Lyon, 8 décembre | formes d’une guerre, 3

performance arts numériques avec Dominique Pifarély, Philippe De Jonckheere, Michele Rabbia



 après la création Montbéliard en décembre 2010, l’expérience Poitiers en juin dernier, nous aurons 3 jours de répétition et préparation pour une troisième édition de Formes d’une guerre, en performance unique, le jeudi 8 décembre, à l’École normale supérieure de Lyon.

 qu’est que Formes d’une guerre ? – sur Désordre il faut explorer cette magnifique recréation web de Philippe, autre forme du spectacle en soi-même. Pas mal de traces dispersées dans mon propre site, s’y promener.

 nous donnerons aussi Formes d’une guerre en formation réduite, sans l’appui considérable de Christophe au son et Sébastien à la scéno, en conclusion de ma résidence à l’université de Louvain-la-Neuve, le jeudi 1er mars 2012, à la ferme du Bériau.

 19 juin 2011 : la version web du spectacle : Formes d’une guerre, comme si vous y étiez, avec versions successives des textes et extraits audio/vidéo.

 

Formes d’une guerre


présentation sur Tiers Livre juste en amont de Formes d’une guerre au Plantérium de Poitiers, juin 2011

Que fais-tu, Dominique Pifarély ? Il prépare des patches de traitement sonore (sur Max/MSP + Live). Que fais-tu Philippe De Jonckheere ? Il prépare trois banques d’images qui tourneront sous la coupole du planétarium (maintenant nommé Lieu multiple) à Poitiers.

Comme en décembre à Montbéliard, ce n’est pas un concept de spectacle. D’abord parce que le spectacle qui en résulte (et c’est ce que j’apprends de plus haut, avec mes collègues ci-dessus, plus notre étonnant Michele Rabbia), est une improvisation. D’ailleurs – l’ai encore vérifié à Rouen lundi et Louvain mardi avec ma traversée de Buffalo complètement chamboulée, j’ai intégré ce concept (en tant que concept) à ma propre pratique, en permanence. Le texte que je tiens sur l’iPad (magnifique outil pour lire en public) est le support de ce qui se chante, ou de ce qui se raconte, mais en aucun cas n’est simplement prononcé. Et peut-être la tension à tout instant, la plus belle à traverser de l’intérieur, même si la plus difficile, c’est l’écart pris avec le texte écrit, et comment on saura le reprendre.

À Montbéliard, il s’était agi de deux semaines consécutives. Et pour moi réécrire immédiatement (ou intégrer) dans la version écrite ce qui venait d’être tenté dans la répétition. Ainsi le bloc lu a-t-il évolué. Pas envie de remettre les pieds dans une ancienne trace et suivre tout droit.

À Poitiers nous aurons une semaine de répétition, un concept aussi d’espace : le maître du Désordre occupera la coupole, nous réagirons et agirons dans ce recouvrement d’images, qui nous inclura. Ce sera donc marcher ensemble, pas seulement à 4 puisque Christophe Hauser, à la console son, tient aussi un grand rôle (lui qui me coupe mon micro chaque fois que je ne lis pas, donc m’enlève délibérément ce jeu qui est tout aussi essentiel pour moi, d’accorder mon souffle avant de dire, ou grogner ma voix avant les mots – donc vive les lectures où je me retrouve seul sans ingé son qui décide à ma place !).

Le concept de spectacle m’intéresse peu. Si le texte est stable, Dominique connaît assez d’excellents hurleurs pour aller le promener avec eux. L’apprentissage de Montbéliard, j’en ai reconnu les fruits quand, le 15 janvier, médiathèque Marguerite-Duras à Paris, pour les 10 ans de remue.net (ou les 5 ans de ma sortie de remue ?) on a improvisé à trois, Dominique Pifarély, Philippe De Jonckheere et moi. Ou bien, ces deux mois, quand nous nous sommes retrouvés en binôme au Petit Faucheux à Tours ou au château de Chambord en acoustique avec Dominique.

Attente aussi de ce qui va intérieurement changer pour moi : Montbéliard m’était un pays radicalement étranger, bien plus étranger que Québec ou Montréal, à même distance temporelle d’ailleurs – je n’y avais aucune attache. À Poitiers, même dans la banalisation induite par des venues fréquentes à la fac, je rejoue en permanence ma propre histoire.

