les parutions les plus rentables, le numérique devenant une véritable chance pour ces textes.

Le public français serait-il plus attaché au livre papier ou bien est-ce que les livres électroniques ne sont pas encore assez connus pour le moment ?
J’ai acheté ma première liseuse en 2008, une Sony PRS-505, aujourd’hui elle me paraît aussi loin que mon premier ordinateur Atari en 1988. C’est très récent que les différentes liseuses présentent un niveau d’ergonomie équivalent au livre papier. Mais maintenant c’est acquis. Ce qui a permis le décollage massif du marché américain, c’est la large diffusion du Kindle, il vient juste d’arriver chez nous, à moins de 100 euros.

Beaucoup de personnes trouvent que le livre numérique (à l’unité) est encore trop cher (alors qu’il n’y a pas les frais d’imprimerie, etc). C’est un réel frein. Comment expliquez-vous cela ?
Arrêtez, s’il vous plaît, de parler du « livre numérique » en général ! De notre côté, nous considérons effectivement qu’il s’agit d’un accès, ou d’un service, et que cela n’a rien à voir avec le transfert d’un objet matériel comme le livre papier. Nous proposons nos livrels dans un créneau de 2,99 à 3,99 euros, selon le travail qu’il nous a demandé. Et il faut prendre en compte l’accès par abonnement, à titre individuel ou via une bibliothèque : des modèles tout neufs de diffusion commencent tout juste à naître.

Aujourd’hui, quels sont selon vous les « plus » et les « moins » des livres numériques ?
Je dirais que souvent c’est nous, les auteurs, qui exerçons le blocage : il faut apprendre à penser le livre comme un fragment de site web, en volume, avec sa propre navigation intérieure, tout comme ses fichiers son, son iconographie, ses liens extérieurs, et non plus comme une table des matières en 2D. L’expérience de la lecture alors, si on ajoute les outils de recherche plein texte, les annotations, le dictionnaire intégré, nous rend très malheureux quand on revient au livre papier.

Vous êtes défenseur de la numérisation du livre. Pensez-vous qu’il puisse y avoir une cohabitation entre le papier et le numérique ? Il y a-t-il des genres ou des formats de livres, qui selon vous se prêtent plus à l’un qu’à l’autre ?
Je ne suis défenseur de rien du tout. On n’a pas eu besoin de défendre les locomotives contre les diligences. Il y aura bien sûr une période de transition où tout cela cohabitera, et à chacun de lire selon ses goûts. Mais il ne s’agit pas de « numériser » les livres : il s’agit d’inventer des formes de récit, de fables, de mise en réflexion de notre regard sur le monde, qui naissent directement de nos usages digitaux, et donc s’y installent nativement, tout en changeant le regard sur l’espace écran.

Quelle est votre vision des lecteurs de demain ?
La question n’est pas celle des lecteurs, de demain ou d’aujourd’hui, c’est plutôt de savoir quels textes nous sont nécessaires.

L’ère du numérique, est-ce que cela signifie que l’on tend vers la fin d’une culture ?
Jamais un média n’a signifié la fin d’une culture : ni la presse quand elle a surgi dans l’univers du livre, ni le cinéma quand il a surgi dans l’univers de la photographie, ni la télévision quand elle a surgi dans l’univers de la radio. Assez de ces messages catastrophistes.

Et vous, personnellement comment lisez-vous aujourd’hui ? Quelle liseuse électronique vous a convaincu ? Quels genre d’e-books privilégiez-vous ? Continuez-vous d’acheter des livres en version papier ?
Je n’achète plus de livres papier, à moins vraiment d’y être contraint, les éditeurs français étant encore d’un grand mépris à l’égard de la lecture numérique. Ne pas proposer un auteur en numérique en même temps qu’on propose son livre papier, aujourd’hui c’est un préjudice à l’auteur. J’ai actuellement un Kindle et un iPad – normal, puisque éditeur –, mais pour mon usage personnel je me sers principalement de l’iPad. C’est aussi iTunes qui est notre plus gros diffuseur. J’y retrouve tous les livres qui comptent pour moi, de Saint-Simon à Rimbaud ou Proust, et ceux qui vous disent qu’on fatigue plus, c’est qu’ils n’ont pas choisi les bons textes. Et le même plaisir à télécharger en quelques secondes, au soleil chez des amis, un polar de Connelly, qu’on avait à le trouver au hasard d’un bouquiniste...


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1ère mise en ligne et dernière modification le 4 novembre 2011
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