Robert Marteau, in memoriam

une disparition


On fête les 100 ans de Maurice Nadeau, et dans cette commémoration presque une fête chacun de notre histoire de lecteur, c’est clair dans ces images de Laurent Margantin de Rosario Grimaldi : chez Maurice Nadeau.

Robert Marteau vient de disparaître, c’est son éditeur, Champ-Vallon, qui nous en informe.

Sur Robert Marteau, on lira Poezibao, ainsi que cet hommage du Matricule des Anges, Louange par Daniel Garcia.

Me rapprochait de Robert Marteau, dont j’appréciais cette rigueur d’écriture, qu’il avait l’âge de mon père et qu’on avait le Poitou en partage. L’herbe est un grand livre.

Et c’est de mon ami Jean-Luc Terradillos, qui nous invite régulièrement, depuis tant d’années, dans ce magazine où on se croire toutes professions, Actualité Poitou Charentes que je prenais de ses nouvelles. De Jean-Luc Terradillos, cet extrait, à propos cuisine et mangeailles :

De l’humus, il y a en a beaucoup dans les livres de Robert Marteau. N’oublions pas que ce poète né en 1925 dans la forêt de Chizé veut « renouveler la langue française par l’humus ». De cet humus qui nourrit la terre et tout ce qui y vit. Ce don qui fait vivre et, parfois, s’élever l’homme. Ainsi l’œuvre de Robert Marteau, qui est sous-tendue par une mystique de la nature, fourmille de nourritures terrestres et de métaphores culinaires. Dans Le jour qu’on a tué le cochon (Champ Vallon, 1991), récit qui, au-delà de la cuisine dudit animal, décrit une société rurale en train de basculer, il fait parler les paysans avec un naturel désarmant, sans rechercher l’effet pittoresque : « Ah ! c’était finement vu pour une cervelle de goret comme il a. » Ou bien : « Les nénettes lui remuaient comme de la gelée de coing. » « C’est-il Dieu possible qu’y ait des créatures faites comme ça rien que de miel et de beurre… Et ces deux panais qui sont là à renifler à savoir lequel pourra l’embrocher… »

Son grand œuvre, Dans l’herbe (Champ Vallon, 2006, prix du livre en Poitou-Charentes), est un entrelacs de dialogues et d’histoires. Par exemple, on voit comment se préparent les noces dans son Poitou d’avant-guerre. Et bien d’autres choses. Parmi lesquelles les merveilles, ces gâteaux de mardi-gras qu’ailleurs on nomme crêpes dures, tourtisseaux, bottereaux, fontimassous vendéens…

« Il y avait un gel blanc comme du sucre, comme le sucre qui couvrait les merveilles. C’est grand-mère Elodie et Marie qui les avait faites le lundi et les drôles ont eu le droit à la fin de s’en découper selon leur goût et leur fantaisie dans ce qui avait été laissé de pâte. Mais ils avaient dû pour ça astiquer au Miror le chaudron de cuivre, et Marie avait fini de le nettoyer pour qu’il soit propre à y faire la cuisine, c’est-à-dire à mettre chauffer l’huile dedans, tout doucement, une fois le feu fait, la flamme tombée, la braise venue, bien chaude, bien rouge, et c’est quand on voit cette huile toute claire et douce à l’œil qui se met en surface à frémir qu’il faut jeter dedans quelques morceaux de pâte de façon à ce qu’ils ne se touchent pas et qu’ils gonflent, un peu comme un crapaud, disons plutôt comme la grenouille de la fable, mais sans en venir à éclater, et c’est le moment qu’avec l’écumoire on retire la merveille dorée comme de l’or qu’on aurait soufflé. »

Et ci-dessous, un autre biais qui me rapproche de Robert Marteau, son Fleuve sans fin, journal du Saint-Laurent, à nouveau via un extrait de notre Actualité Poitou-Charentes (et photo ci-dessus, l’île aux Coudres, pour honorer ce titre du Fleuve sans fin :


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1ère mise en ligne et dernière modification le 24 mai 2011
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