Il y aurait des prolongements :
 chaque fois, dans les documents de présentation de ces événements, on voit ressasser le nombre de bouquins qu’on a accumulés : mais justement, les livres sont derrière – et probablement définitivement derrière. Je suis bien plus écrivain dans le risque et le partage de la scène que je l’aie jamais été dans le dispositif culturel de l’imprimé ; et c’est en partie là que se fonde la légitimité de l’Internet, le site comme ressource fixe et lieu permanent de l’atelier. Le rapport à la permanence s’optimisait par la médiation du livre : le site offre de lui-même cette permanence, la scène le concrétise. J’écris pour venir porter ce que j’écris, et le laisser s’évanouir ensuite, pace à renouveler à chaque texte. C’est finalement plus grisant que l’ancien système du livre qu’on fait paraître une fois chaque deux ans.
 un des plaisirs de ce travail, moi qui n’ai pas goût au collectif ni ne supporte au-delà de quelques dizaines de minutes les situations non seul, c’est qu’il s’effectue sous direction. Même si lui refusera probablement l’idée, c’est remettre en confiance une instance de régulation, de décision, d’organisation aussi, à Dominique Pifarély. Je peux incarner moi aussi une situation de direction : en stage, cours ou atelier, et d’ailleurs sans hésitation particulière. Mais question plus profonde : si je n’avais pas ce rapport de fascination envers le violon – et l’oeuvre pour violon –, je ne ressentirais pas de façon aussi extrême cette fraternité avec Dominique, dans le moment de la scène, qui serait obéissance partagée au chemin de l’instrument même : je sors toujours deux fois ou quatre fois plus épuisé (et pourtant, c’est ce qu’il me semble avoir gagné ces dernières années : sortir littéralement épuisé d’une lecture) d’une heure de scène avec Pif que la même situation en solo...

François Bon, lecture au Café perdu, Rouen – photos Emmanuel Delabranche

On pourrait imaginer, pour un auteur, l’interdiction radicale même du texte préparé. Être dans ce blanc d’avant mot, quitte quand ça ne vient pas à rester au micro avec les trois autres et ne rien dire de l’heure. À Rouen et à Louvain, au Café perdu d’Emmanuel et Marie-Laure, ou à Louvain dans cet affreux amphi en pente raide sans aucun outil appréciable pour le son ou l’image [1]), le geste d’aménagement qui précédait la lecture était déjà la lecture, la préparait et la sauvait. Par exemple, j’ai rarement souvenir des textes lus eux-mêmes, alors que souvenir précis de l’ambiance, des lumières, de ce qui a pu circuler entre soi et ceux ici rassemblés, dans le temps du partage.

Donc rendez-vous Poitiers, vendredi 3 juin, 20h30, sous la coupole du Planétarium. Il se passera l’échappée libre de l’approche d’une semaine, via le matériau mis en commun, chacun depuis sa discipline.

[1Louvain-la-Neuve : ça n’a rien empêché ni limité de ce qui s’est passé ensuite, justement pour avoir pris la liberté de bousculer le dispositif imposé. Et comment ça se passerait mal à Louvain, vu l’accueil de Marc, Erica et les autres.

Mais très clairement : le pied de micro posé sur la table impose au lecteur de se faire homme-tronc derrière la tribune professoriale, heureusement que Frédéric B en avait apporté un de sa réserve. Et heureusement que j’avais mon propre vieux Sennheiser MD-441 de 35 ans d’âge, et pas ce petit micro de supermarché fourni avec l’amphi. L’image deux kilomètres au-dessus de moi, et une cinquantaine de personnes dans salle de 300, m’en suis tiré en accompagnant la lecture de jeu de pied dans ces contreplaqués uniformément résonnants, du coup me suis moitié pété un truc dans la cheville, j’en boite encore 4 jours après.

Et l’art de lire, c’est le hasard qui, deux heures plus tôt, nous avait mis en présence, dans les rues de Louvain-la-Neuve, de Rémi Morissette, apprenti instituteur à l’université de Laval/Québec, et que j’avais eu en atelier d’écriture au premier semestre, très bon souvenir de lui et de son voisin de table Patrice Hamel, comme d’autres de ce groupe a priori loin des enjeux littéraires, mais quelle dynamique, n’est-ce pas Naomi Fontaine, Rémi étant depuis quelques mois en Erasmus à Louvain... Du coup, la lecture de ce texte sur les villes et l’espace américain était lu avec devant moi un Américain en situation exactement symétrique...


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1ère mise en ligne 22 mai 2011 et dernière modification le 24 novembre 2011
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