merde à BISAC (bis)

de quelques misères insidieuses à l’édition numérique, ou comment culturellement on nous standardise


Note du 19 octobre 2011
Demain, à l’IUT Métiers du Livre de la Roche-sur-Yon, invité avec Hervé Le Crosnier par Olivier Ertzscheid, on va bien sûr évoquer à nouveau le classement BISAC, et l’inaction qui semble définitive des professionnels français pour la CLIL...

Note du 30 août 2011 :
Le 9 juin dernier, donc il y a 3 mois, je mettais en ligne ce billet sur un point qui me semble extrêmement important – pour notre langue tout entière, et pas la seule question de notre petite boutique publie.net (puisque tous ces outils informatiques on arrive plus ou moins à les détourner si on met les mains dedans [1]).

Résumé : le repérage et les requêtes de classements des eBooks sur les plateformes de ventes dépendent de catégories établies aux USA d’après leurs propres valeurs et centrages, surévaluation de la religion, dédain de l’Europe, vision purement commerciale du travail littéraire. Cela s’appelle BISAC (Books Industry Standard And Communications) et il faut absolument foutre ça en l’air, mais pour l’instant on crie un peu dans le désert.

Il y a l’équivalent français : CLIL (Commission de Liaison Interprofessionnelle du Livre) mais avec un nombre de catégories beaucoup trop restreint (voir commentaire de Virginie ci-dessous) et, surtout, en service sur Dilicom (donc valide pour Fnac, ePagine, Cultura etc) mais pas sur les plateformes internationales comme iTunes, Amazon, FeedBooks : combat pour la langue qui va être difficile à mener, et pourtant c’est là aussi que nous devons nous battre pour imposer nos travaux.

catégories proposées par la CLIL pour la littérature générale

À noter aussi que les catégories BISAC sont cumulables, mais pas les catégories CLIL.

On en parlera, parmi autres choses, avec Hervé Le Crosnier à l’Université d’été du CLEO les 14/15 septembre à Marseille.

FB

 

contre BISAC


L’avantage avec le numérique, c’est que si vous cherchez une aiguille dans une botte de foin, il vous la pêchera tout de suite, où qu’elle soit. Ainsi encore, tout à l’heure, du poète Maurice Bouchor.

La difficulté, avec le numérique, c’est la sérendipité, en gros : on sait ce qu’on cherche une fois qu’on l’a trouvé. D’où la vieille magie des métiers de bibliothécaire ou libraire, le repérage spatial global qui permet de fractionner et orienter, proposer rencontre via tables, et le conseil personnel qui se saisit probablement part inconsciemment de tout un ensemble de détails avant suggestion ou recommandation.

Pour le numérique, qu’il s’agisse des blogs ou des livres, c’est cela l’analogie : d’une part spatiale, les indications qui orientent et donnent une vue synthétique, et d’autre part les métadonnées qui sauront, comme le librairie en son métier debout, palper les indices d’une requête floue.

Pour le web même, on sait mener notre guerre : jouer avec les doux algorithmes de Google, suivre quelques-uns de leurs blogs, et surtout avoir confiance – nos propres recommandations réciproques, se lire, se lier, accrocher un contenu dense qui saura se défendre.

Pour le livre numérique, on voit bien comment procède Amazon, largement dépositaire de l’excellence en cela, recommandations par analogies, facilité de l’achat impulsif (proposant même le repentir sans frais, si toutefois on n’a pas commencé la lecture. Problème qui n’est pas acceptable à notre échelle : j’ai toujours acheté des livres chez des libraires amis, et d’autres livres chez d’autres libraires, par seule requête d’anonymat. C’est probablement une des raisons du côté incontournable et du succès de l’achat iTunes.

Il faut donc que la notice de chaque livre aille se greffer sur un système d’interprétation de ces requêtes.

Vous ne connaissiez pas BISAC ? Il est là, BISAC.

D’abord, BISAC est américain.

Prenez la catégorie poésie (POETRY) – vous devrez classer votre livrel dans les catégories suivantes, soit continental european pour tout le monde chez nous :

Evidemment, l’idéal, c’est si vous vendez des bibles (103 occurrences), des livres de business (144 catégories), ou des livres de cuisine (112 catégories).

C’est un régal aussi, si vous vendez des pets (des livres sur les animaux domestiques, pets) :

Vous remarquerez que d’ailleurs les catégories en haut de la JUVENILE NONFICTION sont exactement les mêmes, nos enfants de bons animaux :

De BISAC voir l’organigramme. Pour ce qui nous concerne principalement, la fiction, voilà ce à quoi on a droit. Rien qu’un extrait, mais vous pourrez vérifier : le nombre de catégories FICTION est exactement la moitié du nombre de catégories RELIGION :

BISAC : Book Industry Standards and Communications. On aurait pu imaginer que les milieux professionnels de l’édition se préoccupent un peu de ça, par exemple réfléchissent à un BISAQUE en français où, en plus de traduire, on aurait pu affiner un tantinet. Mais non, la bureaucratie loi #PRISUNIC a trop mieux à faire...

Les abandons culturels, contre lesquels ces messieurs trouvent des millions pour des campagnes de pub débiles au nom d’Hadopi, ça commencerait par des micro-bagarres sur chacun de ces terrains-là. Mais on a beau mettre la main en visière, on les voit pas à l’horizon.

[1Exemple : un des points forts de la plateforme immatériel-fr et de la considérable avance prise sous l’égide du directeur-inventeur informatique, Julien Boulnois, les mots-clés introduits par l’éditeur sont rapportés par l’algorithme aux mots-clés les plus fréquemment associés à ceux-ci, dans une base de donnée constituée de l’ensemble des apports des éditeurs, et calcule les catégories BISAC et CLIL en rapport à ces mots-clés. Je ne dévoile pas plus les secrets de fabrique – il y en a d’autres ! : mais c’est ce genre de choses qui signe le caractère exceptionnel de l’Immatériel-fr, petite voiture de course toute rouge au milieu des vieux poids-lourds diesel, et, juste retour, une efficacité à laquelle nous contribuons, en tant qu’éditeur, à chacune des métadonnées que nous ajoutons...


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1ère mise en ligne 9 juin 2011 et dernière modification le 18 octobre 2011
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